La Chronique Agora

Sécurité : le gouvernement français fait-il mieux que ses homologues européens ?

Comme les statistiques en matière de sécurité ont vocation à se faire de plus en plus rares, je vous propose d’en profiter au travers d’une nouvelle chronique, pendant qu’il est encore temps.

« Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console » ?

Comme je vous le disais dans un précédent épisode :

« Si vous habitez en France, […] vous avez désormais chaque année 4,2% de chances* qu’il vous arrive un ‘accident de la sécurité’ plus ou moins tragique et irréparable (*2 812 270 de faits constatés en 2019 pour un total de 67 millions d’habitants). »

Avant de nous affoler en regardant notre nombril, je vous propose de voir ce qu’il en est au niveau européen.

Le 15 octobre dernier, Eurostat a publié ses dernières statistiques en matière de criminalité.

A tout saigneur tout honneur, commençons avec les homicides volontaires. En 2017, en valeur absolue, notre pays arrive en tête du peloton européen avec 942 dézingages sur un total de 5 200 au sein de l’Union européenne. Il n’y a rien d’étonnant à ce que notre pays se taille la part du lion puisque c’est également l’un des plus peuplés.

Il est donc plus intéressant d’analyser la situation sous l’angle relatif, en nous penchant sur le taux d’homicide par pays. Cela nous permet de constater que la France est le neuvième pays sur 28 où l’on a le plus de chances de se faire dessouder, ce qui nous place à peu près au même niveau que la Roumanie et la Bulgarie, et loin devant des pays tels que la Grèce, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et évidemment le Luxembourg, qui figurent en queue de peloton.

A toutes fins utiles, notez que nos voisins belges sont encore plus à plaindre que nous.

Je comptais poursuivre avec les statistiques des agressions, mais je lis sur le site d’Eurostat que trois pays n’ont pas encore communiqué leurs données nationales pour 2017, à savoir l’Autriche, la Roumanie et… la France.

Continuons si vous le voulez bien en abordant les vols avec violence. Ici, la France est en excellente position puisque notre pays n’est devancé que par nos voisins belges.

Si vous tenez à vos bijoux de famille – dans tous les sens du terme – vous éviterez donc soigneusement ces deux pays pour vous réfugier à peu près n’importe où, à l’exception de l’Espagne, du Royaume-Uni, du Portugal, de la Suède et du Luxembourg.

Pour terminer, je vous propose quelques chiffres relatifs aux vols de voitures. Sur près de 700 000 voitures volées par an au sein de l’Union européenne en 2016, la France figure en pole position avec 161 500 faits signalés.

Cette performance nous permet de briguer la cinquième position en termes de faits déclarés par habitant.

Notez que le fléau des vols de voitures est mieux réparti entre les pays européens que ce n’est le cas des cambriolages, et a fortiori des homicides volontaires pour lesquels une poignée de pays sont beaucoup plus exposés que les autres.

Quoi qu’il en soit, la France enregistre une performance remarquable quelle que soit la discipline, ce qui nous vaut un palmarès extrêmement honorable.

Un internaute s’est d’ailleurs amusé à produire la carte ci-dessous en croisant les données Eurostat de 2016 en matière d’homicides volontaires, d’agressions, de vols et d’agressions sexuelles. Je ne vous garantis bien sûr pas son exactitude, mais elle donne une idée à la grosse louche du niveau de d’insécurité dans les différents pays de l’Union.

Bref, pour nous autres Français, l’adage « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console » n’est pas vraiment de mise en matière de sécurité.

« Même le tourisme va se gaufrer »

Comme si cela ne suffisait pas, le rapport 2019 sur la compétitivité touristique du World Economic Forum nous rétrograde à la 51ème place des pays les plus sûrs, en particulier du fait du risque terroriste – mais pas que.

Comme le rappelle Le Figaro, l’indice de la sûreté et la sécurité du World Economic Forum « mesure l’exposition des touristes et entreprises aux risques de sécurité dans un pays, principalement liés à des atteintes graves à la population, à la violence et au terrorisme. La fondation précise que la petite délinquance n’est pas prise en compte. »

La France se trouve donc reléguée entre la Gambie (50) et l’Algérie (53). La Belgique semble décidément amenée à devoir partager notre destin puisqu’elle figure à la 52ème place.

