Par Simone Wapler (*)
Tout le monde s’inquiète : mon argent est-il en sûreté dans une banque, faut-il le retirer ?
Les gros titres les plus alarmants font les unes des journaux financiers. "Course contre la montre pour éviter le chaos financier" pour Les Echos. "Les banques craquent" pour La Tribune. "L’Irlande se trouve prise dans la crise financière mondiale" pour The Wall Street Journal Europe."La garantie bancaire irlandaise pose la question de l’aide de l’Etat" pour le Financial Times.
La presse grand public est plus prosaïque et terre à terre : que se passe-t-il si ma banque fait faillite ? Faut-il retirer son argent ?
Première question : lorsque ma banque fait faillite, la Fédération bancaire française (FBF) m’indique que mes dépôts d’espèces ou de titres sont couverts jusqu’à concurrence de 70 000 euros par déposant et par établissement. Sachant que tout être sensé ne dépose pas tous ses oeufs dans le même panier (précaution valable même pour les mammifères), cela rassure… un peu.
Quand le très rare devient trop fréquent
Plus inquiétant, cependant, le Fonds de garantie des dépôts a été créé spécialement pour protéger contre un risque de défaillance "heureusement très rare", nous apprend la documentation de la FBF. Si le "très rare" se multiplie, on est en droit de se demander si la garantie fonctionnera. Dans la pratique ce sera plutôt la nationalisation. Si le bastion du capitalisme que représentent les Etats-Unis y recourent, pourquoi pas l’Europe ?
La deuxième question, "faut-il retirer son argent ?" est stupide. Elle a hélas été posée mardi à la une d’un quotidien économique français que je ne citerai pas par charité. Impossible de retirer son argent, on ne peut pas. En tout cas pas 70 000 euros cash. Tout le monde sait que retirer impulsivement plus de 1 000 euros dans une banque de guichet est une mission impossible. Il faut commander ses coupures la veille, et le montant est assez limité. Retirer 70 000 euros vous prendra de 35 à 70 déplacements, soit un mois et demi et de nombreux coups de téléphone. Sans compter que cela vous vaudra l’animosité du caissier et le regard excédé des gens qui font la queue.
La dématérialisation outrancière
Motif invoqué par les banques pour les restrictions de coupures : la crainte d’un braquage. Pratiquement, les paiements par carte (plastic money comme disent les Anglo-saxons) se sont multipliés, diminuant l’usage des espèces. Aujourd’hui, si vous présentez un billet de 500 euros, on vous regarde comme si vous étiez un trafiquant de drogue (attitude réservée au porteur de sexe masculin), une prostituée (attitude réservée au porteur de sexe féminin d’âge ad hoc), ou une mère maquerelle (attitude réservée au porteur de sexe féminin d’âge trop avancé et donc justifiant un poste d’encadrement dans le plus vieux métier du monde).
La dématérialisation de la monnaie conduit à une impasse. Le paiement par carte réduit l’argent à une version numérique dont la traduction concrète n’est qu’un chiffre sur un morceau de papier émis par un système informatique. En supposant que les contraintes de retrait n’existent pas, si tout le monde voulait retirer son argent, il n’y aurait tout simplement pas suffisamment de billets imprimés.
La dématérialisation de la monnaie conduit également les gens à faire n’importe quoi avec une matière qui devrait avant tout correspondre aux fruits d’un travail. C’est ce que semble avoir oublié la sphère financière. Elle s’effondre pour avoir prêté de l’argent sur des espérances de plus-values. Ces espérances sont parties en fumée dès que les taux d’intérêt des prêts ont été relevés. Nous sommes au coeur du schéma des crédits subprime : des prêts accordés sur des plus-values immobilières latentes à des gens pour qu’ils consomment. Où était le travail dans ce circuit ?
Trop de "dématérialisation" nuit à la "responsabilisation". Trop de calculs de risque et d’assurance contre le risque nuisent au bon sens.
Meilleures salutations,
Simone Wapler
Pour la Chronique Agora
(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises ou dans différents rapports d’investissements.
Elle est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.