Les robots vont nous voler tous nos emplois, paraît-il – et le seul remède, c’est de mettre en place un revenu de base universel. C’est méconnaître une partie de la théorie économique…
L’idée d’un revenu de base universel (RBU) a atteint le sommet de sa popularité. Le démocrate Andrew Yang en avait fait le thème phare de sa campagne présidentielle aux Etats-Unis, par exemple. Un petit groupe d’activistes continuent inlassablement de pousser des arguments en faveur de son adoption.
Je vais répondre à leurs deux principaux arguments dans cet article. Le premier : la crainte que l’automatisation provoque la suppression définitive de nombreux emplois. Le second : la nécessité de mettre en place un revenu de remplacement pour compenser la perte de pouvoir d’achat consécutive au manque de débouchés sur le marché du travail.
Tous deux s’appuient sur des sophismes économiques réfutés depuis longtemps.
Personne ne doute du fait que la robotisation, l’automatisation et les logiciels éliminent dans certains domaines le besoin de recourir au travail humain. Mais les discours alarmistes contre l’automatisation partent toujours du principe que lorsque des emplois sont supprimés en raison de l’automatisation dans un domaine, cela se traduit par une réduction définitive du nombre total d’emplois.
Cela suppose cependant qu’il n’y ait pas d’accroissement équivalent du besoin en main-d’œuvre dans d’autres domaines.
L’argument de la perte de pouvoir d’achat affirme que l’économie risque de souffrir d’une chute de la demande globale en raison de la réduction des revenus des individus touchés par la perte de leur emploi.
Offre et demande
Martin Ford (futuriste et auteur du best-seller L’avènement des machines) pense que le RBU est « la réponse à l’automatisation des emplois » car il « garantira que les consommateurs auront toujours de l’argent à dépenser – étant donné que l’économie de marché exige qu’il y ait une demande suffisante de produits et de services ».
Ces deux arguments s’avèrent être liés à la loi de Say. Il s’agit de l’observation d’après laquelle, lorsqu’un producteur fournit un bien sur le marché, son action constitue simultanément une demande pour un autre bien non concurrent.
Il est juste d’affirmer que si les travailleurs restaient en permanence inemployés, l’économie souffrirait d’une insuffisance de demande résultant de la réduction de l’offre. Les travailleurs autrefois productifs, devenus inactifs, ne contribuent plus à alimenter l’offre de biens. En cessant de produire, leur contribution à la demande globale disparaît également.
Toutefois, si les travailleurs licenciés dans un secteur ont la possibilité de trouver un emploi rémunéré dans un autre secteur, alors ils pourront continuer de produire des biens et donc d’alimenter la demande. Par conséquent, il n’y aurait aucune insuffisance structurelle de la demande globale.
Les partisans du RBU ont raison de dire que certains emplois peuvent disparaître lorsque des machines sont capables de réaliser des tâches qui nécessitaient auparavant un travail manuel. S’il devient possible dans un secteur d’activité de produire autant avec un plus petit nombre de travailleurs en utilisant davantage de robots, alors ce secteur risque de ne plus proposer autant d’emplois qu’avant.
Faut-il pour autant en conclure que lorsqu’un secteur d’activité utilise un plus petit nombre de travailleurs, alors ces travailleurs ne pourront pas se rendre utile dans d’autres secteurs ?
Comment expliquer dans ce cas l’augmentation considérable de la population active ayant un emploi depuis la révolution industrielle il y a près de deux siècles, c’est-à-dire au cours d’une période caractérisée par une intensité capitalistique croissante ?
La réponse est que la baisse de la demande de main-d’œuvre dans les secteurs à plus forte intensité capitalistique n’est que le début, et non la fin, de l’histoire.
Un économiste ne doit pas se contenter d’observer l’effet immédiat d’un changement. Un véritable économiste analyse comment le système dans son ensemble réagit et s’adapte à un changement donné.
Hayek considérait que « la focalisation croissante sur les effets à court terme est non seulement une erreur intellectuelle grave et dangereuse, mais aussi une trahison du devoir premier d’un économiste et une grave menace pour notre civilisation ».
D’où proviennent les robots ?
A-t-on découvert un gigantesque entrepôt plein de robots inutilisés abandonnés par des extraterrestres ? Non, quelqu’un a dû les fabriquer.
Le processus de création de nouveaux biens d’équipement nécessite d’abord une diminution de la consommation afin de constituer une épargne supplémentaire et ainsi financer de nouveaux investissements. Ce processus crée initialement une plus grande demande de main-d’œuvre dans les secteurs qui fournissent des biens d’équipement, pour concevoir et construire les nouveaux robots.
Cette demande compense dans une certaine mesure les pertes d’emplois dans le secteur des biens de consommation dues au transfert des dépenses de consommation vers les biens d’équipement. La fabrication de robots nécessite en effet des ingénieurs, des usines, des commerciaux, un service marketing et tous les autres services qui forment une chaîne d’approvisionnement complète.
Jesús Huerta de Soto, dans son livre intitulé Monnaie, crédit bancaire et cycles économiques, montre comment l’augmentation de l’offre de biens d’équipement par rapport à l’offre de main d’œuvre disponible modifie la combinaison la plus rentable entre travail et capital dans un secteur donné.
Dans cette situation, la combinaison la moins coûteuse est obtenue en utilisant davantage de capital et moins de travail. Il devient donc possible de produire en plus grande quantité, à moindre coût et avec un plus petit nombre de personnes :
« Compte tenu de cette augmentation des salaires réels, qui découle de l’accroissement de l’épargne volontaire, il est dans l’intérêt (en termes relatifs) des entrepreneurs à toutes les étapes du processus de production de remplacer la main-d’œuvre par des biens d’équipement. »
L’utilisation de nouveaux biens d’équipement plus efficaces permet d’augmenter la productivité du travail. Cela signifie qu’une plus petite quantité de travail est nécessaire pour produire la même quantité de biens à moindre coût. Mises explique les effets consécutifs à la substitution du capital au travail :
« La productivité du travail augmente avec l’aide des machines. La même quantité de travail permet ainsi de produire une plus grande quantité de biens (ou des biens d’une meilleure qualité). L’utilisation de machines en elle-même n’entraîne pas directement de réduction du nombre de travailleurs employés dans le processus de production. »
Du fait de la pression concurrentielle, la baisse des coûts de production finit par se répercuter sur les prix de vente aux consommateurs. C’est une autre façon de dire que les consommateurs bénéficient à présent d’un niveau de salaire réel plus élevé.
Les consommateurs peuvent acheter la même quantité de biens – par exemple des chaussures – qu’avant tout en conservant un peu d’argent pour acheter autre chose qu’ils n’auraient pas pu s’offrir auparavant.
A suivre…
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici