La Chronique Agora

Que faut-il penser de la santé des banques en Zone euro ?

▪ A la perspective d’une réduction d’injection de « liquidités », voilà les marchés financiers à nouveau rentrés en crise de delirium tremens.

Vous me direz que vous vous fichez éperdument de la parité de la livre turque, des manigances de la Fed ou des créances douteuses des camarades capitalistes chinois et que vous êtes bien loin de tout ça. Mais cher lecteur, tout ceci vous concerne quand même ; le lien, ce sont les banques.

Car ces injections monétaires ne poursuivent qu’un seul but : protéger les banques américaines et européennes. Et si les marchés vont mal, les banques pourraient aller très mal.

– Mardi 18 janvier 2014 : « les banques européennes face à un trou de 1 000 milliards de dollars avant la revue de qualité des actifs », Bloomberg
– Lundi 27 janvier 2014 : « les banques européennes ont besoin de 84 milliards d’euros de fonds propres », Les Echos
– Mercredi 29 janvier : « les banques européennes montrent des signes de convalescence », The Wall Street Journal

Qui croire ? 1 000 milliards de dollars représentent 767 milliards d’euros, soit à la louche neuf fois plus que 84 milliards. En neuf jours les banques auraient besoin de neuf fois moins d’argent, leur situation s’amélioreraient à une vitesse fulgurante. A ce rythme, en février, nous nagerons dans le bonheur.

▪ A moins que…
Un horrible doute m’assaille. La brève de Bloomberg cite un travail d’universitaires du CEPS de Bruxelles (Center for European Policy Studies). « L’Eurozone est engluée dans une récession. En 2013, le PIB des 17 pays de la Zone euro a chuté de 0,5% et les perspectives pour 2014 montrent un risque considérable pesant sur cette région. […] Le système bancaire de l’Eurozone est gravement sous-capitalisé depuis la crise financière de 2007 – 2009. Par conséquent, certaines banques sont bourrées d’actifs risquées (et de dette souveraine risquée en particulier) ». Ces universitaires sont-ils aptes à comprendre la finance, ne noirciraient-ils pas un peu le tableau ?

L’étude de l’OCDE citée par Les Echos est bien plus rassurante (quoique 84 milliards d’euros, ça nous fait quand même plus de 16 kerviels) et The Wall Street Journal est presque élogieux. Les banques européennes ont déjà levé 25 milliards d’euros avant leur grand examen de « revue de qualité des actifs » et ça se passe très, très bien. Si, vraiment.

On ne sait pas trop à la lecture de cet article ce qu’elles ont remboursé de leurs prêts octroyés par la Banque centrale européenne (1 000 milliards d’euro du généreux Mario). Pour cela, il faut aller sur le site de la BCE et chercher le poste 5, « concours en euro à des établissements de crédit de la zone euro liés aux opérations de politiques monétaires ». On y apprend qu’au 17 janvier 2014, les banques devaient encore 672 milliards d’euros.

Honnêtement, personne — même par la plus pourrie des journées de janvier de l’hémisphère Nord — n’a envie d’aller se perdre dans les méandres du site de la BCE. N’importe quel bipède sain d’esprit préfère siroter une bonne tasse de thé au coin du feu avec un bon roman. Mais finalement, c’est quand même de notre argent dont il s’agit !

▪ Il faut sauver les apparences
Au terme de cette quête désespérante nous savons que les banques survivent aux crochets de la BCE (donc des contribuables) et qu’elles ont « emprunté » de l’argent qui n’existe pas en déposant en garantie des créances pourries. Si les marchés chutent à nouveau, les banques auront besoin d’être renflouées. Les chiffres de Bloomberg sont probablement plus proches de la réalité que ceux de l’OCDE ou du Comité de Bâle. Comment se fier aux estimations chiffrées d’organismes qui concluaient en 2011 que la Grèce n’aurait besoin que de 35 à 80 milliards d’euro alors qu’il a fallu injecter 380 milliards d’euros… que personne n’a ?

C’est le miracle du capitalisme sans capital que décrit si bien Paul Fabra, chroniqueur des Echos et responsable du Monde de l’Economie. « Le capitalisme sans capital pousse l’art d’emprunter jusqu’à la subversion. […] Seule la certitudes que les taux à court terme resteront bas pour une période de temps indéfinie permet de sauver les apparences ».

Quand on ne pourra plus sauver les apparences, on viendra chercher du vrai argent, le vôtre. C’est exactement le sens de la taxe sur les dépôts bancaires proposée par le Fonds monétaire international, idée récemment reprise par la Bundesbank allemande avec sa taxe ponctuelle sur la fortune. Que le vocabulaire ne vous trompe pas, il ne s’agit pas d’un ISF pour riches ; il s’agit des dépôts, de vos dépôts. Pour ne pas toucher aux dépôts en dessous de 100 000 euros à Chypre, il a fallu injecter 10 milliards d’euros (que personne n’avait et qui sont donc venus gonfler la dette).

Pour sauver les dépôts des banques plus grosses et ce sont des centaines de milliards d’euro qu’il faudrait injecter. Comme c’est impossible, cette fois, on prendra du vrai capital, votre épargne. Comme il faudra aller vite, on prendra l’épargne liquide, les dépôts bancaires.

La solution consiste donc d’abord à ne pas laisser traîner votre épargne dans n’importe quelle banque et ensuite à avoir le moins d’épargne possible dans le circuit bancaire.

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