La Chronique Agora

Retour du Plan : mais qu’est-ce que la France a fait au bon Dieu…?

Crise sanitaire, Brexit, Meghxit, confinement, pétrole à prix négatif, krach boursier, quantitative easings « illimités », la dette reléguée au rang de problème secondaire, l’ensauvagement des sociétés occidentales qui passe à la vitesse supérieure, et voilà maintenant la France d’Emmanuel Macron qui rêve de ressusciter le Commissariat général au Plan.

Cette fois c’est sûr, l’année 2020 sera une dinguerie totale jusqu’au 31 décembre.

Qui d’autre qu’un dinosaure de la politique pour remettre au goût du jour une idée qui fleure bon la naphtaline ?

Comme le rappelle le JDD, le Commissariat général au Plan, c’est « une institution fondée en 1946 par le général de Gaulle afin de moderniser la France de l’après-guerre, mais tombée en désuétude depuis l’abandon des plans quinquennaux en 1993, sous le septennat de François Mitterrand ».

Il a fallu attendre le gouvernement de Villepin pour que le Commissariat général du Plan soit dissout en… 2006. Et c’est donc son successeur Jean Castex qui voit d’un très bon œil son grand retour dans les mois qui viennent.

Vingt-neuf ans après l’effondrement de l’URSS, quelle illustre personnalité politique, quel glorieux inspirateur pour piloter une resucée du Commissariat au Plan version « startup nation » ?

François Bayrou, évidemment !

Qui d’autre d’ailleurs que le Béarnais serait capable de guider la production économique nationale vers des lendemains meilleurs ? Sans doute personne…

Ou plutôt, bien trop de monde, en fait. On peine à y croire, mais le fait est que la France regorge d’indéboulonnables dinosaures de la politique qui surfent sur la vague de l’Etat stratège, laquelle a toujours fini par s’effondrer sur le mur des réalités du marché.

C’est en effet l’ensemble du spectre politique français qui est contaminé, puisque les velléités planistes de Jean Castex et Emmanuel Macron sont défendues aussi bien par une Marine Le Pen ou un Nicolas Dupont-Aignan, que par un Jean-Luc Mélenchon, ce dernier voyant dans le nouveau projet macronien une « victoire culturelle ».

Un Plan pour faire quoi, en pratique ?

De l’aveu même d’un proche du président de la République, comme le rapporte le JDD :

« La vraie question, c’est quel périmètre. Il ne s’agit pas de venir empiéter sur le fonctionnement d’autres ministères. Mais ça permet d’avoir un Bayrou dans le dispositif, à l’intérieur du collectif, et de l’associer à la fin du quinquennat, y compris parce que c’est une grande voix. »

Il y a donc là un premier objectif assez évident : permettre à François Bayrou, ministre de la Justice contraint à la démission en juin 2017, un mois seulement après son entrée en fonction (suite à sa mise en cause dans l’affaire des assistants parlementaires Modem au Parlement européen), de retrouver un poste de premier plan (huhuhu).

Soit. Mais alors quid de ce fameux « périmètre » ? Voici ce qu’en dit le maire de Pau :

« Si je devais être investi de cette mission, mon but serait d’introduire les problèmes inéluctables du temps long dans la réflexion démocratique, et pas seulement dans la pratique du pouvoir. Il s’agit aussi de faire émerger des sujets dans le pays. »

S’il y a bien une qualité que je concède volontiers au président du MoDem, comme d’ailleurs à Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen, c’est de s’y connaître en « problématiques du temps long » puisqu’ils sont tous parvenus à se planifier une vie aux dépens des deniers publics depuis grosso modo le début de leur carrière professionnelle – mais passons.

Et François Bayrou de poursuivre :

« Le temps long n’existe pas dans le mode de gouvernance à la française, à la seule exception sans doute de l’armée », explique-t-il au JDD. « Quand on regarde le monde, on voit que la Chine gouverne à 30 ans, alors que nous gouvernons à 30 jours, et parfois même à 30 heures. La nation n’est pas armée comme elle devrait l’être. »

Nous reviendrons sur cette assertion dans un prochain édito.

Soucieux d’éviter l’écueil d’un énième comité Théodule, François Bayrou propose – interdit de rire – d’y mettre les moyens, et de rendre le futur Commissariat au Plan complètement aussi irresponsable que possible sur le plan politique.

Attention : n’essayez pas de reproduire ce genre de démonstration chez vous, sans quoi vous risquez de gravement vous blesser si vous n’avez pas plusieurs décennies de pratique professionnelle de la politique derrière vous :

En somme, afin d’éviter l’édification d’une nouvelle « usine à gaz », François Bayrou propose l’extension de la Bidulocratie.

Pour ceux qu’un avant-goût du futur bousin intéresse, je signale que l’Etat a récemment réaffirmé quels sont les sujets qui comptent avec un Plan Vélo qui fera « le plus grand bonheur de ses citoyens autopropulsés », pour reprendre l’expression d’h16.

Et c’est parti pour une nouvelle couche dans le millefeuille bidulocratique français…

Ce que décrit François Bayrou, c’est au final exactement ce que fait France Stratégie, organisme autrement connu sous le nom de Commissariat général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP), la dernière forme qu’a prise le fameux Commissariat général du Plan (CGP) suite à ses différentes mues depuis 2013.

Tel que le résume L’Opinion, il s’agit pour France Stratégie de « formuler des recommandations au pouvoir exécutif, d’organiser des débats, de piloter des exercices de concertation et de contribuer à l’évaluation ex post des politiques publiques. L’institut, sous la coupe de Matignon, vient d’ailleurs de publier une note intitulée ‘La planification : idée d’hier ou piste pour demain ?’ (Il se garde bien de répondre…) »

En somme, plutôt que de créer un nouveau Commissariat au Plan, si Emmanuel Macron souhaite absolument avoir le président du MoDem à ses côtés, il pourrait s’arranger pour le mettre à la tête de France Stratégie… ou du Conseil d’analyse économique (CAE)… ou encore du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)… voire à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE) – j’en passe et des pires.

Comme vous le voyez, il suffirait de relancer la petite musique du grand jeu des chaises musicales pour recaser le père François en évitant de créer un énième machin.

L’actualité ainsi cadrée, je vous propose de nous retrouver samedi prochain pour dégonfler quelques baudruches bien de chez nous. Au menu : la planification à la Colbert et à la de Gaulle.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile