La Chronique Agora

A quand un cessez-le-feu ?

La situation en Palestine est aussi bloquée qu’explosive.

Les tensions au Proche Orient n’ont pas encore plongé les marchés dans un véritable état de stress aigu, mais de nombreux voyants clignotent déjà au rouge.

Une nouvelle étape a été franchie mardi soir dans la litanie des massacres absurdes et injustifiables de civils à Gaza : les deux camps se rejettent la responsabilité d’une frappe – volontaire ou accidentelle – sur l’hôpital Baptiste de Gaza. Le bilan humain est si lourd, que soudain personne ne cherche plus à le revendiquer… alors que chaque camp se vantait jusqu’ici des pertes infligées à la partie adverse et se délectait de cette surenchère macabre.

Entre accusations et contre-feux, preuves et contestations de ces preuves, plus le scénario d’une puissante explosion accidentelle (comble de malheur, précisément sur le lieu plus densément peuplée de la zone sud de Gaza), l’impossibilité d’établir formellement les responsabilités de ce drame a, en quelque sorte, désamorcé le risque d’embrasement qui se profilait ce mercredi dans tout le Proche Orient.

Mais combien de temps les pays qui ont exprimé leur soutien aux Palestiniens de Gaza s’abstiendront-ils d’intervenir, ruinant les derniers espoirs de parvenir à un cessez-le-feu après 15 jours de combats ?

Personne n’ose plus rêver d’une paix négociée sous l’égide d’une puissance « neutre », les leaders occidentaux ayant réaffirmé leur soutien (politique, militaire et financier) « inconditionnel » à Israël, vocable synonyme de carte blanche qui peut faire grincer beaucoup de dents.

Mais quelle est l’alternative, face à un adversaire dont le but avoué – sa charte en témoigne – est de « détruire Israël » ?

Présenté de cette façon, il ne semble pas y avoir de débat… mais ce n’est pas si simple.

Pourquoi Israël s’est-il choisi de façon assumée cet adversaire – le Hamas – qui de surcroît ne jouit pas du soutien de la majorité de la population gazaouie ?

La réponse la plus classique pourrait-être celle-ci : pour faire contrepoids au Fatah, et diviser les Palestiniens afin de les affaiblir politiquement.

L’autre question plus gênante qu’éludent les alliés d’Israël : pourquoi Netanyahu a-t-il tout fait depuis presque 15 ans pour garantir son financement (par le Qatar notamment), après avoir fait reconnaître le bénéficiaire comme « organisation terroriste » par les Etats-Unis et plusieurs pays d’Europe ?

A ce stade, la plupart des observateurs qui ne veulent pas prendre parti – ou simplement prendre le risque d’expliquer le processus de radicalisation du Hamas, parce que c’est un tabou médiatique – se réfugient derrière un « c’est compliqué ».

Et comme cette attitude frileuse est la plus répandue, personne n’ose affirmer que l’urgence est de briser ce cercle vicieux, alors même qu’il semble sur le point de se transformer en maelstrom géopolitique, parce que plusieurs acteurs se livrent à de sordides calculs concernant les bienfaits qu’ils pourraient tirer d’une guerre. Certains espèrent solder les comptes avec les Etats-Unis qui – c’est un pari risqué – n’ont peut-être pas la capacité d’affronter simultanément la Russie (par procuration via l’Ukraine) et plusieurs pays de la Ligue Arabe.

Des pays arabes qui, par ailleurs, refusent d’accueillir le moindre réfugié palestinien, au nom desquels ils envisagent pourtant de prendre les armes.

Une menace prise au sérieux, puisque les Etats-Unis viennent de dépêcher en Méditerranée leurs deux plus gros porte-avions… mais tout le monde comprend à travers les communiqués successifs de Washington que c’est en réalité l’Iran (et son émanation au Liban, le Hezbollah) qui est visé, en tant que puissance nucléaire potentielle et principale menace pour Israël.

Et au coeur du conflit, quelle que soit son échelle, il y a la population de la bande de Gaza, un territoire souvent qualifié de « prison à ciel ouvert » et qui mérite en effet ce surnom, puisque la fuite par la mer est impossible, tandis que le frontière avec l’Egypte – et seul corridor humanitaire possible vers le Sinaï – reste fermée.

Car l’Egypte ne veut pas accueillir – même temporairement, de peur que cela devienne définitif si Israël annexe la « West Bank » – 1,5 à 2 millions de Gazaouis, aujourd’hui otages politiques du Hamas. La Jordanie qui héberge déjà 1 million de réfugiés syriens ne veut pas non plus devoir gérer un surplus de réfugiés palestiniens.

La situation est donc aussi bloquée qu’explosive.

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