Manques, flambée de prix, mauvaise gestion… l’étatisme fait des ravages, depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Et si on faisait autrement ?
En période de crise, chacun se recroqueville sur ses réflexes et ses habitudes.
Cette réaction bien humaine permet de retrouver le confort d’un terrain connu en période d’incertitude. Lorsque tous nos repères disparaissent et que notre quotidien est méconnaissable, reproduire les agissements passés est à la fois rassurant et réconfortant.
« Le monde change ? Ce n’est pas si grave car moi, je ne change pas », nous dit cette petite voix au fond de cerveau pour nous éviter de sombrer dans la panique. Evidemment, refuser d’adapter son comportement aux situations nouvelles est le moyen le plus sûr de faire de grosses erreurs de jugement – mais ainsi est faite la nature humaine.
Nous pourrions penser que les Etats, gigantesques machines dirigées par l’élite des nations, échapperaient à ce travers.
Il n’en est rien.
L’épidémie de Covid-19 nous montre qu’eux aussi reviennent d’un claquement de doigt à leurs vieilles habitudes lorsque les nuages commencent à s’amonceler. Pour les citoyens qui subissent des politiques décrétées dans l’urgence plutôt que la réflexion, les conséquences peuvent être dramatiques.
Dis-moi comment tu réagis, et je te dirai qui tu es
Lors des premières phases de l’épidémie, certains gouvernements bravaches ont pensé être immunisés contre le virus du fait de la puissance économique de leur pays et de la haute estime qu’ils avaient d’eux-mêmes.
D’autres, plus autoritaires, ont confiné d’un claquement de doigt des millions de citoyens et ont réorganisé du jour au lendemain l’activité économique du pays.
En France, le gouvernement en place n’a pu, malgré une volonté affichée de toujours préférer le pragmatisme à l’idéologie, s’empêcher de retomber dans le travers habituel d’un colbertisme mâtiné d’anti-capitalisme.
Dès les premiers jours de l’épidémie, les Français se sont rués sur les gels hydroalcooliques et les masques de protection. Ce comportement, tout à fait normal à l’échelle individuelle, a créé une pénurie qui aurait pu n’être que passagère. Notre gouvernement a pourtant décidé de faire dans la précipitation ce que l’Etat français aime tant faire : règlementer encore un peu plus.
Ce faisant, il a fait plus que prolonger inutilement la pénurie, il l’a rendue insoluble.
Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les instigateurs !
Le lavage de mains et le port de masque sont des mesures de protection à l’efficacité reconnue par nombre d’études scientifiques. Ce n’est pas pour rien que la Chine, qui a fait la douloureuse expérience de l’épidémie de SRAS en 2003, les impose à quiconque souhaite se rendre dans l’espace public.
Une des premières mesures prises en France lors de l’arrivée de Covid-19 a été de décréter un plafonnement du prix des gels hydroalcooliques et la réquisition des stocks de masques de protection.
L’objectif affiché était double : empêcher la spéculation sur le prix des premiers et garantir la disponibilité des seconds pour le personnel médical.
Le résultat des courses, vous le connaissez. Il est devenu impossible de trouver du gel hydroalcoolique en pharmacie comme en supermarché, et médecins et infirmiers se plaignent d’une pénurie persistante d’équipements de protection.
A l’heure où retarder le pic épidémique est devenue la priorité nationale, il est inconcevable que ces produits ne soient pas accessibles à l’ensemble des citoyens.
Pour minimiser l’importance de la pénurie, nos élites évoquent l’efficacité supérieure d’un lavage de main au savon et à grande eau, et la protection imparfaite qu’offrent les masques chirurgicaux pour les personnes saines. Ces arguments sont vrais en soi, mais ceux qui les profèrent font mine d’oublier que mieux vaut se laver les mains 10 fois par jour que matin et soir, et que toute protection est bonne à prendre pour minimiser les risques d’infection.
Si nous sommes vraiment « en guerre » contre le virus, il est irresponsable d’envoyer les citoyens au front sans ces armes à l’utilité reconnue hors de nos frontières.
Prix administrés et réquisition : la recette parfaite pour une pénurie durable
Revenons un instant sur les deux raisons qui ont conduit à la publication des décrets.
La première, la volonté d’empêcher la spéculation sur les gels hydroalcooliques, relève de l’anti-capitalisme primaire.
Dans un marché libre, la rencontre de l’offre et de la demande fixe le prix. Peut-être êtes-vous disposé à payer 1 €, 2 € ou 10 € un flacon de solution désinfectante. Cette décision est la vôtre et dépend de vos priorités et de votre pouvoir d’achat.
Certaines personnes souhaitent se laver exclusivement les mains avec ces produits et voudront acheter deux flacons par jour ; d’autres les utiliseront occasionnellement et se contenteront d’un flacon par semaine. Si le décret n’avait pas été publié, les commerçants auraient arbitré entre le prix d’approvisionnement et le consentement à payer des clients à un instant T. Les prix auraient fluctué au cours du temps en fonction de l’impatience des consommateurs et des stocks disponibles.
En interdisant au marché de s’autoréguler, le gouvernement a coupé l’herbe sous le pied des revendeurs. Alors que la demande mondiale pour les solutions hydroalcooliques flambe et que d’autres consommateurs hors de l’Hexagone sont prêts à payer plus de 3 € par flacon, nos distributeurs se retrouvent sans marchandise à mettre en rayon à moins de les vendre à perte.
Moralité : pour éviter à certains acteurs de faire ponctuellement des bénéfices, l’ensemble de la population est privée de ces produits pourtant vitaux. L’idéologie valait-elle toutes les contaminations supplémentaires ?
La réquisition des dispositifs de protection a également un effet pervers fort. En interdisant l’émergence d’un marché parallèle, le gouvernement empêche de fait les citoyens lambda de disposer du moindre équipement de protection, qu’il s’agisse des masques anti-projections ou des FFP2 plus performants.
Ici encore, il s’agit d’une politique étatique court-termiste. Réquisitionner les stocks et redistribuer selon « l’utilité publique » ne fait qu’enfoncer le pays dans la pénurie. Si le rationnement peut avoir du sens lorsqu’il existe un appareil de production d’Etat, il est contre-productif lorsque la responsabilité de produire les biens incombe au secteur privé.
Depuis le 3 mars, toutes les entreprises qui fabriquent ou importent des masques de protection sont censées les livrer à l’Etat sans même être informées du montant de l’éventuelle indemnisation.
Quel entrepreneur sain d’esprit prendrait la peine de monter une ligne de production supplémentaire dans ce contexte ? Qui importerait des stocks de masques de l’étranger avec le risque de se les faire confisquer par les douanes ? Aucun, bien sûr.
Ces politiques d’inspiration soviétique ont eu leur effet habituel. Les produits concernés ont purement et simplement disparu des étagères.
L’administration des prix et les rationnements entretiennent les pénuries. Depuis la chute de l’URSS, nul ne peut prétendre l’ignorer. Notre gouvernement d’inspiration prétendument libérale aurait pu s’en souvenir.
Quand le laisser-faire règle le problème en quelques semaines
Terminons cette chronique par le retour d’expérience d’un pays qui a pris le chemin inverse.
Ce pays, s’il a légiféré pour obliger le port du masque en toutes circonstances dans l’espace public et pousser au nettoyage systématique des mains, a eu la bonne idée de laisser le secteur privé gérer la production de ces denrées.
Il ne s’agit pas d’un bastion de l’ultra-libéralisme, mais de la Chine.
Certes, tous les citoyens n’ont pas eu accès à un masque par jour. Raison d’Etat oblige, ceux qui n’en avaient pas étaient cloîtrés à domicile – et gare aux contrevenants ! Certes, une pénurie a eu lieu lors des premiers jours de l’épidémie.
Pourtant, le marché a rapidement compris l’ampleur de la demande, et les capacités de production ont été démultipliées.
En janvier, la Chine produisait 20 millions de masques par jour, soit près de la moitié de la production totale de la planète selon l’OMS. A l’heure du bouclage de cette chronique, elle en produit plus de 110 millions par jour.
J’ai assisté sur place de mes propres yeux à la disparition de ces produits des étagères, à leur réapparition progressive au bout de quelques semaines, et à l’abondance qui conduit désormais les vendeurs à les solder. Masques et flacons de gel ne sont plus rares, ils sont omniprésents dans les boutiques chinoises. Même les fabricants s’adaptent à la surproduction : les prix en sortie d’usine ont baissé de 30% en 10 jours.
Sur place, l’épidémie reflue.
Cette leçon de libéralisme mériterait d’être étudiée de toute urgence par nos ministres à l’heure où le mot « nationalisation » revient dans le discours politique !