Tant de bonnes âmes à l’œuvre et pourtant les Etats-Unis décrochent. Pourquoi ?
Avouez que l’on vous a plongé dans un suspense insoutenable hier, cher lecteur ! Vous vous demandiez : comment se fait-il que les Etats-Unis décrochent ? Comment se fait-il que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent ? Pourquoi nos écoles vont de mal en pis, au lieu de s’améliorer ? Pourquoi notre espérance de vie recule ? Pourquoi nos classes moyennes s’appauvrissent, pendant que nos militaires multiplient les conflits et les perdent tous ?
Avec tant de bonnes âmes à la barre – Mme Elizabeth Warren au Sénat, le lauréat du prix Nobel d’économie Paul Krugman au New York Times, Ta-Nehisi Coates çà et là, les bien-pensants qui se trouvent des places de choix dans le monde universitaire ou au sein même du gouvernement –, qui clarifient « la science », nous protègent de l’intelligence artificielle, des drogues, de la pauvreté, de la Russie, des puces chinoises, qui censurent la mal-pensance, stimulent l’économie à coups de milliers de milliards de nouveaux dollars, qui adoptent des centaines de nouvelles lois et de réglementations (toutes visant à faire de notre société une société parfaite et à étendre le gouvernement) – laissez-nous le temps de reprendre notre souffle…
Le déclin des Etats-Unis est aussi fascinant qu’inexplicable.
Sous influence
Donald Trump accuse les étrangers – tant ceux qui nous offrent leur labeur (les Mexicains) que ceux qui nous envoient leurs produits finis (les Chinois).
Joe Biden privilégie les ennemis intérieurs – prétendant que les hommes républicains blancs et hétérosexuels veulent la mort de notre démocratie.
Vladimir Lenine offre une meilleure explication. Il pensait que le capitalisme avait un défaut inhérent qui entraîne une dérive vers le fascisme. Dans les années 1970 et 1980, l’économiste George Stigler a développé la théorie de la « capture réglementaire » pour expliquer ce phénomène.
L’idée est que les bonnes âmes qui travaillent pour le gouvernement sont sous influence. Des capitalistes cupides et impitoyables les conduisent vers le péché. Les grandes entreprises « capturent » les agences de l’Etat et les utilisent pour museler la compétition, accroître leurs chiffres d’affaires, réduire leurs impôts et augmenter leurs marges bénéficiaires.
C’est la façon dont la plupart des politiciens qui pensent, si tant est qu’il y en ait, conçoivent les choses. Robert Francis Kennedy Jr. pousse la réflexion un peu plus loin. Il affirme que les grandes entreprises pharmaceutiques et la Federal Drug Administration ont profité de l’hystérie causée par la pandémie de Covid pour vendre des médicaments et accroître leur pouvoir. Raytheon et General Dynamics se sont associés au Pentagone pour exploiter la folie de l’empire américain et vendre plus d’armes.
Mais la capture va bien plus loin. La Drug Enforcement Agency protège les distributeurs de médicaments sous le manteau, en maintenant des prix élevés et en limitant l’accès aux traitements. Les services de police et les prisons se voient attribuer des budgets plus importants également. Et la dernière chose que les gens qui luttent contre la pauvreté veulent est que les pauvres deviennent subitement indépendants. Ces ennemis de la pauvreté vivent en effet des grasses subventions et des cadeaux de l’Etat. Enlevez-leur cela, et il leur faudrait trouver un moyen de gagner honnêtement leur vie.
Désormais, il y a tout un tas de nouveaux secteurs de connivence avec le gouvernement fédéral pour vendre de l’énergie « verte » et d’autres concepts tels que la diversité, l’équité et l’inclusion.
Mais il manque quelque chose dans l’hypothèse de la « capture ». Qui capture qui ?
Trop humains
Notre contribution à la théorie de la capture consiste à observer que les régulateurs et les régulés sont comme tout le monde. Les deux veulent les mêmes choses : le pouvoir, l’argent, le statut. Et ils y parviennent en complotant contre le public.
