La Chronique Agora

L’unique promesse que Trump peut honorer

protectionnisme

La seule promesse électorale que Trump peut désormais honorer est la plus nuisible : le protectionnisme et l’instauration de barrières douanières.

« Nous vivons dans un monde où la croissance [économique] est faible mais où celle de la dette et du prix des actifs est élevée », a résumé un ami astucieux.

Aujourd’hui, nous nous intéressons à un article publié sur Zero Hedge qui précise cette idée. Nous y reviendrons dans une minute.

D’abord, commençons par moins de précisions…

En gros, selon sa promesse, le gouvernement Trump devait regarder vers l’avenir et l’améliorer avant que ce futur ne se matérialise.

Comment ?

En assainissant le « marigot »… en réduisant la réglementation… en diminuant d’environ 20% l’impôt sur les sociétés… en tuant l’Obamacare… en augmentant les droits de douane à l’importation et en réduisant les déficits commerciaux : toutes ces mesures étaient censées faire augmenter le taux de croissance économique stagnant.

Ensuite, l’augmentation de la croissance aurait rempli les centres commerciaux et les restaurants et permis de rembourser nos dettes.

A l’exception de la proposition idiote d’augmenter les droits de douane émanant de Peter Navarro – le « tsar du commerce » de Trump – et qui aurait eu l’effet opposé, ces changements auraient réussi.

Quel dommage que « le Donald » ait pu honorer si peu de ses promesses de campagne.

Nous l’avions bien prédit. Nous avions raison. De nombreux lecteurs ne nous le pardonneront jamais. On dirait qu’ils pensent que, comme nous l’avions vu venir, nous souhaitions l’échec de la Team Trump.

Nous nions cette accusation. Nous ne possédons pas un tel pouvoir.

Ne serait-ce que dans le courrier des lecteurs d’hier, plusieurs protestent. Par exemple :

« M. Bonner, vous êtes parti du pays depuis trop longtemps. Vous avez perdu contact avec l’Américain ordinaire : oui, ces ‘idiots’, comme disent les adeptes du social-libéralisme, qui ont élu le président Trump.

Lisez le livre de M. Gingrich, intitulé Understanding Trump. J’ai toujours apprécié une grande partie de ce que vous écrivez, mais vous êtes à côté de la plaque en ce qui concerne le président. J’ai bien peur que vous n’ayez basculé dans le camp des IYI. »
– Stanley P.

Le camp des IYI ? Nous avons fait des recherches.

L’auteur du Cygne Noir, Nassim Taleb, est en train d’écrire un nouvel ouvrage intitulé Skin in the Game. Dans un extrait, il déclare que de nombreux personnages de l’élite sont des Intellectuals-Yet-Idiots, des « Intellectuels mais pourtant des Idiots », en français.

Nous ne contestons pas cette allégation selon laquelle nous serions un « idiot », mais nous connaissons Nassim et nous ne sommes pas sûr d’être le type d’idiot auquel il pensait.

Selon un autre lecteur :

« Vous vous trompez. Trump n’est pas la raison pour laquelle le marigot ne s’assainit pas. C’est parce que des gens comme vous rendent le président responsable de décennies d’abus commis par le Congrès à l’encontre du peuple américain. Tous ceux qui ont une idée derrière la tête l’empêchent d’assainir le marigot.

Croyez-vous vraiment qu’un seul homme peut le faire ? Si c’est le cas, vous êtes encore plus déficient que je ne le pensais. Au lieu de faire comme tous les autres et d’en rajouter, voici une idée : pourquoi ne pas regarder ce que Trump a fait de positif ?

Parce que, sinon, vous et tous les autres, vous seriez déjà en train de fuir vers les hauteurs, en réalité. Ou, dans votre cas, dans votre ranch en faillite. Je suis tellement fatigué de vous tous, qui vous dites si malins à propos de tout. Vous êtes comme le Congrès. Vous êtes tous les mêmes… le marigot qui va détruire ce pays. »
– Michael P.

Euh… C’est exactement ce que nous disions. Un seul homme – notamment un homme aussi limité que Donald J. Trump – ne pouvait pas battre le Deep State.

En quoi cela fait-il de nous une bestiole du marigot ? Là, cela nous échappe.

