La Chronique Agora

Le revenu universel contre les robots (2/2)

Productivité, main d’œuvre, chômage, épargne et consommation sont les termes d’une équation bien plus complexe que semblent le croire ceux qui militent pour la mise en place d’un revenu universel.

Nous continuons notre discussion sur la robotisation de l’économie – et la mise en place d’un revenu de base universel (RBU) destiné à pallier les pertes d’emploi qui s’ensuivront… en principe.

Une théorie fausse, comme nous avons commencé à le démontrer hier, et l’économiste Jesús Huerta de Soto continue ses explications :

« Toute augmentation de l’épargne volontaire produit un effet particulièrement important et immédiat sur le niveau des salaires réels […].

Une augmentation de l’épargne est généralement suivie d’une baisse des prix des biens de consommation. Si, comme cela se produit généralement, les salaires ou autres formes de rémunération du travail restent initialement stables en valeur nominale, alors une baisse des prix des biens de consommation entraînera une augmentation des salaires réels des travailleurs à toutes les étapes du processus de production. Avec un même niveau de revenu en valeur nominale, les travailleurs seront en mesure d’acquérir une plus grande quantité de services et biens de consommation (ainsi que de meilleure qualité) compte tenu de la baisse des prix de vente. »

C’est une autre façon de dire que lorsqu’un secteur devient plus productif, le niveau de vie de l’ensemble de la population augmente.

Contrairement à ce qu’affirme Martin Ford, il n’est pas nécessaire de soutenir la demande à l’aide d’un revenu universel déconnecté de la production. Un processus de production plus intensif en capital permet, par le biais d’une réduction des prix, de générer le pouvoir d’achat nécessaire pour acquérir les biens de consommation qui sont produits.

Mais ce n’est pas encore la fin de l’histoire : l’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs dans les autres secteurs d’activité donne l’opportunité à certaines entreprises d’accroître leur production et à de nouvelles entreprises de proposer de nouveaux produits. Sans la baisse des coûts production dans les secteurs à plus forte intensité capitalistique, ces nouveaux produits seraient restés inabordables pour les travailleurs.

De plus, la main-d’œuvre nécessaire à la fabrication de ces produits n’aurait pas été disponible à un salaire permettant d’en rentabiliser la production, car elle aurait été nécessaire à d’autres besoins plus urgents. Le remplacement de cette main-d’œuvre par des robots a changé la donne.

Le « chômage technologique » et son absence

Mises décrit ce processus en utilisant un produit hypothétique appelé « A » afin de démontrer que lorsqu’une activité ne nécessite plus autant de main-d’œuvre, il devient rentable d’utiliser cette main-d’œuvre dans d’autres activités :

« L’amélioration technologique du processus de production du produit A permet de réaliser certains projets qui ne pouvaient pas être exécutés auparavant, étant donné que les travailleurs nécessaires étaient employés à la production de A pour laquelle la demande des consommateurs était plus pressante. La réduction du nombre de travailleurs dans l’industrie A est causée par la demande accrue dans ces autres branches d’activité qui ont maintenant l’opportunité de se développer. 

Incidemment, cette idée fait s’écrouler toutes les théories au sujet du ‘chômage technologique’. »

William H. Hutt, un économiste britannique appartenant à l’école autrichienne, s’est longuement penché sur le problème du chômage dans plusieurs de ses ouvrages.

Il a souligné l’importance de la flexibilité des prix. Tout service productif a une valeur, et donc un prix, en raison de son utilité. La flexibilité des prix et l’ouverture du marché du travail sont nécessaires pour s’assurer que la main-d’œuvre soit affectée aux tâches que les consommateurs valorisent le plus.

Lorsque la productivité du travail augmente dans un secteur, la quantité de biens disponibles a tendance en moyenne à augmenter pour tous, mais les salaires peuvent toujours fluctuer à la hausse ou la baisse selon les différents secteurs et zone géographique, en fonction des compétences que possèdent les travailleurs, des catégories de biens et de services demandés ainsi que de la quantité et de la qualité des biens d’équipement déjà existant.

Si des pertes d’emplois se produisent dans un secteur caractérisé par une augmentation de l’intensité de capital, alors ces travailleurs doivent avoir la liberté de proposer leurs services dans d’autres secteurs où il existe une demande.

Les problèmes relatifs au système de prix peuvent se manifester par le développement d’un chômage de masse. Selon Hutt, le problème de chômage structurel que semblait avoir la Grande-Bretagne dans les années 1930 était en réalité le résultat de la rigidité excessive des salaires sur le marché du travail.

Il en attribuait principalement la responsabilité aux syndicats qui, encouragés ou non par le gouvernement, exigeaient des salaires supérieurs à ceux du marché dans de nombreux secteurs.

Un facteur secondaire résidait dans la politique d’indemnisation du chômage par le biais du système de protection sociale qui encourageait les chômeurs à ne pas rechercher de travail ou à refuser les offres salariales qui leur étaient proposées.

Et le revenu universel, alors ?

Un système de RBU ne permettrait pas de compenser la chute de la consommation des travailleurs ayant perdu leur emploi.

D’après la loi de Say, la demande naît de la production. Payer les gens pour qu’ils ne produisent pas conduit donc à détruire leur capacité à alimenter la demande globale. Hutt cite Frederick Lavington, économiste du XIXème siècle, qui observait qu’il serait plus exact de considérer les consommateurs comme des « autres producteurs ».

Distribuer de l’argent ne fait que transférer la demande créée par les travailleurs. Si le programme d’aide est financé par le biais de l’impression monétaire, l’inflation qui en résultera ne fera que confisquer le pouvoir d’achat des travailleurs qui auront vendu leur force de travail en échange d’une rémunération monétaire et qui ne l’auront pas encore dépensée.

Le seul moyen pour les chômeurs de contribuer à accroître la demande globale est de reprendre un emploi, de redevenir des producteurs de richesse. Le moyen traditionnel de disposer d’un revenu – c’est-à-dire en le gagnant – reste le meilleur moyen, même à l’ère des robots.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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