La Chronique Agora

La première à s’en aller

monnaie, bulle, krach

Sur une durée de temps suffisamment longue, toutes les bulles finissent par éclater.

Lundi, nous avons plongé notre regard dans un passé sombre pour voir ce qui s’y cachait. Aujourd’hui, nous nous projetons dans un avenir qui pourrait se révéler encore plus sombre.

Comme nous l’avons vu, durant les années 1930 et 1940, le gouvernement chinois fit tourner la planche à billets pour payer ses factures. La Chine avait accumulé de la dette qu’elle ne pouvait pas rembourser. Puis l’hyperinflation des années 1950 a ouvert les portes du pouvoir aux communistes de Mao. A partir de ce moment, ce fut une accumulation de désastres.

Les Américains pensent qu’ils peuvent continuer à emprunter et à dépenser sans compter. On explique aux investisseurs que les indices boursiers finissent toujours par rebondir. Dès lors, ils pensent qu’en se contentant de jouer la carte de l’immobilisme, ils gagneront de nouveau de l’argent bientôt.

Et, s’ils doivent de l’argent, ils sont convaincus qu’ils pourront bientôt refinancer leur dette à des taux d’intérêt encore plus bas.

Mais tout cela a changé. Désormais, nous avons de l’inflation et de nouvelles règles du jeu. La Fed peut toujours imprimer de l’argent, mais cela accélèrerait la hausse des prix à la consommation. Vos investissements pourraient prendre de la valeur, comme ils l’ont fait entre 1966 et 1982, mais l’inflation effacera vos gains. Et, lorsque vous entreprendrez de refinancer votre prêt immobilier, vous serez frappé par un double coup dur. La baisse des prix de l’immobilier aura probablement fait disparaître votre « capital », tandis que la hausse des intérêts immobiliers entraînera une augmentation de vos mensualités.

Repose en paix, Bulle époque

Tout le monde sait qu’il est impossible de faire la tourner la planche à billets en espérant s’enrichir. Tous les pays qui s’y sont essayés ont payé le prix fort. En Allemagne, en Russie et en Chine, l’inflation galopante a permis aux nazis, aux bolchéviques et aux communistes de Mao d’accéder au pouvoir. L’inflation galopante a détruit l’économie de l’Argentine dans les années 1990, celle du Zimbabwe dans les années 2000 et celle du Venezuela dans les années 2010.

Ils appelaient ça « relance » ou « assouplissement quantitatif », mais ce n’était rien d’autre qu’un vieux tour de passe-passe consistant à dépenser trop et à essayer de couvrir cet excédent de dépenses en imprimant toujours plus d’argent.

Tôt ou tard, la bulle finit par éclater.

Au niveau mondial, les actions, les obligations, l’immobilier et les entreprises privées accusent déjà des pertes de valeur de près de 100 000 Mds$.

Et le plus important est qu’il ne s’agit pas d’une correction boursière typique. Les Bourses remonteront et reperdront du terrain… mais la Bulle époque est révolue.

Cela fait 41 ans que l’inflation n’avait pas été aussi forte et la situation n’est pas près de s’améliorer.

Le prix du gallon d’essence a atteint 6 $, avant de se replier à 4 $. Cela fait plusieurs décennies que les stocks n’avaient pas été aussi bas. Et l’hiver arrive à grands pas. D’après certaines estimations, le montant moyen de la facture de gaz naturel aux Etats-Unis devrait être supérieur de 28% à ce qu’il était l’an dernier à la même époque.

Parallèlement, les taux hypothécaires ont atteint leur plus haut niveau depuis 20 ans. Les prix des nouveaux logements ont baissé de près de 10%.

La dette totale des Etats-Unis s’élève désormais à 93 000 Mds$ et la seule dette de l’Etat fédéral à 31 000 Mds$. Cette dernière augmente de 3,8 Mds$ par jour.

Plus bas, toujours plus bas…

Concernant la Bourse, les entreprises qui étaient à la fête ces dernières années ont vu leurs cours s’effondrer depuis novembre 2021. Facebook, qui appartient au fondateur de Meta, Mark Zuckerberg, a perdu plus de 100 Mds$ de richesse dans la déroute boursière des valeurs technologiques.

Les gens qui ont acheté un logement ont vu leurs mensualités doubler au cours des six derniers mois. Des millions de propriétaires fonciers perdront probablement leurs logements dans la débâcle qui se profile à l’horizon.

