La Chronique Agora

Richesse réelle… ou escroquerie complète ?

richesse

La hausse des marchés a généré un « effet richesse » sans précédent, un peu partout dans le monde. Seul souci : cette richesse est quasi-entièrement imaginaire…

Nous poursuivons notre réflexion sur le bezzle et le détournement de fonds qui est en train de se dérouler à l’échelle mondiale…

L’idée de Charles Munger, vice-président du fonds Berkshire Hathaway, était que la hausse des prix des actions ou de l’immobilier peut générer des effets de revenus et de richesse – et ce, que cette hausse des prix reflète ou non une augmentation réelle de la capacité de gain de ces actifs, c’est-à-dire de leurs valeurs fondamentales réelles.

Lorsqu’elle reflète des augmentations de la richesse réelle, la hausse des gains de l’investisseur s’accompagne d’une augmentation de la capacité productive réelle de l’économie.

En revanche, lorsque les prix des actifs grimpent pour des raisons autres que des augmentations réelles de leur capacité de production de vraies richesses, quelque chose de très différent se produit. L’économie globale n’est pas mieux lotie, puisqu’il n’y aura pas d’augmentation correspondante de la capacité de production de cette économie.

Le propriétaire de tels actifs, cependant, se sent plus riche, temporairement, car sur le long terme, les prix des actifs finissent par converger vers une valeur qui représente leur contribution réelle à la production de biens et de services.

Une escroquerie… sans escrocs

Lorsque la valeur perçue des actifs dépasse leur utilité économique réelle, la richesse psychique de l’économie augmente à nouveau – et parce que cette hausse n’est associée à aucune augmentation correspondante de la richesse réelle, elle n’est que temporaire (bien que, comme l’a noté Munger, cette phase peut durer très longtemps).

Le fait est que les marchés financiers peuvent créer des impressions temporaires de fausse richesse très similaires à celles des stratagèmes de Ponzi sans avoir besoin d’un escroc – une notion, soit dit en passant, que l’économiste Hyman Minsky aurait rapidement reconnue comme une reformulation de son hypothèse d’instabilité financière.

Ce que Munger n’a pas vu, c’est que, même dans ce cas, il y a – et il faut qu’il y ait – un escroc. Cet escroc, c’est celui qui produit la monnaie, c’est la clique qui alimente le détournement, le pseudo-enrichissement… bref, l’escroc, c’est la banque centrale.

Le bezzle déforme l’activité économique ; il n’y a aucun moyen de faire la distinction entre les revenus et/ou les bénéfices réels et les revenus et/ou les bénéfices dopés.

Munger a expliqué comment cela pourrait se produire très simplement, lorsque la hausse des cours des actions alimente temporairement la hausse du PIB :

« Quand le bezzle est alimenté par les banques centrales en continu, les gens pensent qu’ils gagnent vertueusement un revenu. La situation fonctionne comme un détournement de fonds non divulgué et non auto-limité. Ce qui ressemble à des dépenses provenant du revenu gagné est, en substance, des dépenses provenant d’un ‘effet de richesse’ déguisé [né] de la hausse des cours des actions. »

L’avenir, principale victime

Ces 3% par an, par exemple, qui proviennent de l’appréciation des actifs sont convertis en revenus – un processus qui est finalement inversé, puisque la rentabilité future des actifs est consommée maintenant. La surévaluation actuelle des actifs est équivalente à la consommation actuelle de leur produits futurs.

Dans ce cas, le détournement a toujours lieu mais ce n’est pas un détournement du présent ; c’est un détournement du futur. La victime, c’est l’avenir, a expliqué Munger. On ne rase jamais gratis.

Les économistes traditionnels ne peuvent pas admettre tout cela, bien entendu, puisqu’ils sont payés pour justifier et couvrir le bezzle, pour dissimuler et justifier les détournements présents et à l’égard de l’avenir.

C’est pour cela qu’à notre époque de gigantesque détournements présents et futurs, les analystes ont abandonné l’idée de valeur fondamentale, de valeur économique des actifs. Ils ont produit des théories qui éliminent les valeurs fondamentales.

La valeur fondamentale, la valeur économique n’existent plus ; elles sont remplacées par le prix, c’est-à-dire la rencontre de l’offre et de la demande. L’oblitération de la référence que constitue la valeur fondamentale est en quelque sorte la justification théorique de l’escroquerie que constitue le bezzle !

Ceci signifie que si vous réussissez à créer une demande qui fait monter un prix alors… vous avez créé des richesses et il n’y a plus de bezzle : expliquez cela en ce moment aux créanciers de Huarong ou d’Evergrande !

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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