La Chronique Agora

Qui a dit que les déficits n'étaient pas un problème ?

** Toutes sortes de vilenies se trament sur les marchés financiers. Les minutes de la réunion d’avril de la Réserve fédérale ont été publiées. Les notes disaient qu’il y avait "d’importants risques de chute" dans l’économie américaine et que le système financier mondial restait "vulnérable à des chocs supplémentaires".

– Non… incroyable…

– Les minutes ont aussi montré que la Fed souhaitait imprimer plus de dollars pour acheter plus de bons du Trésor américain afin de maintenir les taux d’intérêts (et les taux hypothécaires) à un bas niveau. Ce qui, par ailleurs, encourage les transactions hors des actifs financiers et vers les actifs réels. La Fed a déjà acheté 450 milliards de dollars de titres adossés aux créances hypothécaires pour maintenir le flux de crédit vers le marché immobilier américain. Elle a également acheté 79 milliards de dollars de bons du Trésor américain émis par des organismes soutenus par le gouvernement : Fannie Mae et Freddie Mac.

– A quoi doit-on s’attendre quand la banque centrale d’une des économies les plus puissantes du monde réduit ses prévisions de croissance et déclare vouloir avoir recours au marché obligataire pour "soutenir l’économie" en maintenant les rendements bas ?

– Quand la Fed a annoncé pour la première fois son intention d’acheter des obligations adossées aux créances hypothécaires et des bons du Trésor américain en novembre de l’année dernière, elle a fait chuter ses rendements sur les bons américains à 10 ans et les bons à 30 ans. Les marchés et les banques ont anticipé le mouvement de la Fed et se sont lancés avant que la Fed n’achète et que les prix ne soient poussés vers le haut. Avant le début de l’année 2009, les achats de la Fed (ou ses menaces d’achat) ne suffisaient déjà plus à maintenir les rendements bas. Ils n’ont fait que grimper depuis.

– Et jeudi dernier, les notes de la réunion ayant pourtant révélé que la Fed pourrait dépenser plus de 1,75 millier de milliards de dollars en bons du Trésor et en titres adossés à des créances hypothécaires, les rendements sur 10 ans et sur 30 ans ont quand même grimpé. Tout comme, par ailleurs, les prix de l’or et du brut. La Fed est en train de perdre le contrôle sur les rendements des bons du Trésor. Elle va devoir s’investir à coups de milliards supplémentaires. Cela va faire grimper les prix des matières premières.

** Il se passe quelque chose en ce moment. De quoi s’agit-il ? Eh bien, ce n’est pas tout à fait clair. Mais il nous semble bien que l’indication de la Fed disant qu’elle souhaitait accumuler les achats d’actifs américains pour maintenir les taux bas pousse en réalité les investisseurs à vendre leurs actifs. Les investisseurs commencent à se demander quels pourraient être les effets d’une campagne d’impression de dollars d’une telle envergure, et quelles en seraient les conséquences sur la valeur de leurs obligations et de leurs billets existants.

– C’est une des principales raisons pour lesquelles le plus gros détenteur de la dette des Etats-Unis (la Chine) a déplacé ses achats des dettes américaines vers la courbe courte des rendements. La bonne nouvelle pour le gouvernement américain, ce gros dépensier, c’est que ses créditeurs souhaitent financer ses déficits. La mauvaise nouvelle, c’est que ces déficits sont maintenant beaucoup plus sensibles aux taux d’intérêts. Si les rendements à court terme commencent à se mettre au diapason des rendements à long terme, emprunter va devenir beaucoup trop cher pour les Américains.

– Vous voyez l’idée ? Les déficits sont un VRAI problème.

** L’autre grande nouvelle, c’est que l’agence Standard and Poor’s a annoncé vouloir descendre la notation actuellement Triple A de la Grande-Bretagne en raison des déficits massifs de ce pays. La notation de la Grande-Bretagne est passée de "stable" à "négative". L’Irlande, la Grèce, le Portugal et l’Espagne ont déjà perdu leur notation Triple A à cause de déficits budgétaires massifs. Mais la Grande-Bretagne commence à causer de grandes inquiétudes dans les marchés mondiaux des obligations et des devises.

– La Grande-Bretagne va annoncer un déficit fiscal de 175 milliards de livres sterling rien que cette année. Cela représente 12,5% du PIB. Le pays va devoir vendre 220 milliards de livres en obligations pour combler le trou. Et attention, c’est un gros trou. La dette totale du pays approche des 100% du PIB.

– Le déficit du gouvernement était déjà de 8,5 milliards de livres en avril. C’est le plus gros déficit mensuel qu’on ait vu dans le pays depuis 1993. Et à partir du moment où le ratio dette/PIB d’un gouvernement atteint les 10% ou plus, cela commence à entraver la croissance du PIB et entraîne des déficits encore plus importants (des revenus fiscaux plus bas, des coûts de gestion de la dette plus élevés). Bill Gross de chez PIMCO a annoncé sur la chaîne Bloomberg que les marchés "commençaient à anticiper la possibilité" que les Etats-Unis aient à faire face à un déclassement du crédit similaire.

– Récapitulons. Les actions sont basses. Les gilts britanniques sont bas. Les bons du Trésor américain sont bas. Et la livre et le dollar sont plus faibles que les autres devises.

– Qui a dit que les déficits n’étaient pas un problème ?

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