La Chronique Agora

Pour Alan Greenspan, le Marathon de la dette doit aussi s’achever à Athènes

▪ Allez, pour se détendre après une fin de mois un peu sportive, nous vous offrons la dernière saillie de James Bullard, le patron de la Fed de Saint-Louis. Cela fera un bon résumé du semestre qui vient de s’achever… en même temps que le QE2, ce jeudi à 17h00 heure française.

« Notre assouplissement quantitatif a donné de bons résultats, il a agi comme une détente supplémentaire des taux, ce qui soutenu les marchés d’actions ; il n’a pas contribué à faire flamber les matières premières contrairement à ce que tant de gens prétendent ».

Ben Bernanke ne manquerait pas de souligner que si l’AIE a décidé de mettre sur le marché 60 millions de barils de pétrole (une opération qu’elle pourrait renouveler si nécessaire), c’est que l’offre de l’OPEP était insuffisante. Le pétrole était tout simplement devenu rare ; les centaines de milliards de fausse mornifle de la Fed n’y sont vraiment pour rien (où à la marge), quoi qu’en disent les mauvaises langues.

James Bullard délivre par la même occasion l’absolution à Monkey Business Ben concernant la flambée du cuivre, de l’argent et de l’or. Il s’est juste abstenu d’ajouter que la Fed aurait pu continuer ainsi encore plusieurs trimestres sans que l’inflation devienne un souci. En effet, d’après lui, les Etats-Unis ont même échappé à une déflation à la japonaise ces neuf derniers mois.

▪ L’Europe qui connaît un taux d’inflation comparable (+2,7% en juin) devrait donc se féliciter du formidable boulot accompli par la Fed. Sans elle, le pouvoir d’achat réel des ménages aurait pu progresser au lieu de se dégrader à chaque passage à la pompe ou dans les linéaires des supermarchés (flambée des céréales, des pâtes, de la viande…).

Jean-Claude Trichet réitérait jeudi matin son couplet sur la « forte vigilance » rendue nécessaire par l’instabilité des prix. Il n’a manifestement rien compris à l’action bénéfique du QE2 sur l’économie mondiale.

Pire, la BCE s’apprête à resserrer sa politique monétaire une deuxième fois en trois mois. Cela portera à environ 140 points l’écart de rémunération entre l’euro et le dollar (au jour le jour), et à 100 points par rapport aux taux pratiqués au Royaume-Uni.

Il n’a échappé à personne que l’Europe était au bord de la surchauffe inflationniste tellement les salaires flambent et tant les consommateurs semblent saisis d’une boulimie de shopping.

Les chiffres en provenance d’Allemagne ne laissent planer aucun doute à ce sujet : les ventes de détail ont plongé de 2,8% en volume outre-Rhin au mois de mai, selon les données CVS de Destatis. En valeur, les ventes ont même reculé de 3%, malgré la hausse des carburants et de l’alimentation.

Il était grand temps de calmer le jeu, les grandes surfaces commençaient à manquer de Caddie et les ordinateurs des organismes gérant les transactions par cartes de crédit avaient du mal à suivre la cadence.

En ce qui concerne les agences immobilières, la hausse des taux de début juillet va également « assainir » la situation. Le nombre de transactions avait commencé à chuter brutalement dès la mi-avril… mais avec la désolvabilisation d’un nouveau contingent d’acheteurs potentiels, les professionnels du secteur vont pouvoir consacrer l’été 2011 à leur vrai passion, qu’il s’agisse du tennis, du poker en ligne ou du tricot.

N’oublions pas qu’en parallèle, les dépenses de consommation des ménages français ont reculé de 0,8% en mai en volume, après avoir perdu 1,4% en avril (-1,8% en estimation initiale).

Heureusement, il paraîtrait que la consommation (d’antidépresseurs ?) se redresse en Espagne… nous attendons avec impatience les statistiques en provenance de Grèce !

▪ Les marchés doivent en tout cas une fière chandelle au Parlement grec qui a voté ce jeudi le second volet des projets de loi visant à rétablir les finances du pays. La hausse des principaux indices boursiers européens atteint pratiquement 5% en quatre séances. Les opérateurs ont vite oublié que l’Italie et l’Espagne sont également en délicatesse avec les agences de notation…

En imaginant que l’indice Euro-Stoxx 50 (+1,5% jeudi) trouve la ressource pour se hisser jusque vers 2 900 (MM100), gare à une rechute sous les 2 800 points : les Etats-Unis font de la corde raide avec leur dette, sans le filet de sécurité du QE2.

