La Fed – et toutes les grandes banques centrales – est coincée dans une politique irréversible, et qui mène tout droit à la catastrophe, malgré les mensonges et les illusions.
La Fed, comme toutes les banques centrales, est « dans la seringue ». Elle ne peut en sortir.
Augmenter le total du bilan de la banque centrale est aisé et ne comporte pour ainsi dire que des avantages : tout le monde est content d’avoir plus de crédit et de le payer moins cher. C’est la descente, la réduction de la taille du bilan, qui pose problème.
Le crédit et les taux sont incrustés, logés dans les actifs, dans les montages complexes, dans les projets d’investissements, dans les plans de financement… et surtout dans la tête des agents économiques.
Telle dette qui était supportable à 1% ne l’est plus à 3% surtout si entre temps, comme c’est le cas, l’inflation n’a pas été au rendez-vous.
Ce qui compte – et que les autorités n’ont jamais compris ou admis –, ce ne sont pas les flux, mais les stocks !
La malédiction du passé
Le passé, le passif, c’est la malédiction qu’il faut traîner comme un boulet.
Les stocks, ce sont les bilans : les politiques monétaires d’abondance et de stimulation sont dans les bilans, elles y ont laissé leur trace, elles ont gonflé les actifs financiers et elles ont usé le capital, le capital propre.
C’est une notion de gestion financière maintenant oubliée, mais la fonction des capitaux propres est de financer, de supporter les risques et d’autoriser une capacité d’endettement.
Quand les capitaux propres ont été usés et que les capacités d’endettement ont été poussées à bout sur la base de taux ultra-bas, il y a problème, gros problème !
La politique de l’inflationnisme du crédit n’a pas de coût à l’aller ; c’est au retour que se manifeste le coût sous la forme de l’impossibilité de régulariser sans choc négatif, déflationniste, destructeur. Un système qui a connu l’addiction monétaire ne peut s’en désintoxiquer sans drame.
Conclusion : l’inflationnisme et les mesures non-conventionnelles sont un aller simple. C’est l’Hotel California : on y entre, mais on n’en ressort jamais.
C’est que j’ai écrit, expliqué et réécrit sans cesse depuis mars 2009.
Mensonges – et surtout illusions
Peter Schmidt, du site The 92ers, rappelle les illusions ou mensonges des démiurges :
– Ben Bernanke, en 2010, promet de faire revenir le bilan de la banque centrale à 1 000 Mds$, ce que Brian Sack, de la Fed de New York, confirme ;
– la même année, James Bullard nous dit que le programme de la Fed est temporaire par nature ;
– en juin 2014, la Fed de Saint-Louis nous redit que l’expansion du bilan de la Fed est temporaire et qu’il reviendra à sa taille d’origine dès que… on ne sait pas trop quoi se passera ;
– le 14 juin 2017, Janet Yellen affirme que la taille du bilan va se réduire quasi-automatiquement et qu‘observer la réduction de cette taille du bilan sera aussi ennuyeux que de regarder de la peinture sécher. C’est la même Yellen qui nous dit qu’elle était sûre qu’elle ne connaîtrait plus de crise financière pendant la période qui lui restait à vivre !
– Jerome Powell, peu de temps après sa nomination, nous assure que la réduction de la taille du bilan et le retour à des taux normaux sont en auto-pilote.
Nous sommes partis de 800 milliards et nous venons de dépasser les 7 000 Mds$ !
Ce que je viens de décrire pour la politique monétaire vaut également pour la politique budgétaire : on ne peut tendanciellement qu’augmenter les déficits. Il n’y a plus de retour en arrière possible.
Les monnaies sont condamnées.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]