Un camp dispose de l’argent (qu’il gagne en fournissant des biens et des services à des clients reconnaissants). L’autre dispose du pouvoir, qui lui est donné par les décideurs et protégé par la force de frappe de la police et de l’armée. Aucun des deux camps n’est le diable. Aucun des deux camps n’est un sain. Les deux camps sont juste trop humains.
Les programmes gouvernementaux reposent sur l’idée qu’il y aurait des agents gouvernementaux chastes, au cœur pur, clairs d’esprit et prêts à renoncer aux tentations terrestres. La théorie de la « capture réglementaire » part du principe que Mme Warren et tout l’Etat profond chargé de réglementer sont comme des nonnes dans un couvent reculé, priant en permanence pour la paix et la prospérité, et courant le risque d’être enlevés par de puissants vikings.
Bien sûr, si le gouvernement souhaite éviter la « capture », il lui suffirait de renforcer ses défenses. Finis les cachets de conférencier. Finies les portes communicantes. Fini les contrats de consultant pour des secteurs réglementés. Pourquoi ces mesures n’ont-elles pas été mises en œuvre ?
Oh, cher lecteur, vous nous décevez. N’est-ce pas évident ? Ces gens veulent aussi passer un bon moment !
Et qu’en est-il d’utiliser la fiscalité pour corriger les défauts du système, comme le suggère Mme Warren ? Elle soutient que son objectif est de réduire les inégalités, en taxant la fortune des familles les plus riches.
Mais plus les lois et les réglementations se multiplient, plus il y a d’agences chargées de les faire appliquer et plus les élites ont d’occasions d’apprendre à les contourner.
Le code fiscal américain fait déjà 70 000 pages et contient 3 millions de mots… chacun de ces mots étant censé améliorer le monde d’une façon ou d’une autre. Sûrement que quelques pages supplémentaires, avec une taxe immobilière sur les familles fortunées, comme les Kennedy, permettront de régler les choses, n’est-ce pas ?
Nuire toujours plus à l’intérêt du grand public
Mais attendez… Qui écrit ces milliers de pages du code fiscal ? Qui crée les failles dans le système fiscal et explique ensuite aux riches où les trouver ? Pourquoi les juristes de l’administration fiscale rejoignent les grandes entreprises de conseil en fiscalité ? Qui servent réellement ces « fonctionnaires » : la classe moyenne ou leurs clients fortunés ? « Le Peuple » ou l’élite ?
Et qui rédigera la nouvelle loi fiscale ? Qui conseillera, qui interprètera et qui mettra le ver dans le fruit ? On pourrait l’intégrer comme un amendement à cette précieuse instruction de l’IRS :
« Aux fins du paragraphe (3), toute organisation décrite au paragraphe (2) doit être considérée comme incluant une organisation décrite à la section 501(c) (4), (5), ou (6) qui serait décrite au paragraphe (2) s’il s’agit d’une organisation décrite à la section 509(a)(3) »
Qui comprendrait ?
Mais peut-être que les riches et les puissants, avec le concours de leurs avocats, des lobbyistes et des membres du Congrès (qu’ils rémunèrent rubis sur l’ongle) feront une pause. Peut-être qu’ils iront passer leurs longues vacances d’été dans les Hamptons, tandis que Mme Warren rédigera elle-même la nouvelle loi fiscale.
Et Mme Warren ? Pour qui travaille-t-elle ? Pour une minorité de gens ? Ou pour le plus grand nombre ? Les capitalistes ont-ils été incapables de la dompter ou bien seraient-ils de connivence ? Est-elle restée innocente, cachée dans les sombres recoins du couvent pour prier, pendant que le reste du gouvernement se faisait capturer ?
Ou bien se pourrait-il que sa « solution » réglementaire bidon ne serve qu’à anesthésier « le peuple »…
… pour permettre aux élites de le flouer encore plus ?