Non contents de s’adonner au vampirisme et à la nécromancie, nos politiciens vouent une admiration sans bornes aux méthodes de naguère, voire de jadis.
Les « nouvelles méthodes » de Bruno Le Maire, ou les recettes économiques de son arrière-arrière-(arrière)-grand-mère
Bruno Le Maire est membre d’un gouvernement dont le Premier ministre croit fermement aux vertus de l’intervention de « la main bien visible de l’Etat » dans l’économie. Que voilà un environnement de rêve pour notre ministre de l’Economie et des Finances dont la besace regorge de propositions toutes plus étatistes les unes que les autres.
L’une d’entre elles, lancée en 2018, est la création d’un « fonds pour l’innovation » constitué au sein de l’établissement public Bpifrance, structure contrôlée par l’État dont nous avons déjà eu l’occasion de parler.
L’idée est d’y allouer 10 Mds€, lesquels devraient générer autour de 200 à 300 M€ de rendement annuel, ces revenus ayant vocation à « soutenir le développement d’innovations de rupture et leur industrialisation en France ». C’est en tout cas ce que nous promet Bruno Le Maire.
Sauf que voilà : la Cour des comptes est venue mettre son nez dans le fonctionnement de ce fonds et, dans un rapport publié le 15 mai, elle s’est prononcée « pour sa suppression et la réintégration des 250 millions d’euros annuels dans le budget général via les dispositifs classiques de financement de l’innovation », comme le résume L’Usine Nouvelle.
En cause : « La multiplicité et la complexité des opérations nécessaires à la constitution de ce fonds n’ont pas permis de le rendre opérationnel en 2018 », pour reprendre les mots de la Cour.
Evidemment, cela n’a pas été du goût du ministre de l’Economie et des Finances :
La Cour des comptes a-t-elle raison de s’insurger ? Il est clair que la création de ce fonds, annoncée en grandes pompes car répondant à des enjeux d’affichage politique, est une usine à gaz conçue dans la plus pure tradition française. Mais le problème central n’est pas là.
Il réside plutôt dans le fait que l’efficacité de l’Etat stratège n’est qu’une légende urbaine, laquelle sévit en France au moins depuis le XVIIe siècle, comme le rappelle Daniel Tourre.
Et ce ne sont pas le sourcil ni le poing levés de Bruno Le Maire qui vont changer quoi que ce soit à cet état de fait. Si vous savez comment une poignée de fonctionnaires ou d’élus pourraient savoir mieux que la multitude d’individus qui composent le marché où il est le plus efficace d’injecter de l’argent, n’hésitez pas à me l’expliquer en commentaire…
Car si l’on prend l’exemple de la dernière fois que l’Etat a essayé d’aller contre le marché pour faire dans le souverain, l’initiative étatique n’a tenu debout que quelques heures après son lancement avant de trébucher avec un énième fail numérique…
Espérons donc qu’une fois les élections européennes digérées, LREM arrêtera de faire dans la « résurrection » pour enfin donner dans la « renaissance ». Mais, comme vous allez le constater, on part tout de même de très loin, et il semble que l’on n’ait pas finit de s’enfoncer…
Agriculture : l’anthroposophie au ministère
Si vous n’êtes pas convaincu que nos politiciens ont une fâcheuse propension à l’incurie, je vous propose un autre exemple, cette fois-ci non pas à caractère économique mais issu de l’agriculture, histoire de nous changer un peu les idées.
J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de cette dérive tragique qui consiste à considérer que les « symboles » doivent prévaloir sur les connaissances scientifiques, et ainsi dicter l’évolution du droit.
Je viens d’apprendre en lisant une chronique de Laurent Alexandre que ce problème a franchi une nouvelle étape, puisque la science semble avoir déserté le ministère de l’Agriculture.
En plein délire médiatico-politique sur les pesticides avec un gouvernement qui veut interdire le glyphosate dès 2021, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, nous a expliqué mi-avril qu’« il faut revenir à l’agronomie, la rotation des cultures, la couverture, l’assolement, les semis… enfin, ce que faisaient nos grands-parents ».
Non content de tenir ce genre de propos réactionnaires, notre héros du retour aux méthodes agronomiques ancestrales s’est également prononcé en faveur de la biodynamie. Si vous ignorez de quoi il s’agit, rassurez-vous, Laurent Alexandre en a donné une définition aussi limpide que truculente :
« La biodynamie est un système de production agricole issue de l’anthroposophie, qui est considérée comme sectaire. Inventée par Rudolf Steiner en 1924, celle-ci repose sur des principes ésotériques appuyés sur l’influence supposée des rythmes planétaires reliés à l’astrologie.
Exemple de la pensée steinérienne, à propos d’une préparation : ‘La vessie du cerf est connectée aux forces du cosmos. Mieux, c’est presque l’image du cosmos [sic]. Ainsi, nous donnons au millefeuille le pouvoir presque essentiel d’augmenter les forces qu’il possède déjà, pour combiner le soufre avec les autres substances’. La contamination du ministère de l’Agriculture par cette vision magique est troublante. »
Question : le gouvernent Philippe compte-t-il mettre un terme à ce qu’il faut bien appeler une dérive antiscience et obscurantiste ? Ou au contraire a-t-il prévu de passer à la vitesse supérieure en remplaçant à terme Didier Guillaume par le très médiatique chantre de la biodynamie Pierre Rabhi, avec lequel Emmanuel Macron a déjeuné pendant sa campagne présidentielle ?
Sa liberté ainsi retrouvée, Didier Guillaume aurait alors tout le loisir de contempler le spectacle d’une France qui ferait une croix sur son autosuffisance alimentaire…
Pour ceux qui se contrefichent des contraintes de production, qui ne jurent que par le bio et qui idéalisent les méthodes ancestrales, je recommande la lecture de ce thread / fil Twitter où l’on découvre des techniques d’antan assez inattendues.
Apparemment, ce n’est pas de Génération-s que viendra le sursaut face à un retour à la condition de nos aïeux.
Quand le Jon Snow de la politique française se met à parler technique
Après Ségolène Royal qui pense qu’il y a du glyphosate dans le saucisson, je vous propose le leader de Génération-s, que dis-je, le roi de Barbès (où il serait selon lui « élu dès le premier tour avec 80% » si la présidentielle s’y déroulait) – j’ai nommé Benoît Hamon.
Cet apparatchik socialiste qui se vit en entrepreneur intermittent du spectacle politique a récemment sorti l’énormité suivante :
Simone, revenez, il y en a encore un qui n’a toujours pas saisi la différence entre risque et danger !
« Presque tout ce qui nous entoure est dangereux », écrivait Simone. « Des choses très anodines deviennent risquées à haute dose. Le risque correspond à la probabilité d’être exposé, multipliée par le danger de l’agent en question. Le glyphosate est livré aux professionnels en concentré à diluer à 100 pour 1 et il est déconseillé d’en mettre pur dans la gamelle de votre chien… Tous les agriculteurs que je connais l’utilisent et aucun n’est encore mort ».
Si Benoît Hamon préfère les schémas, en voici un qui résume très bien la question.
Dans le monde des affaires, le ridicule est souvent fatal. Il n’est donc pas étonnant que Benoît Hamon conserve une activité « annexe » de politicien.
Après avoir vu les conceptions rances que nos politiciens aimeraient appliquer en matière d’agriculture, nous verrons samedi prochain les idées neuves qu’ils proposent dans le domaine de la sécurité…