L’or est une monnaie naturellement non inflationniste, est-il l’usage de penser. Mais certains développements peuvent-ils remettre en cause cette idée ?
Un lieu commun voudrait que la valeur de l’or découle de sa rareté (0,005 parties par million – ppm). Les choses sont plus compliquées que cela. En réalité, et comme l’explique très bien Ronald-Peter Stöferle, l’or se distingue des autres métaux (précieux ou non) par son ratio stock/flux élevé, qui en fait un métal beaucoup moins sensible aux évolutions de l’offre et de la demande que ne le sont ses concurrents.
Du fait des réserves minières et de son caractère indestructible, c’est plus la relative abondance de l’or que sa rareté qui lui a permis d’être reconnu comme la monnaie ultime au travers les millénaires.
Pour conserver ce statut, le métal jaune doit continuer à faire l’objet d’un « taux d’inflation » faible en comparaison des monnaies papier, c’est-à-dire que l’offre de « nouvel or » (par opposition à l’or déjà présent sur le marché) doit rester relativement faible.
Dans un précédent article, j’écrivais « qu’au niveau de production actuel, le taux d’‘inflation aurifère’ ne se monte qu’à 1,6% par an. Si celui-ci devait doubler d’une année sur l’autre, ce taux ne serait jamais que de 3,2% par an, soit un niveau bien en-deçà de l’accroissement de la masse monétaire dont ont fait l’objet la plupart des devises papier au cours des dernières années. Voilà la réalité que recouvre l’expression selon laquelle ‘l’or ne s’imprime pas’. L’extraction de nouvel or ne représente qu’une goutte d’eau par rapport au stock présent à la surface de la terre, ce qui exclut la possibilité d’un choc d’offre. »
Néanmoins, l’or se distingue tout de même sur ce plan d’une cryptomonnaie comme le bitcoin, dont la production est déterminée mathématiquement par conception, et dont le taux d’inflation ne peut faire l’objet d’aucune surprise. A y regarder de plus près, l’or pourrait ne pas être exactement « le bitcoin sans l’électricité », pour reprendre la formule de Charlie Morris, au sens où le contrôle de l’offre d’or pourrait bien un jour ne plus dépendre de la nature, en tout cas au sens où on l’entend habituellement.
D’où provient le « nouvel or » ?
Des trésors perdus peuvent être retrouvés. Fin 2015, le World Gold Council, le syndicat producteur d’or, estimait la quantité d’or perdu à environ 3 700 tonnes (2% des 186 700 tonnes d’or extraites au cours de l’Histoire à fin 2015), soit un peu plus de 14 mois de production annuelle. Ce facteur étant négligeable, je ne m’attarderai pas dessus.
Ensuite vient l’unique source de production aurifère à ce jour qui est bien évidemment l’extraction minière. 3 100 tonnes d’or ont été extraites de l’écorce terrestre en 2015 et en 2016. Mais, en 2017, alors que l’intelligence artificielle et les projets de colonisation de Mars font la une des journaux grands publics, deux sources alternatives de production d’or, quoi qu’encore hypothétiques, ne peuvent plus être ignorées.
La production naturelle de « nouvel or » est en vue avec l’exploitation des astéroïdes.
Enfin, il est également important de surveiller les avancées en matière de production artificielle de métal jaune, c’est-à-dire les projets de fabrication d’or de synthèse en laboratoire.
Comment évoluent les réserves minières identifiées ?
Entre 2013 et 2016, le tonnage de réserves d’or identifiées par l’USGS (United States Geological Survey – l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis) avait augmenté d’environ 10%, passant de 51 000 tonnes en 2013 à 56 000 tonnes en 2016.
Selon le même Institut, les réserves se monteraient à 57 000 tonnes en janvier 2017. Cette augmentation de 2% est due à des découvertes en Australie (+400 tonnes), au Canada (+400 tonnes), en Chine (+100 tonnes) et en Papouasie-Nouvelle-Guinée (+300 tonnes).
Les réserves d’or identifiées sont donc en légère augmentation d’une année sur l’autre et ne devraient pas venir bouleverser le marché dans les années à venir. Du moins pas tant que les techniques d’extraction minière ne feront pas l’objet de progrès techniques disruptifs.
Quid de l’exploitation minière des astéroïdes ?
