▪ Si vous avez confiance en nos politiques et si vous pensez que la transformation du FESF en super banque (ou super assureur) des dettes publiques ou que la création d’un Fonds monétaire européen modèle FMI ou qu’enfin la monétisation inflationniste à outrance résoudront la crise, alors continuez à acheter du CAC 40, de l’euro/dollar et à vendre du Bund allemand.
Sinon (et c’est mon cas, je prépare d’ailleurs un long dossier sur les solutions bonnes ou mauvaises de sortie de crise), achetez des options très en dehors de la monnaie pour jouer le CAC à 2 000, l’euro/dollar à 1,20 et le Bund 10 ans à 1,25% d’ici quelques mois.
Tout en rédigeant ces lignes, voici ce que je lis de la part d’un « professionnel » des marchés :
« Le message en toile de fond est suffisamment rassurant : une banque ne pourra pas faire faillite car il y aura toujours la Banque centrale européenne, les Etats et/ou le FESF derrière ».
C’est parce que l’on pense des choses pareilles qu’il y a des violentes crises qui surprennent jusqu’aux spécialistes les plus chevronnés. Ce que l’on doit finir par comprendre, c’est que l’aléa moral est terminé et que l’on ne peut plus se permettre le luxe de se le payer…
Certes une banque ne peut pas faire faillite politiquement compte tenu de son activité systémique (je vous renvoie à ma série d’articles sur le système bancaire) et parce qu’elle sera de toute façon renflouée grâce à la planche à billets. Mais elle peut être amputée sérieusement d’une bonne partie de ses fonds propres suite à des haircuts significatifs de certains actifs détenus… donc être sauvagement nationalisée et/ou recapitalisée. Au prix d’une forte dilution de la valeur de l’action. Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers ce scénario.
Nous allons donc — parce que nous n’en avons plus les moyens –, en finir avec le financement sans discernement de la gabegie et de la mauvaise gestion. Il s’agira donc de responsabiliser les investisseurs (tous les investisseurs) au lieu de solliciter en permanence le contribuable.
Et croyez-moi, face à la perspective d’élections difficiles dans de nombreux grands pays en 2012 pour les pouvoirs sortants, et face au potentiel d’explosion sociale que nombre de mouvements anticapitalistes réclament — qui trouvent leur légitimité sociale dans les dérives absurdes du libéralisme –, les politiques sacrifieront les investisseurs pour préserver ce qu’il reste de leurs citoyens-électeurs.
▪ D’un point de vue plus financier, cela signifie aussi que seront remis en cause le recours à 100% au prêteur en dernier ressort (les banques centrales ne peuvent pas continuer à créer aussi massivement de la monnaie ex nihilo) et le recours à 100% de l’acheteur en dernier ressort (là encore les banques centrales ne peuvent continuer à accumuler dans leur bilan des actifs risqués de plus en plus pourris). Et cela, les marchés ne l’anticipent nullement !
Même si, théoriquement, il n’y a pas de limite technique à la création monétaire et à la taille du bilan d’une banque centrale : la première chose qu’un étudiant en économie apprend est que la monnaie créée par l’institut d’émission est une dette que la banque centrale émet sur elle-même et qu’il s’agit du seul passif d’un acteur économique qui ne soit pas exigible. Certes.
Mais la conséquence en termes macro-économiques est redoutable : il y aura détérioration de la qualité du bilan de la banque centrale ; donc fuite devant la monnaie (probablement la dernière crise des actifs financiers) et report durable vers les actifs réels servant de réserve de valeur et de refuge. Comme l’or…