En cette ultime séance du premier semestre, les haussiers ont effectué leur grand retour. La séance de jeudi s’est terminée dans l’allégresse (Wall Street grimpe de 1,2% en moyenne) puisque les indices américains enregistrent leur meilleure performance hebdomadaire en 10 mois.

La totalité de la performance annuelle des actions américaines s’est matérialisée au cours des quatre dernières séances.

Il n’y cependant pas de quoi pavoiser : sur l’ensemble du deuxième trimestre, le S&P s’effrite de -0,3%, le Nasdaq termine très précisément sur un score nul et le Dow Jones grappille +0,5%.

Globalement, c’est un trimestre pour rien… et cela coûte les frais aux investisseurs qui ont misé sur la hausse — ou la baisse — le 1er avril.

Wall Street en est donc exactement au même point que le 31 mars dernier, à cette nuance près que la Fed a cessé d’imprimer 2,5 milliards de dollars par jour — dimanches et jours fériés compris.

▪ En ce qui concerne la croissance, nous cherchons où elle se cache. La totalité de la hausse du PIB américain résulte depuis 18 mois des injections de liquidités et des ristournes fiscales en faveur de pratiquement toutes les catégories de la population. Avec quel argent le gouvernement américain paye-t-il les fonctionnaires ?

La réponse, c’est Alan Greenspan qui la fournissait jeudi soir en direct sur CNBC : il s’agit des achats de bons du Trésor « sécurisés » par les 12 antennes régionales de la banque centrale… grâce à des liquidités directement sorties des presses rotatives de la Fed. Un nouvel empilement de dettes pour rembourser des milliers de milliards de mauvaises dettes collectées auprès des divers établissements de crédit américains.

▪ Sachant cela, quel est le plus grand péril qui pèse sur l’économie américaine ? Le Maestro Alan « Bubble » Greenspan nous délivre la réponse : c’est la Grèce, bien sûr !

Si elle faisait défaut, ce serait l’équivalent d’un Lehman mais à l’échelle des Etats, les dettes souveraine jouant le rôle des subprime.

Le fait que la Grèce affiche un PIB cinq fois moins important que celui de la Californie (tout autant en faillite que notre voisin méditerranéen mais avec 38 millions d’habitants au lieu de 11,2 millions) ne doit pas nous faire sous-estimer sa capacité de nuisance à l’échelle planétaire.

Le Texas est lui aussi en faillite mais il ne représente que 22,5 millions d’habitants (deux fois la population de la Grèce) — c’est donc une menace systémique quasiment anodine. Idem pour l’Etat de New York avec ses 20 millions d’habitants.

Et ne parlons pas de l’Illinois, complètement ruiné, qui ne compte que 12,5 millions d’habitants (sa banqueroute est quantité négligeable) ou le Michigan, qui coule à pic, avec ses  10 millions d’âmes.

Voilà, voilà… oubliez donc la Californie, le Texas, la Floride, New York, le Michigan et l’Illinois puis la Pennsylvanie, les deux Caroline (du Nord et du Sud), l’Ohio et le New Jersey plus une vingtaine d’autres dont nous n’allons pas vous infliger la liste.

Préoccupez-vous en priorité de la Grèce, du Portugal ou de l’Irlande car le danger vient bien de là — et pas des 220 millions d’Américains (autant que la population de la France, de l’Allemagne et de l’Angleterre réunies) qui habitent des Etats déjà en faillite et n’ont pas un sou de côté.

Ah oui, nous allions oublier… les citoyens des trois pays européens que nous venons de citer possèdent de l’épargne, beaucoup d’épargne (et même trop d’épargne selon Alain Minc ou Jacques Attali).

La population américaine n’a que des dettes : plus de 100 000 $ de dettes fédérales sur chaque tête, soit 200 000 $ à rembourser pour chaque actif… auxquels il faut ajouter les encours de crédit. On arrive alors à une moyenne de 500 000 $ par foyer fiscal.

Mais Alan « Bubble Greenspan vous le certifie, c’est de la Grèce que proviennent tous nos maux! Il aurait pu paraphraser le célèbre alexandrin de notre tragédien Racine (dans Iphigénie) : « que périssent les Athéniens auteurs de nos alarmes » !

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