Un entretien inédit entre Bill Bonner et Dan Denning, afin de décortiquer le raisonnement qui sous-tend la nouvelle Transaction de la Décennie élaborée par Bill…
Dan Denning :
Récemment, vous avez résumé une idée que vous aviez eue en 1999 et 2000 : avec ces tendances de long terme, qui mettent du temps à se développer, si on a raison sur la direction générale, il y a des transactions simples qui, sur 10 ans, seraient bonnes. On pourrait donc sortir gagnant en identifiant correctement la tendance.
En 2000, votre première « Transaction de la Décennie » consistait à acheter de l’or/vendre le dollar US. Baisse du dollar, hausse de l’or, donc – ce qui a extrêmement bien fonctionné.
Ensuite, vous êtes passé à une deuxième transaction dans les années 2010 : selon vous, les actions japonaises, qui baissaient depuis des décennies, commenceraient à surperformer, tandis que les obligations japonaises entreraient dans un marché baissier.
Au final, cela a bien fonctionné du côté des actions, mais nous n’avions pas anticipé l’intervention de la Banque du Japon pour soutenir le marché obligataire. Les résultats n’étaient donc pas aussi positifs.
Dans l’ensemble, cependant, sur ces 10 ans, cette Transaction de la Décennie a bien réussi.
Et nous voilà en 2021 : pouvez-vous donner aux lecteurs un aperçu de ce la tendance majeure pour les 10 prochaines années, sur laquelle ils pourraient se positionner ?
Bill Bonner :
Lorsque j’observe la situation, je vois une seule chose : le gouvernement – c’est-à-dire ces gens qui contrôlent la monnaie – contrôle quasiment tout. Ils peuvent contrôler les prix des obligations.
Ils peuvent même acheter des actions. Au Japon, ils achètent des actions. Je prédis qu’ils achèteront des actions aux Etats-Unis également.
Ils peuvent contrôler le prix de la main d’œuvre. Ils peuvent tout contrôler ou presque.
Ils peuvent en tout cas contrôler le Congrès US. Ce n’est pas un problème. Le Congrès est facile à séduire !
La seule chose que ne peuvent pas contrôler ces gens, qui impriment de la monnaie, c’est la valeur de la monnaie elle-même. Pour moi, on a là le maillon faible de toute la chaîne. Ils peuvent contrôler le volume ou le prix, mais pas les deux.
Ils contrôleront le volume. Cela, nous le savons. Ils vont augmenter le volume parce qu’ils le doivent. Pour eux, c’est l’inflation ou la mort – ce sera donc l’inflation.
Au passage, le monde entier est pris dans un énorme piège de dette. Il y a tout simplement trop de dette. Elle ne peut pas être remboursée.
Quand une personne est prisonnière d’un piège de dette, on sait qu’il n’y a que deux moyens d’en sortir : l’une est de faire défaut. On se déclare en faillite. On admet qu’on ne peut pas payer. On fait ce qu’il faut pour arranger ça et on continue sa vie.
Quel autre moyen y a-t-il ? Soit on paye… soit on ne paye pas.
Dan :
Le défaut, ou l’inflation. Si on a une planche à billets…
Bill :
Si vous êtes un gouvernement, il y a l’inflation. C’est toute la différence. Les Etats-Unis peuvent imprimer de la monnaie. Grâce à cela, il y a toute une série de choses qui peuvent mal tourner.
Cela modifie une banqueroute ordinaire et honnête – parce qu’une banqueroute, cela arrive. Les gens n’ont pas de chance. Ils prennent de mauvaises décisions. Il y a tout le temps des banqueroutes, au cours d’un épisode plutôt affreux et corrompu. C’est là une crise inflationniste.
Nous le voyons actuellement au Venezuela. Peu de temps avant, c’était le Zimbabwe et d’autres pays.
Nous savons donc à quoi ça ressemble – mais nous n’arrivons toujours pas à croire que cela pourrait se produire aux Etats-Unis. Je ne sais pas moi-même si j’y crois, mais je considère cela comme une question théorique. Il ne fait aucun doute que cette devise, « l’inflation ou la mort », est la bonne. Il ne fait aucun doute que le gouvernement va choisir l’inflation.
Le doute concerne plutôt le moment où l’inflation cessera d’aller dans les prix de Tesla et de choses comme le Bitcoin… pour se diriger vers les prix des automobiles et de toutes les choses dont vous et moi avons besoin dans nos appartements, nos maisons et nos vies.
Quand cet instant se produira-t-il ?
Nous ne connaissons pas la réponse. Mais il aura bien lieu, pensons-nous… parce que nous ne voyons pas ce qu’il pourrait arriver d’autre. Les dirigeants vont gonfler la masse monétaire – et tôt ou tard, les prix des actions s’envolent.
Il s’agit là d’inflation sur les marchés financiers – ce qui est bien entendu toute l’affaire de Janet Yellen [ancienne présidente de la Réserve fédérale et désormais secrétaire au Trésor US]. Il leur faut aussi de l’inflation dans l’économie réelle, cependant.
Par ailleurs, les demandes politiques d‘inflation – les appels à distribuer des chèques de 2 000 $ – sont très fortes. Pas seulement de la part des démocrates, qui sont toujours en faveur d’un gouvernement plus important, mais aussi de la part des républicains.
Nous allons donc assister à une pression accrue pour une relance budgétaire en plus d’une relance monétaire.
La relance budgétaire – des déficits plus profonds, plus de dépenses, plus d’argent, plus de distributions, plus de gabegies –, c’est ce qui mène à l’inflation des prix. Nous verrons donc cela – l’inflation – commencer à un moment ou à un autre cette année.
A suivre…