▪ Le dernier coup de pouce dont vient de bénéficier Wall Street ce vendredi (+1,3% à la mi-séance) a permis aux indices américains d’enregistrer leur meilleure performance hebdomadaire depuis début juillet 2010 — voire juillet 2009 en ce qui concerne le Nasdaq. En effet, ce dernier a affiché +1,35% à 2 812 points soit +6% en cinq séances.
Un tel score fleuve paraissait impensable en raison de la fin du QE2 de la Fed jeudi dernier. Et n’oublions pas le problème de l’équilibrage du budget américain qui est insoluble… à moins que le Congrès US n’inflige au pays une cure d’austérité comparable à celle votée en Angleterre, en Irlande ou au Portugal ces derniers mois.
Le souci, c’est que cela débouche partout sur une sévère récession, d’un genre contre lequel la Fed n’aurait cette fois aucun moyen de lutter.
▪ Le second semestre 2011 avait démarré de façon particulièrement morose et léthargique. Cependant, le scénario de la séance de vendredi a constitué l’exacte réplique de la précédente ; tout s’est joué au cours des 90 dernières minutes.
Le CAC 40, qui avait évolué au sein d’un étroit canal de 0,3% d’épaisseur durant sept heures interminables (oscillant entre -0,15 et +0,15%), s’est saisi du premier prétexte haussier — l’ISM manufacturier américain — pour s’envoler d’un coup de 0,6% supplémentaire. Il a ensuite inscrit +1% pour afficher un meilleur cours en séance de 4 023 points, mais avec seulement 3,25 milliards d’euros échangés.
A ce moment-là, le CAC 40 avait alors repris pas moins des deux tiers du terrain perdu depuis le 30 avril dernier. Il s’est essoufflé un peu en fin de journée (+0,63% à 4 007 points) après avoir tout de même engrangé plus de 6% en cinq séances de hausse consécutive.
Beaucoup de fonds indiciels suiveurs ont manifestement passé leur temps à courir après le score ! Mis à part le fait que la faillite de la Grèce est repoussée au-delà de la fin de l’été, rien n’est réglé en ce qui concerne les dettes souveraines espagnoles, italiennes, portugaises ou même belges. Et que dire des Etats-Unis, où le Minnesota a officiellement fait défaut sur sa dette vendredi matin. Ce n’est que l’un des 33 états sur 50 présentant une situation comptable équivalant à une banqueroute.
Pour éviter le constat d’une faillite financière, la Californie, le Michigan, l’Illinois et le Texas mettent leurs policiers, les fonctionnaires des mairies (services minimums de rigueur) ou encore les visiteurs médicaux, les gardiens de musées au chômage technique pour une durée indéterminée.
L’Amérique est en voie de délabrement avancé. Le rebond ponctuel de l’activité industrielle ne donne le sourire qu’à Wall Street. En effet, cela ne rajoutera pas un dollar de plus dans le budget des collectivités locales : elles dépendent principalement des taxes foncières et des transactions immobilières, toujours au point mort.
Ce genre de réalité n’a plus aucune prise sur les places boursières depuis une semaine ; Paris clôture au plus haut depuis le 19 mai dernier. Autrement dit, cinq semaines de baisse ont été effacées en tout juste cinq séances. Tout ça grâce au seul report de l’échéance d’une faillite de la Grèce qui devait recevoir les 12 milliards d’euros ce week-end.
▪ Les dernières 48 heures ont donc été placées sous le signe de chiffres américains meilleurs que prévus. Ils éclipsent manifestement des statistiques européennes qui, elles, ne sont franchement pas bonnes.
En Europe, les chiffres d’activité économique n’étaient guère enthousiasmants. Le PMI espagnol est en net recul à 46,5 (la barre des 50 marquant le seuil de l’expansion), le PMI italien est au plus bas depuis octobre 2009 (à 49,9) ; quant au PMI irlandais, il est en plein marasme.
En France, le PMI ressort comme prévu à 52,5 ; pour l’ensemble de l’Europe, en revanche, le baromètre plonge de 54,6 vers 52 (plus faible score depuis août 2009). Il y a encore de la croissance mais un second mois de repli du même ordre ferait renaître la crainte d’une récession — d’autant plus que la BCE s’apprête à rehausser le loyer de l’argent à 1,5% début juillet.
Enfin, le dernier chiffre publié ce vendredi concernait les dépenses de construction. Elles ont légèrement reculé aux Etats-Unis en mai, ce qui a été totalement éclipsé par la hausse de l’ISM industriel ou le rebond surprise du PMI de Chicago (jeudi).
Là encore, un parti pris haussier univoque anesthésie toute forme d’analyse conjoncturelle critique : les permabulls foncent tête baissée.
▪ Wall Street qui avait ouvert stable vendredi (et même en léger repli) se comportait exactement comme la veille avec une soudaine envolée de 150 points du Dow Jones, propulsé vers 12 560 points. Le Nasdaq quant à lui repassait la barre des 2 800 points pour se retrouver au plus haut depuis le 31 mai, à 2 810 points.
Le plus spectaculaire, ce fut le repli de l’indice VIX. Il est passé en huit jours de 22 (record annuel) à 15,20 (pratiquement son plancher annuel) — et ce à la veille d’un pont de trois jours aux Etats-Unis (Independance Day). Cela nous paraît d’autant plus étrange qu’aucun des problèmes de fond qui tétanisaient les marchés une semaine auparavant n’ont été résolus.
Alan Bubble Greenspan a beau prédire que Monkey Business Ben ne pourra se lancer dans un QE3, l’ambiance en cette fin de semaine boursière ressemblait à l’entame du mois de septembre 2010, quand la Fed invita les marchés à tabler sur un QE2 de 500 à 1 000 milliards de dollars.