La Chronique Agora

Pour battre la Chine… pourquoi la copier ? (2/2)

Chine

La Chine a lancé un programme de développement majeur à l’échelle planétaire ; l’Occident doit-il faire de même, afin de conserver son rang dans le monde ?

Entre 2013 et 2017, la « nouvelle route de la soie » chinoise, la BRI (pour Belt and Road Initiative) semblait plutôt être un succès avec une croissance rapide en termes de contrats signés et de prêts accordés.

Cependant, comme nous l’avons vu hier, après l’annulation très médiatisée de contrats importants, les demandes de renégociation d’emprunts se sont multipliées et le projet s’est essoufflé.

Les grandes banques chinoises ont commencé à avoir des doutes et ont réduit leurs prêts à l’étranger, le nombre de contrats de construction a donc également diminué (voir le graphique ci-dessous).

Cette évolution s’explique également par la volonté de désendettement des banques chinoises après la forte expansion du crédit qui a suivi la crise financière mondiale. Le vaste programme national de relance de l’économie lancé par la Chine à cette époque a eu pour conséquence d’affaiblir sa compétitivité extérieure et de réduire ses excédents de la balance courante ainsi que ses IDE sortants (investissements directs étrangers).

La crise de la balance des paiements de 2015-2016, qui s’est accompagnée d’une baisse des réserves de devises internationales de plus de 1 000 Mds$ et de l’imposition d’un contrôle des capitaux, a réduit la capacité de la Chine à financer la demande massive de projets d’infrastructure et d’investissements à l’étranger.

Des voix discordantes ont également commencé à apparaître, demandant pourquoi le peuple chinois, lui aussi relativement pauvre, devrait subventionner des projets d’investissements non rentables à l’étranger.

L’Occident devrait-il suivre la même voie que la Chine ?

Avant d’allouer des fonds au programme de relance B3W (Build Back Better World), les Etats-Unis devraient tirer les leçons de leurs propres erreurs passées et de l’expérience du gouvernement chinois avec le programme.

Tout d’abord, tenter de combler un déficit d’infrastructures de plus de 40 000 Mds$ à travers les pays en voie de développement nécessite une quantité massive de ressources. Il ne suffira pas d’imprimer des milliers de milliards de dollars ; il sera nécessaire de transférer à l’étranger une part de l’épargne nationale, qui correspond à la production de biens et services réels, ce qui implique de dégager un excédent de la balance courante.

Afin de réaliser les projets titanesques prévus dans le cadre de la BRI, la Chine a dû dégager d’importants excédents de sa balance courante et a puisé dans ses réserves massives de devises internationales. Les entreprises japonaises ont également une longue expérience en matière de construction d’infrastructures à travers toute l’Asie du Sud-Est, qui ont aussi été financées à l’aide d’importants excédents de la balance courante pendant plusieurs décennies.

A l’inverse, les Etats-Unis et le Royaume-Uni enregistrent des déficits chroniques de leur balance courante, pendant que la Zone euro n’enregistre de légers excédents que depuis quelques années (voir graphique ci-après).

De plus, les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) sont sur le point de lancer d’importantes mesures de relance de la croissance de leurs économies, notamment au travers d’investissements de grande envergure dans la transition écologique et le numérique, ce qui risque de drainer encore davantage de leur épargne réelle intérieure déjà fragile.

Par ailleurs, le programme économique du président Biden comprend des mesures lourdes de conséquences, notamment une hausse des impôts, une revalorisation du salaire minimum et une augmentation des dépenses sociales, qui sont susceptibles d’augmenter la consommation tout en affaiblissant l’activité économique et l’épargne.

Enfin, la part de l’investissement domestique dans le PIB est déjà relativement faible aux Etats-Unis et dans l’UE (voir graphique suivant), ce qui remet en question la légitimité économique d’un transfert supplémentaire de capital vers des pays étrangers sous l’impulsion des Etats.

La deuxième leçon que l’on peut en tirer, c’est que le déploiement de la BRI a ralenti lorsque non seulement les ressources nationales ont commencé à s’épuiser, mais aussi qu’il est devenu évident que de nombreux projets étaient inutiles et ne faisaient qu’entrainer une accumulation de mauvaises dettes.

Les enseignements de l’Histoire

Les Etats-Unis et leurs alliés semblent convaincus que, contrairement à la BRI, leurs projets seront rentables et ne seront entachés par aucun scandale. Ce n’est pas ce que l’Histoire nous enseigne. Jeffrey Tucker montre que la véritable intention du plan Marshall, tant vanté, n’était pas d’aider les pays étrangers, mais d’internationaliser le New Deal et de faire en sorte que le contribuable américain subventionne les grandes entreprises américaines.

Le plan a drainé des capitaux privés en dehors de l’économie américaine et le pays est tombé en récession peu après. Il a également contribué à l’enracinement du syndicalisme, de l’Etat-providence et des réglementations excessives en Europe. D’après Ryan McMaken, l’histoire de la construction des chemins de fer transcontinentaux aux Etats-Unis est également marquée par le capitalisme de connivence et la corruption.

Le bilan des prêts conditionnels au développement accordés par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et d’autres institutions censées soutenir le B3W n’est pas non plus reluisant. Ces institutions sont rarement en mesure de soutenir des projets d’investissements viables et la libéralisation de l’économie : étant donné leur rôle de prêteurs mondiaux en dernier ressort, elles sont obligées de venir à l’aide de gouvernements étrangers qui sont généralement excessivement bureaucratiques et corrompus.

En conclusion, si les Etats-Unis – et l’Occident en général – veulent renforcer leur position économique et géostratégique face à la Chine, ils doivent appliquer les mêmes principes de libre marché qui sont à l’origine de leur prospérité et de leur puissance.

Le lancement d’un second plan Marshall, imitant le projet dispendieux de nouvelle route de la soie mené par la Chine, ne fera qu’alourdir le poids de l’Etat, renforcer le capitalisme de connivence et aggraver la corruption, érodant ainsi le stock de capital et la compétitivité de l’économie américaine.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile