La Chronique Agora

Le risque de perte chez les emprunteurs

Les emprunteurs doivent se méfier d’une chute de la valeur de leurs actifs acquis à crédit en dessous de la valeur des prêts ayant servi à les financer.

L’industrie bancaire et les banques centrales surévaluent des milliers de milliards d’emprunts à long terme et à taux bas, et devraient matérialiser de gigantesques pertes si elles devaient vendre aux valeurs du marché (mark-to-market). La Réserve fédérale comme la Banque centrale européenne.

Bien sûr, on peut penser qu’elles détiendront ces obligations et prêts jusqu’à maturité. Ainsi, la plupart vont éviter de reconnaître la perte, ou de tenter de liquider des obligations après la chute en valeur des titres sur le marché.

Remarquons qu’en France, dans le cas des assureurs, des précautions ont été prises. Il s’agit de la loi Sapin 2 qui permet aux assureurs-vie de suspendre les demandes de remboursement de leurs clients souscripteurs de contrats dits en euro (qui reposent sur de la dette française et européenne) dans le cas où leur solvabilité serait menacée. Ils n’auront pas à revendre, conserveront ainsi leurs titres qui rapportent moins de 2% durant une dizaine d’années et ils ne seront pas contraints de se recapitaliser.

Dans le pire des cas, les emprunteurs feront partiellement défaut sur quelques emprunts.

Quelques banques disparaîtront. Quelques gérants de fonds perdront leurs boulots. Quelques déposants seront secourus. Il n’y a pas de risque systémique du côté des prêteurs, pensons-nous.

Une étrange situation où le risque est du côté des emprunteurs

Les emprunteurs, d’un autre côté, ne sont pas dans le même cas. Ils posent un risque systémique. Examinons pourquoi.

Les emprunteurs n’ont pas été idiots. Ils se sont refinancés quand les taux étaient au plus bas. Les hausses de taux ne leur nuiront pas.

Lors des cycles précédents, la hausse des taux d’intérêt s’était toujours traduite par une hausse de la part prise sur les bénéfices pour payer les intérêts. Mais dans le cas présent, même si les taux d’intérêts ont augmenté, les paiements nets en pourcentage des bénéfices ont baissé.

C’est pourquoi nous avons vu des banques s’effondrer, mais pas encore de récession. Parce que les emprunteurs ont verrouillé des taux bas pour une longue durée. Ce sont les prêteurs qui, jusqu’à présent, font les frais de la hausse des taux.

Donc qu’est-ce qui pourrait nuire aux emprunteurs ?

La seule chose qu’ils peuvent redouter est une chute de la valeur de leurs actifs acquis à crédit en dessous de la valeur des prêts ayant servi à les financer.

Pour cette raison, nous suivons de près le secteur de l’immobilier commercial aux Etats-Unis, secteur qui a récemment connu quelques déboires et pour lequel les pertes peuvent s’emballer.

Lorsque les prix des actifs chutent, la pression monte du côté des emprunteurs pour faire défaut ou répudier leurs dettes et laisser les banques se saisir de l’actif sous-jacent.

Ces ventes forcées pèsent encore plus sur les prix et il en résulte une spirale descendante.

Si l’on poursuit cette spirale jusqu’à son terme théorique, tous les prêts à long terme et à taux bas sont répudiés et les banques (ou les banques centrales) se retrouvent avec des actifs dont les valeurs comptables sont fortement révisées à la baisse.

On peut imaginer, par exemple, l’effondrement des logements du boom Airbnb. Beaucoup de propriétaires immobiliers ont spéculé, poussés à acheter de l’immobilier surévalué en raison des taux bas, mais avec un bon niveau de rentabilité locative (d’autant plus qu’en France, par exemple, les contraintes d’encadrement de loyers ne pèsent pas trop sur ce type de location de courte de durée). Mais si ces propriétaires sont obligés de vendre parce que la valeur de leur immobilier a chuté sous la valeur de leur emprunt, ou que les loyers ne suffisent plus à payer les intérêts du prêt… La chute du marché de l’immobilier s’accélèrerait jusqu’à devenir un krach.

Les retournements de marché, autrement dit les changements de mentalité, ne peuvent être ni prédits, ni modélisés. Mais un retournement peut s’emballer et devenir une déflation : baisse de la valeur et destruction de monnaie (dans la mesure ou des titres de dette ne valent plus rien).

C’est pourquoi nous restons en mode sécurité maximale. 

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