La Chronique Agora

Pourquoi les banques plongent-elles en Bourse ? (2/2)

Société Générale, krach, dividende, investissement

Pour la Société Générale cette semaine, c’est surtout qu’elle a pris des décisions qui pourraient se révéler bonnes pour le long terme, et ne veut pas promettre la lune en attendant…

Comme nous l’avons vu hier, les marchés sont régulièrement irrationnels, et ont très souvent (voire presque toujours) tort. S’ensuivent des bulles et des krachs, mais aussi des opportunités pour les investisseurs qui gardent la tête froide.

L’un des derniers exemples en date concerne la Société Générale.

Les commentateurs en tous genres venir nous signifier que le nouveau patron de cette banque, Slawomir Krupa, aurait raté son rendez-vous, puisque l’action du groupe a enregistré une baisse de 12% en quelques séances. C’est encore une fois faire preuve d’une grande immaturité, malgré les expériences et expertises des uns et des autres.

Il aura suffi d’une annonce de baisse de l’objectif de rentabilité des fonds propres (en anglais return on equity ou ROE) tangibles à horizon 2026 (9 à 10%, inférieur aux objectifs affichés précédemment) pour déclencher une panique baissière !

Vision de long terme

Permettez-moi d’avoir donc la faiblesse de juger mes propos modérés, lorsque je parle d’absurdité ou d’immaturité des marchés. D’autant que cette baisse (si l’on peut dire) de l’objectif de ROE s’inscrit dans un contexte sain, celui du relèvement de la cible de solvabilité, avec un ratio « CET1 » de 13% au lieu de 12%… excusez du peu.

Pour rappel, le ratio CET1, pour core equity Tier 1, est le ratio de solvabilité de base qui mesure la solidité financière d’un établissement bancaire et se définit comme le rapport entre les fonds propres durs et les engagements pondérés en risque. Ainsi cette augmentation de la solvabilité nécessitera une augmentation des fonds propres ou une baisse des engagements pondérés, en risque, ou les deux.

Par construction, puisque les fonds propres sont au dénominateur du ROE, plus ceux-ci seront élevés moins le ROE sera élevé, toutes choses égales d’ailleurs.

Mais peu importe, si j’étais actionnaire de la Société générale, avec une vision long terme, je serais heureux de ces orientations stratégiques, un peu malheureux pour la seule journée du lundi 18 septembre, mais finalement serein pour me renforcer dans les jours qui suivent en attendant que les derniers vendeurs soient arrivés.

D’ailleurs, c’est ce que nous écrivons souvent. Il est salutaire de revoir à la baisse les exigences de retour sur capitaux propres, qui ont conduit à des prises de risque excessives, à la mise en place de stratégies à fort levier et à l’émergence d’innovations financières mal maîtrisées.

Pas de fausses promesses

Autre annonce qui a mis le feu aux poudres et qui s’inscrit dans le prolongement de l’annonce précédente : un taux de distribution des dividendes sans doute plus faible que les concurrents (autour de 40%, contre 50% à 60% ailleurs) afin de mettre en réserve plus de résultats et donc d’accroître ses capitaux propres et d’améliorer sa solvabilité.

Comme le dit fort justement le patron de la SG (et comme on l’enseignerait à un étudiant en première année de finance à l’université) :

« En réalité, la question n’est pas le taux de distribution de dividendes, mais plus largement le retour global à l’actionnaire qui comprend bien entendu le dividende, mais également l’évolution du cours de l’action. Et entre deux opportunités de placement concurrentes, le juge de paix en la matière, c’est surtout le niveau auquel vous investissez et l’évolution du cours de Bourse cinq ans plus tard. »

Oui, tout ceci revient à enfoncer des portes ouvertes, mais le dirigeant de SG a raison de rappeler aux marchés financiers ces évidences. Il aurait pu rajouter que, quelles que soient les anticipations que l’on puisse avoir sur les marchés de taux, l’environnement macroéconomique et les perspectives du secteur bancaire, la décote de valorisation de SG est phénoménale à l’heure actuelle. Le groupe affiche en effet une capitalisation boursière de 19 Mds€, ce qui représente à peine un tiers de l’actif net comptable.

De manière générale, il est bienvenu d’entendre les propos d’un dirigeant affirmant que « l’ambition n’est pas de promettre des choses qu’on ne sera pas en mesure de délivrer, mais plutôt de proposer des changements réalistes et qui servent l’intérêt de l’entreprise ».

Peu importe que cela déplaise aux marchés financiers à court terme. Il n’y a rien de plus dangereux pour un dirigeant dans la sphère économique, mais aussi politique (à mon humble avis, et il ne me semble pas nécessaire d’avoir été dirigeant pour avoir le droit de le penser), de vouloir rassurer à n’importe quel prix les électeurs, clients, salariés, actionnaires ou médias.

Bien entendu, tout le monde rétorquera que cela est normal, car le moteur de la croissance et du progrès serait la confiance (confiance en qui, confiance en quoi ?).

En vérité, le vrai moteur du progrès, c’est la vérité, la lucidité, afin de pouvoir se préparer aux aléas économiques et sociaux.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile