La Chronique Agora

À quand l’aveu de l’impasse monétaire ?

Toutes les manœuvres de politique monétaire de la BCE sont en échec patent. Ne reste plus que les dettes et de moins en moins de contribuables solvables.

Rien de bien affriolant dans l’actualité financière de ce matin, cher lecteur. Nous allons donc parler de politique monétaire — ce qui est ingrat mais quand même utile pour vos investissements.

Jeudi, il y aura une grand messe de la Banque centrale européenne et, déjà, on « prépare l’opinion » à l’homélie du grand prêtre Mario Draghi .

Les Echos sur ce sujet :

 « ‘La BCE pourrait reporter la perspective d’une première hausse de taux au début de l’année prochaine, donnant un signal suffisamment accommodant pour faire repartir l’inflation vers sa cible’, envisage UniCredit.

[…]

Il paraît assez certain que la BCE proposera cette nouvelle vague de prêts aux banques. Certes, comme l’a rappelé récemment Benoît Cœuré, membre du directoire de la banque centrale, cette mesure devra répondre à des objectifs de politique monétaire et ne pas simplement être utilisée pour aider des banques. Mais sans nouveau programme, l’arrivée à échéance de précédents LTRO à l’été 2020 fait courir un risque pour la liquidité de plusieurs établissements – notamment italiens – à partir de juin prochain.

[…]

Mario Draghi, a laissé entendre en janvier que, si la situation l’exigeait, les achats d’obligations pourraient reprendre, une telle décision paraît peu probable. La BCE s’emploiera juste à maintenir la taille de son bilan en réinvestissant les montants des tombées de son portefeuille obligataire. »

Traduction en termes profanes :

Tout ceci est censé être rassurant pour l’industrie financière et pour tous ceux qui pensent que l’épargne est inutile, qu’il suffit de consommer sans penser aux lendemains qui seront assurés par l’Etat-providence quoiqu’il advienne.

Voici le bilan de la BCE :

Les couleurs ne servent à rien si ce n’est à noyer le poisson. Que ce soit gris, vert ou orange, la Banque centrale européenne a injecté près de 4 500 Mds€ dans l’économie de l’Eurozone au travers de l’industrie financière. Cela correspond à plus de 30% du PIB de l’Eurozone.

Et la croissance cale…

En novembre, on anticipait pour 2019 une croissance de 1,9% pour l’Eurozone, et de 2% pour l’Union européenne dans son ensemble. Trois mois plus tard, il faut désormais se contenter de respectivement 1,3% et 1,5% pour la seconde.

Mais si la fausse monnaie faisait avancer le schmilblick, depuis le temps, ça se saurait, n’est-ce pas ?

De la politique monétaire à la dette

Comme nous le disons et répétons, la « politique monétaire » n’est pas faite dans l’intérêt de l’économie réelle – qui sait très bien s’en passer – mais dans l’intérêt de l’industrie financière et de la sphère étatique.

Dans le Cercle des Echos, en février dernier, l’économiste français institutionnel Jean-Yves Archer exprimait clairement ses doutes à propos de la dette publique française.

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0600751649159-pourquoi-la-dette-publique-francaise-est-un-vrai-probleme-2247084.php#xtor=EPR-3058-%5Bnl_ideesdebats%5D-20190303-%5BProv_%5D-997036

« Notre niveau d’endettement excède ce que notre potentiel fiscal peut absorber », dit froidement Jean-Yves Archer.

Effectivement : notre « potentiel fiscal » est déjà largement sollicité puisque la France est championne du monde des impôts.

On y lit aussi cette phrase révélatrice :

« Plus les taux d’intérêt sont bas, moins la capacité de prêter des banques est établie. Il suffit de voir le nombre d’établissements qui, en Zone euro, sont valorisés à environ la moitié de leurs fonds propres. Or la création de monnaie via les banques est depuis des décennies un vecteur fondamental de la croissance d’une économie. »

La création de monnaie via les banques n’est pas un facteur de croissance de l’économie mais un facteur de croissance du secteur bancaire. La croissance économique se portait très bien lorsque les banques se limitaient à leur rôle d’intermédiation, se contentant d’agglomérer l’épargne existante pour la prêter à des projets demandant beaucoup de capitaux. Evidemment, je parle là de la croissance du secteur privé. Puis lorsque les banques ont été autorisées à créer de la monnaie, crises bancaires et financières se sont succédées. Le Crédit Lyonnais, ça vous dit quelque chose ?

Dans la suite de l’article, Jean-Yves Archer se livre à des calculs prouvant que la dette est insoutenable et termine par une conclusion presque lyrique :

 « L’endettement de l’Europe relève d’une économie de guerre et atteint des scores inconnus en temps de paix. Notre ensemble continental n’a pas su, dans beaucoup de pays, digérer la fin des Trente glorieuses.

 Dire que l’on peut, aux niveaux d’endettement où nous sommes, continuer en ‘chantant la même chanson sur le même chemin’ (Charles de Gaulle, 1963) revient à tendre un paquet de nougats à un diabétique. Passé 100% du PIB, la dette publique reste silencieuse comme le diabète jusqu’au jour où les vraies complications surgissent. Quant aux générations qui viennent, elles écrivent déjà le mot impôt avec leurs futures larmes de travailleurs. »

 Généralement, la dette se dissolvait en France dans l’inflation et la croissance du secteur privé rendait le processus indolore, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Quant au mirage de la relance par la dette publique, « le plan Juncker de relance des investissements européens aurait atteint son objectif de 300 Mds€ en lieu et place de son crash retentissant », avoue Jean-Yves Archer. Le plan de relance d’Emmanuel Macron de 10 Mds€ annoncé en 10 minutes de discours se vautrera lui aussi.

Tous ces échecs devraient un jour se matérialiser par un effacement de la dette publique, un jubilé qui détruira l’argent que les épargnants ont cru mettre de côté. L’ignorance du système monétaire et financier actuel conduit certains à croire qu’un livret A ou une assurance-vie en euro est un placement sans risque même s’il rapporte peu. Rien n’est plus faux.

En Europe, les élections européennes de fin mai puis les échéances bancaires du mois de juin risquent de modifier profondément la donne pour l’euro.

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