La Chronique Agora

Reprise en "V"… comme vanishing ou volatilisé ?

Le CAC 40 à 4 000 points, le Dow Jones à 10 000 avant la fin de la semaine… Voilà le genre de scénario auquel les investisseurs se sont repris à croire à l’issue de l’ébouriffante séance de lundi. Mauvaise nouvelle pour ceux qui espéraient voir s’inscrire de tels scores au soir du 31 décembre 2009 ; les trois derniers mois de l’année pourraient se révéler peu palpitants s’il s’avère que tout est joué d’ici la Saint-Léger… c’est-à-dire ce vendredi 2 octobre.
 
Les marchés risquent de redevenir moins porteurs dès la Sainte-Fleur (le lundi 5 octobre). Peut-être en avons-nous eu un avant-goût ce mardi : le manque de tonicité des échanges tranchait avec la formidable vélocité haussière qui s’était matérialisée la veille.

La plupart des analystes techniques ont noté que les indices marquaient le pas dès l’ouverture alors que l’avalement haussier de lundi (l’intégralité des pertes de la semaine précédente a été effacée) suggérait l’émergence d’une nouvelle spirale ascendante.

Les plus prudents constatent que le puissant rebond sur les 3 700 points s’est déclenché à contre-courant d’un grand nombre d’oscillateurs" techniques. Le phénomène a beau devenir répétitif depuis la mi-juillet, les divergences finissent souvent par préfigurer un renversement de la tendance. Ce dernier s’avère d’autant plus brutal qu’aucun mouvement de consolidation n’a assaini la hausse au cours des semaines ou des mois précédents.

Attention au risque de fausse sortie haussière… Mais qui oserait miser sur une rechute des marchés le jour où s’achève l’un plus brillants trimestres boursiers de l’histoire avec une envolée globale de 20% jamais observée dans de telles circonstances conjoncturelles ?
 
▪ Paris a fait du sur-place (-0,3% au final ; l’Eurotop 100 en a gagné autant), mais les volumes se sont nettement étoffés : de 2,83 à 3,8 milliards d’euros. Il semblerait que les vendeurs se sont montrés les plus actifs, empêchant l’inscription d’une seconde séance positive d’affilée.

Le CAC 40 a effectué une incursion dans le vert lors de l’ouverture des marchés américains. Il a grimpé jusque vers 3 845 points, retraçant son zénith annuel, avant de rechuter brusquement avec la publication de deux statistiques américaines. Elles trahissent une dégradation inattendue de la confiance des ménages US au mois de septembre — même si les prix de l’immobilier se redressaient un peu en juillet : l’indice S&P/Case-Schiller a progressé de 1,6%.

▪ Faute de trouver un nouveau prétexte (comme l’OPA de Xerox sur ACS) pour alimenter la spirale haussière, les investisseurs ont été douchés par le recul de l’indice de confiance du Conference Board, de 54,5 vers 53,1. Les ménages américains n’ont décidément rien compris à l’optimisme béat de Wall Street : ils jugent au contraire que leur situation a continué de se dégrader cet été.

Ils affirment que le marché du travail se précarise (47% des sondés contre 45% au mois d’août). Ils pensent aussi qu’il est de plus en plus difficile de retrouver un emploi : le ratio offres/demandes est l’un des plus mauvais observé depuis le début de la crise, tandis que la chute de l’immobilier réduit singulièrement les opportunités de mobilité professionnelle.

Et ceux qui ont encore un emploi s’efforcent d’épargner du mieux qu’ils peuvent. Une tâche de plus en plus compliquée lorsque près de 20% des entreprises américaines appliquent soit des mesures de chômage technique, soit renégocient les salaires à la baisse.
 
Une autre enquête publiée il y a 10 jours (en pleine euphorie boursière des "Quatre sorcières" et qui est donc passée quasiment inaperçue) nous apprenait que sur 100 ménages interrogés, 48 jugeaient que leurs finances ou leurs carrière n’avaient pas encore subi d’impact négatif lié à la crise. 39% admettaient avoir été confrontés à de nouveaux problèmes d’endettement et des difficultés professionnelles qu’ils n’avaient jamais connu auparavant.

Enfin, 13% seulement estimaient que leur situation s’était améliorée. Il s’agit peut-être des primo-accédants ayant bénéficié de l’aide de 8 000 $ pour l’achat d’un logement ou de l’allongement de la période de versement des allocations chômage… Et il s’agit aussi très certainement des traders vedette de quelques grandes institutions financières qui engrangent des milliards sur les marchés en spéculant avec l’argent avancé par les contribuables.

▪ Il apparaît de plus en plus clairement que les banques ne font pas de cadeaux à ceux-là même qui les financent depuis octobre 2008. En France, les critères d’accession aux prêts immobiliers ont été durcis. Si le taux des crédits immobiliers à 15 ans est repassé sous la barre des 4%, pour la première fois depuis novembre 2006, les particuliers susceptibles d’en profiter sont beaucoup moins nombreux qu’il y a un an.

Selon la dernière étude du courtier en ligne Empruntis, le montant de la "production" de crédits immobiliers devrait tomber à 90 milliards d’euros en 2009 contre 108 milliards l’an passé. Nous voici très loin des records de 2007, avec 146 milliards… et de 2006, avec 154 milliards d’euros. Cela représente une chute abyssale de 40% en trois ans.

Et aucune embellie ne dessine réellement avant 2010. Le nombre de permis de construire a baissé de 20% à 367 860 (de septembre 2008 à août 2009) ; le nombre de mises en chantier étant en repli de 19% à 308 500 unités.

Ces chiffres recèlent d’importantes disparités, qui se sont encore accentuées ces trois derniers mois. La chute atteint 42% pour les logements individuels purs (maisons, pavillons), 14,5% dans l’habitat en multi-copropriété (petit immeuble divisé en plusieurs lots), 24,3% pour les logements collectifs dans des bâtiments de grand gabarit.

Dans ce secteur comme dans beaucoup d’autres (la distribution, le transport routier, la communication, la restauration…) la fameuse reprise en "V" n’a de réalité que s’il s’agit de la première lettre du mot anglais vanishing (qui signifie "s’évanouir") ou du terme français "se volatiliser".

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