La Chronique Agora

Quand l’Histoire se répète (2/2)

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Hors d’Ukraine, certains pays d’Afrique ou d’Asie pourraient très bien être le lieu de départ d’une nouvelle guerre mondiale.

Comme nous avons commencé à l’évoquer hier, la guerre en Ukraine n’est pas le seul conflit qui ébranle le monde.

Parallèlement à cette guerre cinétique, les Etats-Unis ont imposé des sanctions financières à la Russie. Le président Biden a menacé de maintenir ces sanctions « aussi longtemps qu’il le faudra », ce qui pourrait signifier qu’elles dureront des années, au vu de la tournure que prend le conflit.

Ces sanctions n’ont eu aucun impact sur le comportement ou sur l’état de l’économie de la Russie, mais elles ont gravement endommagé l’UE et le statut du dollar américain en tant que réserve de valeur fiable. Ces coûts pour l’Occident risquent d’augmenter avec le temps.

La lutte pour l’uranium

Un autre conflit qui pourrait potentiellement se détériorer en guerre ouverte touche le Niger, un pays du Sahel. Un coup d’Etat militaire y a renversé fin juillet le gouvernement élu en 2021 (bien que les putschistes soutiennent que l’élection était frauduleuse). Certains sondages montrent que la junte militaire bénéficie à l’heure actuelle d’un large soutien populaire.

Le Niger est le premier fournisseur d’uranium de la France, tandis que la France est l’un des plus grands constructeurs de centrales nucléaires au monde. La France a désespérément besoin de rétablir l’ordre au Niger, notamment en forçant la junte à se retirer et en rétablissant le gouvernement élu.

La France dispose de forces spéciales, dont la Légion étrangère, prêtes à intervenir. Cependant, la France ne veut pas agir unilatéralement et tente de recruter des alliés africains pour se joindre à l’invasion.

Le groupement régional le plus important est la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui comprend à la fois des Etats francophones comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, et d’importants États anglophones comme le Nigeria. La France recrute la CEDEAO pour participer à son invasion du Niger.

Les membres de la CEDEAO sont divisés sur cette idée. En tout état de cause, l’action de la CEDEAO nécessiterait l’approbation de l’Union africaine et éventuellement des Nations unies, ainsi que des semaines de mobilisation. Aucune action militaire n’est donc probable avant plusieurs mois au plus tôt.

Rien ne prouve que la Russie ait été impliquée dans le coup d’Etat du Niger, mais elle en est certainement l’un des principaux bénéficiaires. Outre la France, la Russie est un autre grand fabricant de centrales nucléaires.

La Russie se procure son uranium en interne, au Kazakhstan et dans d’autres républiques d’Asie centrale. Si la Russie peut couper l’accès de la France à l’uranium nigérien, elle renforcera son emprise sur l’approvisionnement mondial en uranium et consolidera sa position en tant que fournisseur de centrales nucléaires.

Des rumeurs (non confirmées) laissent entendre que la Russie pourrait apporter son soutien au coup d’Etat nigérien, notamment par le déploiement éventuel de l’armée mercenaire du groupe Wagner. Cela compliquerait grandement tout projet d’implication de la France ou de la CEDEAO.

Une fois de plus, nous aurions le spectre de la Russie (via Wagner) et de la France (membre de l’Otan) s’affrontant dans une guerre pour l’uranium dans le Sahel. Le potentiel d’escalade est évident.

A ce propos, la sous-secrétaire d’Etat Victoria Nuland (qui s’était déjà fait « remarquer » pour son avis sur l’Ukraine en 2014, entre autres) s’est rendue au Niger peu après le coup d’Etat et n’a pas été chaleureusement accueillie. Elle a quitté le pays les mains vides. Il ne fait aucun doute qu’elle a laissé derrière elle tout espoir de soutien américain aux Français.

Un signe avant-coureur de la Troisième Guerre mondiale ?

Il existe de nombreuses autres zones « chaudes » dans le monde, notamment à Taïwan, en mer de Chine méridionale, en Syrie et en Corée du Nord. Le Pakistan est peut-être la zone la plus dangereuse en raison du conflit croissant entre l’ex-Premier ministre Imran Khan (aujourd’hui démis de ses fonctions et condamné à plusieurs années de prison) et ses partisans, d’une part, et l’armée, d’autre part.

Le chaos au Pakistan est intrinsèquement menaçant au niveau mondial, car il s’agit d’une puissance nucléaire en conflit permanent avec l’Inde, elle aussi dotée de l’arme nucléaire.

Peut-être ces conflits se résoudront-ils d’eux-mêmes avec le temps. Peut-être pas. Pour l’instant, ils présentent chacun individuellement une menace (en raison du risque d’escalade) et ressemblent étrangement à la confluence des conflits qui ont précédé les deux plus grandes guerres de l’Histoire.

L’histoire ne se répètera peut-être pas, mais il semblerait qu’elle commence au moins à rimer.

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