L’érosion de la montagne de dette commencera-t-elle en mars… en juin… ou plus tard ? Les réponses affluent, mais tout pourrait être remis en cause par l’actualité.
« La science avance au rythme des enterrements », disait Max Planck, qui entendait par là qu’un cœur devait s’arrêter net avant que de nouvelles données puissent être appréciées à leur juste valeur et que de nouveaux paradigmes soient acceptés. C’est l’esprit qui fait avancer la science. Mais c’est le cœur qui dirige les scientifiques, et tous les autres.
Au moins dans le domaine de la science et de la technologie, la mort conduit à une accumulation de connaissances. Dans les autres aspects de la vie, les connaissances vont et viennent, comme si nous étions tous réincarnés, condamnés à répéter les expériences ratées du passé. Tous les amoureux répètent les scènes d’Antoine et Cléopâtre. Tous les politiciens revivent les défis d’Abraham Lincoln et de Ponce Pilate. Et tous les banquiers centraux finissent par se transformer en William McChesney Martin ou Gideon Gono.
Les leçons sont apprises, oubliées, puis réapprises à nouveau.
Qui l’eût cru !
Les récents chiffres de l’inflation doivent être un véritable choc pour les quelque 1 000 économistes titulaires d’un doctorat travaillant à la Fed. « Ça alors ! », doivent-ils se dire. « Imprimer de l’argent provoque vraiment l’inflation. »
Ils ont créé 8 000 Mds$ flambant neuf au cours des 20 dernières années. Et leurs taux d’intérêt absurdement bas ont créé une bulle de la dette sans précédent, avec 64 000 Mds$ supplémentaires depuis 1999.
Qui l’eût cru ! L’inflation !
Aujourd’hui, pratiquement tous les articles traitant des chiffres de l’inflation présentent la même idée, à savoir que la Fed a commis une première erreur et qu’elle est maintenant sous pression pour en commettre une nouvelle. CNBC a demandé à Mohammed El-Erian son avis sur le sujet :
« Ils n’ont pas levé le pied assez tôt. »
Voici ce qu’en dit le Financial Times :
« L’indice des prix à la consommation américain a augmenté de 7,5 le mois dernier par rapport à janvier de l’année dernière, son rythme annuel le plus rapide depuis 1982, ce qui met la pression sur la Réserve fédérale pour qu’elle agisse plus agressivement, afin de maîtriser l’inflation. »
Oui, la Fed est obligée d’agir. Sa crédibilité est en jeu.
Et oui, elle va agir de manière audacieuse. Selon MarketWatch :
« Une tempête de spéculations agressives de la Fed éclate après un fort taux d’inflation aux États-Unis.
Les observateurs de la Fed parlent sérieusement d’une hausse ‘d’urgence’ des taux d’intérêt avant la prochaine réunion officielle de la Fed le 16 mars prochain. »
Markets Insider nous explique cela :
« Après l’analyse des chiffres de l’inflation, le président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard, un membre votant du comité de fixation des taux de la Fed, a déclaré qu’il était devenu ‘radicalement’ plus agressif. Il souhaite désormais une augmentation des taux de 100 points de base, soit un point de pourcentage complet, d’ici juillet. »
Wow… un point de pourcentage entier ! Voyons voir : cela amènera les Fed funds à MOINS 6,4%. Quelle révolution !
Modèles de prudence
Nous sommes convaincus que les économistes de la Fed sont sur le point de réapprendre une autre leçon, apprise pour la dernière fois il y a 50 ans. Au début des années 1970, les taux d’inflation étaient en hausse. Puis en baisse. Puis à nouveau en hausse.
En 1970, les prix augmentaient déjà à un taux de 6%. Puis, l’inflation est tombée à seulement 3% en 1973. Remonté à plus de 11% en 1976, le taux a de nouveau baissé, mais à seulement 5% environ, avant de repartir à la hausse. En 1980, les prix augmentaient à raison de 13%.
Arthur Burns est souvent critiqué pour avoir laissé l’inflation des années 1970 devenir incontrôlable. Mais comparé à ses actuels successeurs, il était un modèle de prudence au sein de la banque centrale. Le moment était peut-être mal choisi, mais l’idée était bonne. Lorsque l’inflation était de 6%, ses taux de fonds fédéraux sont passés à 10%, puis, le taux directeur de la Fed a dépassé les 12%. Globalement, la banque a prêté à ses membres à un taux généralement positif d’environ 3%.
Paul Volcker prend la relève en 1978. Il a tergiversé pendant quelques années, puis est devenu plus sérieux. Échanger des coups de poing avec l’inflation n’a pas fonctionné. Il fallait qu’il donne un coup de massue. Il a fixé le taux directeur à près de 20%, soit 7 points de pourcentage de plus que la hausse des prix, et le monstre s’est vite retrouvé au tapis.
Un uppercut de 1 000 points de base ?
Aujourd’hui, la Fed est déjà sur la corde raide. Elle a d’abord annoncé au monde entier qu’elle n’aurait pas à relever ses taux avant 2024. Mais elle concède déjà qu’elle devra agir bien plus vite.
Ensuite, lorsque l’inflation a commencé à faire les gros titres, la Fed a rassuré la nation en affirmant qu’elle n’était que « transitoire ». Selon elle, il n’y aurait aucune raison de réagir à la hausse des prix, car il s’agit simplement d’un petit contrecoup des fermetures causées par le Covid et les chèques de relance. Encore une fois, cela est faux.
Et maintenant, la Fed se préoccupe de protéger sa « crédibilité », peut-être avec une augmentation de 100 points de base (1 point de pourcentage). Pourtant, la leçon tirée de l’ère Volcker était qu’une augmentation de 100 points de base ne ferait rien. Si l’on se base sur le taux ultra bas d’aujourd’hui, il faudrait une augmentation d’au moins 1 000 points de base pour obtenir un quelconque effet. La Fed a-t-elle encore ce genre de pouvoir ?
Le plus étonnant pour nous est qu’elle ait encore une crédibilité à protéger. Il est clair qu’elle ne sait pas ce qu’elle fait.
Mais la Fed est-elle vraiment aussi incompétente qu’il n’y paraît ? Ne manquez pas de nous retrouver demain, nous étudierons cette question.