Le Canada a déjà pris acte de la situation en recommandant à ses ressortissants d’éviter l’Hexagone pour leurs vacances.

En somme, la situation française en matière de sécurité est à tel point dégradée que notre pays est en train de perdre ses chances de rester une zone touristique de premier plan en profitant de son patrimoine, à défaut d’être novatrice en matière de technologies d’avenir. Les mamelles de la croissance françaises disparaissent donc les unes après les autres.

Vu la tournure que prend l’insécurité au sein de notre capitale, il n’y a d’ailleurs rien de bien étonnant à ce que les étrangers lui préfèrent d’autres destinations.

« Paris 2019 (la vraie suite de New-York 1997) »

Non seulement les chiffres du service statistique du ministère de l’Intérieur (SSMI) que nous avons vus la semaine passée ne représentent que les faits déclarés, mais ce sont par ailleurs des moyennes.

Or, en matière de sécurité, il faut garder à l’esprit que certains sont plus égaux que d’autres, et que chaque victime ne déclare pas systématiquement le préjudice qu’elle a subi.

Pour ce qui est de notre capitale, près de la moitié des Franciliens déclarent avoir été agressés, volés ou cambriolés au cours des trois dernières années, selon une enquête de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme publiée au mois d’avril dernier.

Au mois d’octobre, la ville franchissait une étape supplémentaire. Sur la base des chiffres transmis par la préfecture aux maires, Le Figaro déplorait le bilan suivant depuis le début de l’année :

Au mois de novembre, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, nous faisait part de la spectaculaire année qu’ont enregistrée les pickpockets du métro et du RER :

Le Figaro résume :

« Ainsi, sur les dix premiers mois de cette année, [les chiffres] ont fait un bond de 59% par rapport à la même période de 2018 : 7 485 vols contre 4 721. Les vols sans violence, qui représentent plus des deux tiers de ces infractions, ont progressé quant à eux de 74% : 5 093 contre 2 920. Les vols avec violence ont également augmenté de 33% : 2 392 contre 1 801. »

En janvier, la préfecture dressait un bilan dramatique pour 2019 :

Atteintes aux biens : + 12,01%, à 245 250 ;

Vols à la tire : + 31,77%, à 50 280 ;

Vols dans les véhicules : 11,56%, à 18 065 ;

Vols d’automobile et à main armée : -8,97% chacun ;

Cambriolages : +3,12%, à 17 876 ;

Atteintes volontaires à l’intégrité physique : + 8,16%, à 47 308 ;

Violences physiques crapuleuses : +7,74%, 19 530 ;

Violences sexuelles : +4,30 %, à 2 863

Infractions constatées à la législation sur les stupéfiants : – 11,94 %, à 11 841.

Là encore, certaines zones sont « privilégiées ». Le journal Ouest France précisait ainsi :

« Géographiquement, les plus grosses progressions de délinquance proviennent surtout des arrondissements centraux : dans le Ier, les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont augmenté de 27,17% et les atteintes aux biens de 19,36%, dans le IIe de 19,09% et de 22,69% respectivement, dans le IIIe de 34,4 et de 13,28%, dans le IVe de 36,85% et 28,7%. »

Du côté de la mairie, on jette naturellement la pierre au gouvernement, qui est effectivement le premier responsable de la situation.

Le ministre de l’Intérieur a naturellement rétorqué en évoquant une « une vaine polémique, une inutile polémique » alimentée par la mairie pour des raisons électorales.

Débarrassée du poids de cette responsabilité, Anne Hidalgo a pu recentrer son action sur les choses qui lui semblent vraiment prioritaires…

Bref, comme l’écrit le blogger Hazukashi :

« Paris 2019 (la vraie suite de New-York 1997) est un vrai marécage, une décharge, un bourbier, une Tour de Babel qui attend sa purge, sa formidable descente de CRS pour sortir tout le monde matraque à la main au petit matin comme une volée de moineaux. Un décor de théâtre décrépi, craquelé, fendillé de partout, qui grince sous nos pas. Une immense régression anthropologique, avançant par petites touches, faite d’ultra-violence, de crédulité et d’arrogance, qui annonce le monde de demain… »

Et pendant ce temps-là, la récolte de l’impôt – merci pour elle –, se porte toujours aussi bien…

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