La Chronique Agora

Pourquoi Jerome Powell a peur d’un étalon-or

Le président de la Fed a été passé au crible par le Congrès US… mais il n’y a pas à s’inquiéter : le retour à une vraie monnaie n’est pas pour tout de suite.

Le témoignage donné le 10 juillet dernier par le président de la Fed, Jerome Powell, a été examiné à la loupe non seulement en raison de ses implications économiques mais également de ses connotations politiques.

Powell a désigné les « tensions commerciales » comme étant la cause principale des inquiétudes actuelles concernant l’économie mondiale. Il semblait clairement accuser les taxes douanières imposées par le président Trump d’en être responsable.

Mais si la Fed décide finalement de réduire ses taux d’intérêt en raison des taxes douanières, Trump aura alors eu exactement ce qu’il voulait de la part de Powell. Au cours des semaines précédentes, Trump est encore monté d’un cran dans ses attaques contre la banque centrale américaine, qu’il a accusée d’être le problème le plus important auquel doit aujourd’hui faire face l’économie, allant jusqu’à évoquer l’idée de virer Powell.

Il a également indiqué que son administration était favorable à une politique en concordance avec « les manipulations monétaires » auxquelles se livrent la Chine et de l’Europe.

Une indépendance chimérique

Bien que de nombreux présidents avant lui sont déjà intervenus dans le domaine monétaire et ont bataillé avec la Fed au sujet de la politique de taux d’intérêt, aucun ne l’a jamais fait aussi ouvertement et de façon aussi directe que le président actuel. Les défenseurs de la Fed dans les médias et au Congrès US affirment que « l’indépendance » de la banque centrale est aujourd’hui menacée.

L’idée selon laquelle la Fed a été ou pourrait être indépendante du pouvoir politique est une chimère. Quand un petit groupe d’individus – sélectionnés et désignés par des politiciens – se voient octroyer le pouvoir de prendre des décisions qui peuvent influencer aussi profondément les marchés financiers, l’économie et même les résultats des élections, l’intrusion des politiques est inévitable.

Jerome Powell a peut-être un désir sincère de guider les décisions de la banque centrale en matière monétaire sans tenir compte des facteurs politiques. Mais lorsque de telles pressions politiques s’exercent sur la Fed, c’est un combat perdu d’avance.

S’il refuse de réduire les taux d’intérêt, la banque centrale risque de devenir l’ennemi à abattre pour la moitié du pays, avec un président Trump qui la prendra pour cible à l’occasion de chacun de ses rallyes de campagne.

Si Powell fait ce que le président demande, alors les démocrates l’accuseront de plier face à la pression politique de la Maison Blanche.

Les démocrates ont d’ailleurs profité de l’occasion que représentait l’audition de Jerome Powell par le Congrès le 10 juillet pour obtenir de lui une déclaration officielle en opposition à l’étalon-or.

Retour à l’étalon-or ?!

Bien que Trump lui-même n’appelle pas au rétablissement d’un étalon-or, l’une des candidates qu’il a nommées pour devenir membre du Conseil des gouverneurs de la Fed est pour cette idée (ou en tout cas l’a été). Cette candidate, Judy Shelton, a beaucoup écrit et s’est souvent exprimée au sujet de l’étalon-or.

Apparemment, dans le but de discréditer les idées développées par Judy Shelton, la représentante démocrate Jennifer Wexton a poussé le directeur de la Fed à donner son analyse concernant l’étalon-or.

« Mme Wexton : Président Powell, pensez-vous que les Etats-Unis devraient revenir à l’étalon-or pour sa devise ?  

Président Powell : Permettez-moi de vous dire que je ne le pense pas […]. Ceci pourrait être perçu comme une remarque à l’encontre d’une candidate nominée récemment et qui a défendu une telle proposition, et bien sûr, je ne me le permettrai pas. Je vais répondre à votre question, mais je veux être certain que ma réponse ne sera pas interprétée de cette manière. Donc, non, je ne pense pas que cela serait une bonne idée. Cette idée consisterait […] à ce que le Congrès vote une loi qui déclarait que notre mission en ce qui concerne la politique monétaire consiste à gérer la valeur du dollar, à la stabiliser, par rapport au prix de l’or, ce qui implique que nous n’aurions plus à nous assurer d’atteindre les objectifs de plein-emploi ou de la stabilité des prix. A de nombreuses reprises dans un passé relativement récent, le prix de l’or a envoyé des signaux qui auraient été plutôt en contradiction avec la réalisation de ces deux objectifs.

 Mme Wexton : Il est donc préférable que la Fed continue de poursuivre ses missions actuelles.

 Président Powell : Eh bien, c’est la raison pour laquelle l’ensemble des pays à travers le monde ont abandonné l’étalon-or il y a déjà plusieurs décennies.

 Mme Wexton : D’accord. Eh bien cette méfiance ou ce désir de ne pas retourner à l’étalon-or constitue un point commun entre vous et les dirigeants de sept banques systémiques parmi les plus importantes à l’échelle internationale. »

Ce n’est pas très surprenant que les dirigeants de banques « trop grosses pour faire faillite » qui dépendent des privilèges que leur accordent la Fed et les autres banques centrales soient opposés à l’or.

Les banques ont tout à perdre d’un retour à l’étalon-or

Il serait difficile d’organiser un plan de sauvetage du système financier coûtant plusieurs milliers de milliards de dollars si la quantité de monnaie en circulation était limitée par la quantité d’or disponible.

Certains y voient un inconvénient. D’autres y voient au contraire un avantage, étant donné que cela permettrait en premier lieu de décourager les banques de devenir trop grosses pour faire faillite.

Le président Powell affirme qu’une devise adossée à l’or empêcherait la Fed de poursuivre une politique monétaire visant à atteindre le plein-emploi – comme si les travailleurs devaient remercier les planificateurs monétaires centraux d’avoir un emploi – et la stabilité des prix.

Bien sûr, lorsqu’il utilise le terme de « stabilité des prix », Powell fait référence à l’objectif fixé par la Fed d’une inflation des prix de 2% par an. Il veut donc en réalité parler d’une érosion progressive du pouvoir d’achat du dollar américain.

A l’inverse, une monnaie saine est une monnaie issue d’un marché libre et adossée par exemple à l’or, l’argent ou tout autre bien demandé sur le marché. Si le dollar était simplement défini comme un certain nombre de grammes d’argent-métal, par exemple, alors la stratégie monétaire de la banque centrale et les questions politiques qui l’entourent tomberaient dans l’oubli.

Nous ne verrions plus jamais les marchés jouer aux montagnes russes en raison des termes employés par la Fed dans son dernier communiqué.

Nous ne verrions plus les présidents qui se succèdent pousser la banque centrale à adopter des politiques monétaires encore plus laxistes.

Au lieu de compter sur la Fed pour dévaluer le stock de dette existant et ainsi permettre l’accumulation d’encore plus de nouvelles dettes, les membres du Congrès seraient obligés de faire des choix difficiles afin de commencer à rembourser la dette publique et d’adopter une politique budgétaire soutenable sur le long terme.

Le fait que les politiciens, les banquiers centraux et les dirigeants des banques « trop grosses pour faire faillite » s’opposent tous à un étalon-or revient à admettre implicitement qu’une monnaie forte adossée à quelque chose de réel représenterait un moyen efficace de restreindre leurs activités.


Article initialement publié par l’institut de recherche économique Austrian Economics Center.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile