Les gold bugs, ces ardents partisans de l’or, ne sont pas les seuls à tirer la sonnette d’alarme au sujet de la situation économique et financière mondiale.
Dette publique : quand même les institutions internationales s’alarment
Au mois de mars, l’ancien vice-président du NYSE Georges Ugeux annonçait à horizon trois ans maximum une crise financière pire que celle de 2008, laquelle serait due cette fois-ci au surendettement désormais insoutenable des pays industrialisés.
« Le montant [de l’endettement global] n’est plus du tout le même et ce n’est pas limité aux banques. Ce qui s’est passé durant les dix années que nous avons vécues, c’est qu’on a réglementé la crise précédente. Mais il y a eu une montée en puissance d’une autre crise, qui est la crise qui a été aidée par les banques centrales, qui fait qu’on pouvait emprunter pratiquement pour zéro, et dans laquelle les Etats se sont mis dans une situation qui aujourd’hui menace l’avenir. »
« C’est ce qui me fait dire que d’ici à fin 2020, nous allons vivre un tsunami financier. Ce qui est arrivé à Lehman Brothers, c’est lilliputien à côté de ce qui nous attend ! », prévenait-il dans Le Parisien le 25 mars.
Or vous savez que la dette publique étant la mère de toutes les bulles, c’est elle qui a alimenté la « bulle du tout ». De son éclatement découlerait la remise en cause du dogme de l’infaillibilité des banquiers centraux et, par conséquent, de toutes les autres bulles.
Bruno Bertez rejoint Georges Ugeux sur ce plan. Il écrivait le 31 mai :
« L’invariant majeur, c’est la croyance dans l’infaillibilité des banquiers centraux, mais le vrai invariant, celui qui précipitera la chute finale, ce sera le marché des dettes souveraines. Ce sont elles qui ont permis de colmater les brèches après 2008, ce sont elles qui sont encore considérées comme sûres et sans risque ; ce sont donc elles qui sont les plus surévaluées au regard de la capacité future des états à honorer leurs dettes. »
Au mois d’avril, Deutsche Bank publiait quant à elle un rapport indiquant en substance que « l’explosion de la bulle de crédit à venir sera aussi grave que la Grande dépression des années 1930 et la crise financière mondiale de 2007-2008 », titrait le site ZeroHedge :
Voilà qui est assez gênant puisqu’à en croire les institutions internationales, le monde n’aurait même pas de quoi résister à une simple récession…
Janet Yellen, qui a précédé Jerome Powell à la tête de la Fed, déclarait en effet au mois de mars que « les banques centrales mondiales ne disposent pas d’outils adéquats » de gestion de crise.
Pour ce qui est du FMI, David Lipton, qui remplace provisoirement Christine Lagarde à la tête de l’institution, est lui aussi assez inquiet de la situation.
Le 6 janvier, alors qu’il était encore numéro 2 du FMI, il déclarait ceci au Financial Times :
« La prochaine récession est à l’horizon et nous sommes moins disposés que nous le devrions pour y faire face… [et] moins préparés que lors de la [crise de 2008]. »
La BRI a quant à elle procédé à une énième mise en garde lors de la publication de son rapport annuel qui a eu lieu le 30 juin. Le message central qu’elle voudrait faire passer aux autorités publiques est qu’il serait temps que ces dernières réduisent leur dépendance aux banques centrales afin « de garder du carburant » pour réagir en cas de récession.
La Banque n’est pas très rassurée puisqu’elle constate « un ralentissement du rythme de l’expansion » ainsi que « de nombreuses vulnérabilités [qui] pointent à plus long terme ». Voici la liste qu’en a dressé Le Figaro :
« Le poids de la dette dans de nombreuses économies, les signes d’érosion de la rentabilité des banques qui pèsent sur leur capacité à financer l’économie, auxquels s’ajoutent les tensions commerciales qui agissent comme ‘un puissant frein’ à la croissance. »
La BRI prêche certes dans le désert, mais son discours est plus responsable que celui du FMI. L’institution fait mine d’être stupéfiée face au niveau d’endettement global, alors même qu’elle a été un soutien de la première heure dans l’application des politiques de taux bas, cette nouvelle « modernité » dont il n’est plus possible de s’échapper.
Plus on attend avant de laisser les forces naturelles du marché reprendre leurs droits, plus la note sera salée
Lorsque la confiance disparaîtra sur les marchés d’actions ou d’obligations, la seule solution pour les banques centrales consistera à prendre des mesures palliatives encore plus extravagantes.
Le problème, c’est qu’une telle intervention finira par enclencher le risque de destruction de la monnaie, comme l’explique parfaitement le blogueur Franck Boizard :
« Plutôt que d’organiser la banqueroute et de liquider l’océan de dettes détenues par les riches (terme générique, pas le temps d’être plus précis), ce qui serait une manière de remettre les pendules à zéro, les banques centrales vont, à la japonaise, directement acheter des dettes étatiques (vous remarquerez que tout un tas de barrière légales est censé empêcher cela et qu’on va s’asseoir joyeusement dessus). Cela va gagner du temps, beaucoup de temps. On serre encore plus fort le couvercle sur la marmite.
Ce système va encore accroître les inégalités. Vont en profiter ceux qui sont près du robinet étatique : fonctionnaires, subventionnés de toutes sortes, et, comme d’habitude, les riches bien connectés (ceux qui doivent leur réussite à leur carnet d’adresses). C’est, tout simplement, l’étatisation communiste de l’économie et, par ricochet, de la société. Avec les mêmes conséquences (et les mêmes hommes : quelle est la différence entre un énarque de 2019 et un apparatchik brejnévien de 1979 ?).
Ceux qui soutenaient que les banques centrales sont, par principe, anti-démocratiques, vont être justifiés.
Puis, un jour lointain, tout cela explosera, façon Venezuela. »
Bref, comme le résume Bruno Bertez :
« Les magiciens n‘existent pas, il n’y a que des illusionnistes. »
Au moins Ben Bernanke, Janet Yellen, Bill Dudley et leurs amis ont-ils auront bien profité de ce que certains commentateurs, comme Jim Grant, n’hésitent pas à appeler « un crime » contre le reste de la population.