Dans l’univers ubuesque du numérique, les « meme stocks » et de nombreux actifs risqués ont perdu toute leur valeur ou presque. Bon nombre d’investisseurs ne récupèreront pas le moindre centime.

Le Wall Street Journal nous explique qu’il s’agit de la « pire performance du marché obligataire depuis 1842 ». Il ne faut pas oublier que les bons du Trésor constituent le pilier du système financier américain. Si ce pilier venait à se fissurer, tous les Américains pourraient perdre leur pension de retraite, leur épargne, leur assurance… Tout.  Oui, même le système de sécurité sociale dépend des obligations américaines. Or, elles sont désormais toutes en danger.

Ce qui a été perdu jusqu’à présent n’est qu’un aperçu de ce qui nous attend.

Mark Mobius, PDG de Mobius Capital Partners, affirme :

« Il faut s’attendre à un nouvel épisode baissier puisque la Fed continuer à relever ses taux. Je pense que les taux vont augmenter fortement… »

L’investisseur milliardaire Leon Cooperman a déclaré sur CNBC que le S&P 500 se replierait de 40% par rapport au sommet qu’il a atteint en janvier dernier, ce qui représente une baisse de 25% par rapport à son niveau actuel.

Le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, a indiqué que selon lui les indices boursiers pourraient perdre « facilement 20% de leur valeur », ajoutant que le prochain épisode baissier pourrait être « beaucoup plus douloureux que le premier ».

Stanley Druckenmiller avertit :

« Selon moi, il y a fort à parier que, dans le meilleur des cas, le marché stagnera au cours des dix prochaines années, comme il l’a fait entre 1966 et 1982. »

La situation réelle, ajustée de l’inflation

Mais comme nous l’avons expliqué, les Bourses n’ont pas « stagné » entre 1966 et 1982. Durant ces 16 années, elles ont perdu 72% de leur valeur exprimée en termes réels (c’est-à-dire lorsque l’on prend en compte l’inflation).

Oui, cher lecteur, nous nous dirigeons droit vers une décennie de chaos, qui sera marquée par une succession de crises. Les prix flamberont. Les pénuries de produits alimentaires et de carburant se multiplieront. Les bourses s’effondreront. Puis viendront les récessions et/ou les dépressions.

Votre épargne, votre pension de retraite, vos placements, votre emploi, votre logement… Tout est en danger.

Dans la vie, rares sont les situations où l’âge est un avantage. Mais certaines choses demandent du temps. Cela demande du temps pour comprendre certaines choses. Et cela demande de l’expérience pour analyser ces événements avec du recul.

De nos jours, la plupart des gens n’ont ni le temps, ni l’expérience. Mais si vous étiez né avant 1960, peut-être que vous vous souviendriez…

… comment vous pouviez concilier deux boulots d’été et terminer votre cursus universitaire sans être endetté…

… comment vous pouviez vous lever à quatre heures du matin pour aller faire la queue pour pouvoir faire votre plein d’essence durant le choc pétrolier de 1973…

… ou bien quand le taux hypothécaire a atteint 16% en 1981.

De nos jours, la plupart des gens ne peuvent même pas l’imaginer. Financièrement, la plupart seraient incapables d’y survivre.

Pourrions-nous subir un autre « choc énergétique » ? Absolument.

Les Bourses pourraient-elles stagner durant les 31 prochaines années ? Absolument.

Se pourrait-il que vous deviez payer un taux d’intérêt de 16% pour refinancer l’achat de votre logement ? Ouep.

Et la situation pourrait être bien pire…

Dans les années 1970, l’économie américaine et ses principales institutions n’avaient pas encore été corrompues par quatre décennies d’argent sans valeur.  La dette publique américaine est restée inférieure à 1 000 Mds$ jusqu’en 1980. Il n’y avait pas de bulles spéculatives sur les marchés actions. Pas plus qu’il n’y en avait sur le marché obligataire.

Les démocrates et les républicains se parlaient encore. Nous ne menions pas de guerre par procuration avec la Russie. La Chine était encore un pays du « tiers monde ». Nous n’étions pas dans une situation où plus de la moitié de la population américaine dépend des allocations du gouvernement. Et si vous aviez évoqué le risque d’une « nouvelle guerre civile » aux Etats-Unis, les gens vous auraient pris pour un fou.

Aujourd’hui, la situation est radicalement différente… et beaucoup plus dangereuse.

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