« Que l’on m’apporte des droits de douane ! »

Voici un autre extrait du courrier des lecteurs :

« Le président ne se laissera pas étrangler si facilement. Selon moi, qui vote et observe depuis plus de 80 ans, M. Bonner tire ses conclusions de façon hâtive et a avalé beaucoup trop d’eau du marigot.
– Robert B.

Peut-être.

Mais aujourd’hui, nous prédisons quelque chose d’encore plus audacieux : la seule chose que le président parviendra à faire, c’est mettre en oeuvre partiellement son objectif le moins valable : l’instauration de barrières commerciales.

Une grande réforme fiscale… l’Obamacare… les prestations… et même le mur à la frontière du Mexique… exigent que le Congrès soit d’accord. M. Trump n’obtiendra pas cela. Il prône le « gagnant-perdant », pas la coopération.

Il ne reste donc que la guerre et le commerce : autant de domaines dans lesquels le chef de l’Etat peut ériger ses propres murs.

M. Trump a déjà renoncé à sa promesse de politique extérieure : « l’Amérique d’abord ». Ensuite, il transfèrera la réforme fiscale et la politique monétaire au Goldman Group, sous la houlette de Cohn et Mnuchin. Il ne lui restera donc plus qu’un seul mur : la politique commerciale.

Un article publié hier sur le site d’informations Axios nous indique que M. Trump commence à être contrarié. Lors d’une réunion privée, il a vivement conseillé à ses subalternes de se mettre au boulot. Il parait qu’il leur a dit la chose suivante : « je veux des droits de douane. Que l’on m’apporte des droits de douane ! »

Il les obtiendra probablement. Et ils produiront le même effet que toujours : étouffer les accords gagnant-gagnant au delà des frontières, ralentir le commerce et réduire la croissance économique.

Rembourser et consommer avec les revenus de demain ?

Voilà qui nous ramène à notre point de départ…

Le prix des actifs américains… et la dette… dépendent de notre production future. Les gens doivent rembourser leurs dettes… et acheter des produits et services… avec les revenus de demain.

C’est simple, la dette publique américaine – selon le calcul officiel, du moins – a doublé au cours des huit dernières années. La production et les revenus, en revanche, n’ont pas doublé.

Au contraire, le PIB est passé de 14 000 Mds$ à 18 000 Mds$, soit une augmentation de moins de 30% (là encore si l’on se base sur les chiffres officiels).

Autrement dit, la dette publique augmente plus de trois fois plus vite que l’économie sur laquelle elle s’appuie.

Et sur cette même période de huit ans, les cours des actions américaines ont triplé, augmentant 10 fois plus vite que l’économie dont ils dépendent !

Comme nous l’avons déjà indiqué, rapportés aux chiffres d’affaires – choses que l’on ne peut truquer – les cours des actions américaines n’ont jamais été si élevés depuis la période grisante de la bulle internet.

Et un nouvel article publié sur Zero Hedge par Francesco Filia, gestionnaire de fonds, nous dit que, rapportés à la croissance potentielle, les cours des actions sont plus élevés que jamais auparavant :

« Si l’on mesure le S&P 500 par rapport à la croissance potentielle, […] l’indice n’a jamais été aussi élevé. Il dépasse de 60% la moyenne historique de sa juste valeur historique […] Ce que nous voulons dire, c’est que le désir des investisseurs de payer pour de futurs bénéfices – même les plus généreux[…] – doit être liée à la croissance potentielle à long terme du PIB, qui est la façon fiable, historiquement, d’estimer les bénéfices futurs.

C’est une chose d’acheter une action évaluée à 30 fois les bénéfices, si la croissance économique galope, mais c’en est une autre de dépenser la même somme si elle marche au pas […] Le fait est que la croissance à long terme décline depuis des décennies ; elle est empêtrée dans les tendances structurelles d’une Stagnation Séculaire : mauvaise démographie (les taux de participation à la main-d’oeuvre baissent et la population active diminuent, au sein des économies développées), surcapacité et surendettement, productivité en chute des crédits nouvellement émis, faible productivité du travail et du capital, bouleversements provoqués par les nouvelles technologies […]

La tendance à la baisse de la croissance potentielle s’étale sur plusieurs décennies ; une inversion est possible mais il serait imprudent de la prendre en compte dans les calculs […] »

Les futurs revenus ne soutiendront ni les actions, ni les obligations, dont les cours vont forcément baisser.

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