Je me suis intéressé pour la première fois à ce sujet en 2013, dans le cadre de la rédaction de mon guide d’investissement sur le marché de l’or. A l’époque, j’évoquais l’hypothèse scientifique émise en 2011 par l’Université de Bristol qui attribuait « la relative abondance de la croûte terrestre en or, en platine et en autres métaux précieux à un bombardement de météorites (corps proportionnellement beaucoup plus riches en métaux que l’écorce terrestre) survenu il y a environ quatre milliards d’années, alors que la surface de la Terre s’était solidifiée. »
En 2013, Edo Berger, professeur d’astronomie à l’Université de Harvard, proposait une hypothèse quant à la formation de l’or dans l’univers : pour lui, le métal jaune proviendrait de la collision du cœur mort de deux étoiles mortes ayant préalablement explosé en supernovas.
Ces hypothèses d’un or « tombé du ciel » restent à confirmer. La start-up Planetary Resources, Inc. – financée notamment par le réalisateur de cinéma James Cameron et le cofondateur de Google, Larry Page – pourrait jouer un rôle. A court terme, elle œuvre au développement de satellites destinés à découvrir et à caractériser les astéroïdes. Cette activité de prospection doit lui permettre de sélectionner les astéroïdes disposant des gisements les plus intéressants. En 2012, la start-up a annoncé travailler au développement de techniques permettant d’exploiter à horizon 2025 les gisements, notamment métalliques, découverts sur les astéroïdes retenus. Planetary Resources était suivie en janvier 2013 par Deep Space Industries, dont les fondateurs annonçaient avoir pour objectif l’exploitation minière d’astéroïdes d’ici 2023.
Ces initiatives ne sont pas l’apanage exclusif de la Silicon Valley. En février 2016, le Luxembourg annonçait l’initiative spaceresources.lu, une série de mesures visant à mettre en place un cadre légal favorable au développement des start-up dédiées à l’exploitation minière des astéroïdes. Le Monde faisait remarquer que « cette initiative intervient trois mois après la promulgation par les Américains du Space Act, une loi autorisant l’usage commercial des ressources découvertes et attribuant la propriété à celui qui les trouve. »
Ruée vers l’or version troisième millénaire
A ce jour, les missions de ces deux sociétés en sont encore au stade expérimental. Néanmoins, avec « des roches où la concentration en or, platine, cobalt et autres métaux rares est de 10 à 100 fois supérieure à celle des mines terrestres » (dixit Jean-Pierre Luminet, astrophysicien et directeur de recherche au CNRS), on ne s’étonnera pas que des milliardaires injectent des sommes très importantes dans ce type de projets.
Début 2016, Jean-Jacques Dordain, l’ancien patron de l’Agence spatiale européenne (ESA) et conseiller du gouvernement luxembourgeois, estimait que le voyage vers les météorites, « l’atterrissage », le forage, la transformation sur place des matières premières et leur expédition vers la Terre était techniquement « à portée de main ». « Le problème est économique », précisait-il. Une ruée vers l’or version troisième millénaire n’est donc pas exclue à terme.
Le premier véhicule spatial ayant vocation à effectuer des prélèvements de roche sur un astéroïde est la sonde lancée par la NASA le 8 septembre 2016 et dont le retour sur Terre est prévu pour 2023. Cette mission, nommée OSIRIS-REx, vise à étudier l’astéroïde Bénou et à en ramener un échantillon de 60 grammes sur Terre pour en effectuer une étude approfondie. Le coût de la mission hors lancement (183 M$) est plafonné à 800 M$.
Les start-up spatiales ne sont pas maîtresses du calendrier mais il n’est pas de défi technologique que l’intelligence humaine et des wagons de dollars ne sauraient relever : l’exploitation minière des astéroïdes pour en extraire de l’or finira par arriver.
L’or n’est d’ailleurs pas l’élément le plus lucratif que ces sociétés exploiteront dans l’espace. Il y a par exemple fort à parier que l’helium-3, présent en quantité significative sur la lune et qui a une valeur plus de 30 fois supérieure à celle de l’or, sera particulièrement convoité dans les années à venir.
[NDLR : En ce moment, une matière première est devenue extrêmement convoitée par toute une industrie qui tremble pour ses approvisionnements. Découvrez laquelle et surtout comment en profiter ici.]