La Chronique Agora

Que doit-on à la révolution de l’énergie ? (2/2)

énergie, pétrole, nourriture

Et que se passerait-il si les combustibles fossiles étaient interdits ? 

Vendredi dernier, nous avons vu avec l’exemple d’une famille russe que la vie sans combustibles fossiles était plutôt sinistre, mais pas impossible. Mais cette expérience était imparfaite. La famille a vécu dans des conditions qui étaient loin d’être « normales » et peut-être plus dures que celles auxquelles nous serions confrontés si nous étions soudainement contraints d’abandonner les combustibles fossiles.

Une famille débrouillarde, correctement équipée d’outils et de technologies rendus possibles par notre économie moderne pourrait probablement bien vivre dans la nature.

Sauf que la plupart des gens vivent dans des villes et des banlieues, où ils dépendent à 100% d’une économie extensive – alimentée par des combustibles fossiles. Comment se débrouilleraient-ils si l’électricité était soudainement coupée ? Que mangeraient-ils si les livraisons de nourriture étaient interrompues ? Que se passerait-il si les guichets automatiques étaient fermés, si les pompes à essence étaient à sec et si les rayons des épiceries étaient vides ?

Le moteur du progrès

La seule chose qui donnait à l’homme la possibilité de dompter la nature était la nature elle-même. Elle avait pu stocker des millions d’années d’énergie : des montagnes de charbon… et des lacs souterrains de pétrole et de gaz.

Les plantes dépendent du soleil. Les animaux dépendent des plantes. Et, au cours des millénaires, cette énergie à base de carbone a été déposée et empilée, comprimée… et transformée en carburant haute densité. Les trains roulaient autrefois avec des moteurs à bois. Mais il fallait des wagons entiers de bois de chauffage et deux soutiers à plein temps pour jeter les bûches dans le foyer. Le carburant diesel prenait beaucoup moins de place et s’écoulait tout seul dans le moteur.

Au XIXe siècle, l’utilisation de ces « combustibles fossiles » s’est généralisée. On les utilisait pour chauffer, bien sûr, mais aussi pour déplacer des objets, les marteler et les façonner.  A partir de James Watt et sa machine à vapeur, en 1776, des inventeurs ont trouvé des moyens de convertir l’énergie thermique en énergie mécanique – pour faire tourner des engrenages, des roues, des courroies, des chaînes, des arbres de transmission et des chaînes de montage.

L’énergie contenue dans ces « combustibles fossiles » est stupéfiante. Vous pouvez en faire l’expérience vous-même. Il suffit de mettre quelques litres d’essence dans votre voiture… disons pour un coût de 10 €. Ensuite, conduisez la voiture aussi loin qu’elle peut aller.

Puis, une fois le réservoir vide, poussez la voiture jusqu’à votre maison. Il vous faudra, à vous et à vos amis, de nombreuses heures de travail acharné pour y parvenir. Cette expérience peut également vous donner une idée de l’efficacité relative des combustibles fossiles. Quelques litres d’essence vous permettront, à vous et à votre voiture, de parcourir environ 40 km en moins d’une demi-heure. Même si vous abandonnez la voiture, vous ne pourrez parcourir qu’environ 6 km par heure à pied. Il vous faudra donc 12 fois plus de temps pour parcourir la même distance.

Maintenant, imaginez que l’énergie de ces carburants soit utilisée dans toute l’économie. Les agriculteurs, avec un attelage de bœufs, pouvaient autrefois labourer un acre de terre en une journée [NDLR : c’est d’ailleurs la définition de cette superficie, équivalente à environ 4 047 m²]. Aujourd’hui, les tracteurs les plus récents peuvent labourer 150 acres en une journée – avec la climatisation dans la cabine et une technologie de conduite automatique.

Les camions transportent des milliers de tonnes de marchandises sur des milliers de kilomètres. Les pilotes d’avion permettent à des centaines de passagers de traverser l’Atlantique en une seule journée.

Le temps représente la limite ultime de ce que nous pouvons faire. Il n’y a que 24 heures dans une journée. Ce que nous pouvons produire pendant ces heures détermine notre niveau de vie et le nombre d’habitants que la terre peut supporter. En utilisant le tracteur comme mesure, nous avons multiplié la productivité par 150. Des gains similaires ont été réalisés dans l’ensemble de l’économie.

Qu’il y ait de la nourriture

Au début de la révolution industrielle – que l’on pourrait plutôt appeler « révolution des combustibles fossiles » – notre planète comptait 2 milliards d’habitants.  Aujourd’hui, ils sont quatre fois plus nombreux. Ces 6 milliards de personnes supplémentaires ne sont en vie que grâce à l’énergie contenue dans les combustibles fossiles. Même aujourd’hui, après 20 ans de soutien et de subventions aux sources d’énergie alternatives « propres » ou « durables », seule 15% environ de l’énergie mondiale provient de sources non fossiles.

Cela signifie que l’équivalent de 6,8 milliards de personnes dépendent en totalité des combustibles fossiles – pour leur transport, leur électricité et leur alimentation. Supprimez ces combustibles, partiellement ou entièrement, et que se passerait-il ?

Et qu’en est-il de vous ?

Lorsque vous vous levez le matin, buvez-vous du café ? Comment les grains de café sont-ils arrivés chez vous ? Et le lait ; comment était-il conservé au frais ? Et votre maison, comment en contrôlez-vous la température ? Et quand vous allez au travail… conduisez-vous une voiture ? Qu’est-ce qui fait tourner les roues ? Même si vous conduisez un véhicule électrique, il y a de fortes chances que l’électricité provienne de combustibles fossiles… et le véhicule lui-même ne pourrait pas être produit sans l’énergie du charbon, du gaz ou du pétrole.

La production de céréales a quadruplé depuis 1950. Comment cela a-t-il été rendu possible ? Grâce aux moteurs diesel, les agriculteurs ont pu cultiver plus d’acres, plus efficacement. Et, ce qui est peut-être encore plus important, ils ont utilisé beaucoup plus d’engrais, en particulier de l’azote. Entre 1950 et 2025, la quantité d’engrais azotés a été multipliée par 23.

D’où vient l’engrais azoté ? Du gaz naturel. Et pour faire pénétrer l’engrais azoté dans le sol – le fabriquer, l’expédier, l’appliquer – il faut presque deux fois plus d’énergie que dans l’engrais lui-même.

La nourriture – comme beaucoup d’autres choses dont nous avons besoin au quotidien – est un produit de l’énergie. Ce n’est que parce que nous avons été capables de comprendre comment utiliser cette énergie stockée que nous sommes si nombreux à vivre si bien sur la planète Terre.

Mais que se passerait-il si les combustibles fossiles étaient interdits ?

Une expression nous dit que nous ne sommes qu’à 9 repas de l’anarchie. Quel genre de chaos, de confusion et de misère s’abattrait sur votre quartier si des foules affamées parcouraient les rues, pillant les maisons et prenant ce qu’elles voulaient ? Et si vous deviez choisir entre vous nourrir et nourrir vos enfants ?

Scandaleux ? Impossible ? Quelque chose qui n’arriverait jamais ?

Nous ne pouvons que l’espérer.

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