▪ Les prêts secrets de la Fed à Wall Street s’élevaient à 1 200 milliards de dollars au plus fort de la panique de 2008.
C’est la conclusion tirée par Bloomberg après analyse des 29 346 pages de documents publiés par la Fed, uniquement parce que Bloomberg, justement, est allée jusque devant la Cour suprême des Etats-Unis pour les obtenir.
Les 10 principaux receveurs ont obtenu 56% de la somme totale. Les 699 milliards de dollars que ces 10 ont emprunté sont… disons… nettement plus important que le « chiffre officiel concernant le renflouage » : 160 milliards de dollars dans le cadre du programme TARP.
Selon Robert Litan, ancien représentant du département de la Justice US, qui a fait partie d’une commission chargée d’analyser les caisses d’épargnes lors du scandale des années 1990, « il s’agit de chiffres stupéfiants ».
« Nous parlons ici de l’aristocratie financière américaine qui termine dans le fossé si elle n’obtient pas d’aide fédérale ». Sans parler des banques européennes, qui constituent près de la moitié des 30 principaux emprunteurs.
Selon les nouvelles règles de la Fed, les banques doivent conserver un montant minimum de fonds opérationnels disponibles quotidiennement pour éviter que la situation ne se reproduise. Mais cette règle ne s’appliquera qu’en 2015. En d’autres termes, les banques arrêteront de boire dès demain… mais d’abord, une petite bière !
▪ Ailleurs, nous pouvons voir l’administration Obama faire pression sur le procureur général de New York, Eric Schneiderman. On lui a demandé de cesser de s’opposer à un accord passé entre les fédéraux et les banques au sujet d’un ensemble de scandales hypothécaires.
Selon Gretchen Morgenson, reporter au New York Times, « au cours des dernières semaines, Shaun Donovan, secrétaire responsable du Logement et du Développement urbain, ainsi que des représentants de haut niveau du département de la Justice, mènent une campagne de plus en plus intense pour tenter de persuader le procureur général de soutenir l’accord, selon les personnes tenues au courant du contenu des réunions ».
Il semblerait que M. Schneiderman (hérétique !) soit convaincu que les banques devraient, d’une certaine manière, être tenues responsables lorsqu’elles falsifient des documents pour accélérer une saisie… ou lorsqu’elles mentent au sujet de la qualité des hypothèques qu’elles « titrisent » et vendent à des investisseurs qui ne se doutent de rien.
Dans les ruines fumantes de la crise des caisses d’épargnes, il y a 20 ans maintenant, les fédéraux ont condamné près de 1 000 crimes commis par des dirigeants du secteur bancaires. Et cette fois-ci, suite à une crise bien plus grave ? Des nèfles.
▪ Un autre problème qui n’a pas encore été résolu : la récession en double-creux est en cours, pour de bon.
A notre avis, la récession n’a jamais vraiment pris fin… mais nous avons aussi écouté les indicateurs « officiels », auxquels le marché prête attention. L’un des plus fiables ne fonctionne plus ; il est à l’orange et clignote, mais il n’est pas rouge.
L’indice d’activité nationale de la Fed de Chicago tient compte de près de 85 indicateurs. Lorsque sa moyenne mobile sur trois mois atteint les -0,7, c’est un indicateur de récession plus fiable qu’aucun autre. Il s’est dangereusement approché de ce niveau le mois dernier, à -0,6. Mais ce mois-ci, on a pu constater une légère reprise, à -0,29.
Il ne fait aucun doute que Ben Bernanke jettera un oeil à ce rapport lorsqu’il préparera son discours pour la réunion de Jackson Hole dans le Wyoming vendredi. Lors de son discours de l’an dernier, il avait fait des références assez lourdes au second assouplissement quantitatif.
« Il est évident que Bernanke souhaite un troisième programme d’assouplissement quantitatif » déclare Dan Amoss, du Strategic Short Report, « mais il se sent probablement obligé d’attendre jusqu’à ce que la peur de la déflation aille crescendo. »
Au moins un initié est convaincu qu’un tel programme est une certitude, qu’il sera mis en place tôt ou tard. « Vous pouvez y compter », a déclaré David Blanchflower, professeur à Dartmouth, à l’éditeur de la lettre d’information Fred Hickey en juin dernier. Blanchflower est proche de beaucoup de membres de la Fed, y compris de Bernanke et du chef de la Fed à New York, William Dudley. Lorsqu’on lui pose des questions sur la Fed, qui tente de regonfler l’économie en achetant plus de biens avec de l’argent nouvellement crée, il répond « la réponse, c’est d’en faire encore plus ».
Mais à en juger par les chiffres annoncés par la Fed de Chicago, la peur de la déflation n’est pas encore assez importante. Un autre indicateur fiable de la récession nous est parvenu de la part de la Fed de Philadelphie cette semaine. Peut-être que cela sera suffisant pour apporter de l’eau au moulin de Bernanke. Nous suivrons tout ça de près…