La Chronique Agora

La plus grande bulle financière de l’histoire a-t-elle été percée en 2022 ? (1/2)

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D’un côté, des chiffres colossaux marquent les pertes des marchés financiers en 2022. De l’autre, de grandes parties de ce qui faisait la « bulle de tout » se maintiennent en lévitation…

Jamais une récession imminente n’a été aussi largement attendue. Elle est voulue, comme une nécessité qui s’impose face à un changement terrible dans le régime des prix : ils montent… enfin !

Les discours officiels ne s’en cachent pas, il faut resserrer les politiques monétaires au point d’engendrer un ralentissement économique qui reconstitue l’armée de réserve des chômeurs. Le prix relatif du travail ne doit pas monter, il doit baisser.

Année catastrophe

Les actions américaines ont souffert de la pire année depuis la crise financière de 2008.

Les marchés boursiers et obligataires globaux ont perdu plus de 30 000 Mds$ de dollars en 2022. Par comparaison, le PIB mondial doit être de l’ordre de 100 000 Mds$ et les dettes au sens étroit de 350 000 Mds$.

Le Nasdaq, le marché phare mondial, clôt son premier effondrement de quatre trimestres depuis le crash des dot-com.

Elon Musk est devenu la première personne à perdre 200 Mds$.

D’où notre question du jour : la plus grande bulle financière de l’histoire a-t-elle été percée ?

En réalité, non, elle n’a pas été percée. Elle a simplement laissé passer un peu d’air aux endroits les plus poreux et les plus fragiles. La grande masse du système bullaire mondial a été préservée et tente de se maintenir en lévitation.

La gestion a été habile. Elle a réussi à neutraliser les bulles les plus criantes, les excès les plus aberrants, tout en laissant intacts les segments du système les plus porteurs (« porteurs » au même sens que l’on dirait des « murs porteurs » dans un édifice).

On a évité le krach systémique grâce à la technique du resserrement mais surtout grâce à son caractère cosmétique. Ce fut un resserrement spectacle !

Si les excès sur les marchés ont été résorbés, le crédit privé et le crédit bancaire ont permis d’encaisser et d’amortir le resserrement-spectacle et les chocs au point que les grandes institutions ont été épargnées.

Le grand secret : chut

La croissance rapide du crédit s’est poursuivie. Il a galopé !

D’après le Z.1 de la Fed (la publication des comptes financiers des Etats-Unis), nous savons que l’expansion historique du crédit américain s’est poursuivie sans relâche au cours des trois premiers trimestres de l’année. La dette non financière a augmenté de 5 438 Mds$ désaisonnalisés et annualisés (SAAR) au cours du premier trimestre, de 4 318 Mds$ au deuxième trimestre et de 3 284 Mds$ au cours du troisième trimestre.

La croissance du crédit hypothécaire au premier semestre a été la plus forte depuis 2007. Pendant les trois premiers trimestres, le crédit à la consommation a augmenté au rythme le plus rapide depuis 2001.

Le boom des prêts en cours n’a intéressé personne ! Les prêts bancaires ont augmenté de 1,076 Md$, soit 11,4% en rythme annualisé, au cours des trois premiers trimestres de 2022. Sur quatre trimestres, les prêts bancaires ont bondi d’un montant sans précédent de 1,504 Md$, soit 12,3 %.

On avait tiré les leçons des erreurs de 2006 et 2007. On avait pris soin de bien disséminer les risques, de les refiler au public afin de ne faire aucun mal aux groupes « too big to fail ».

Par ailleurs, on a mieux compris la logique du système qui est né de la Grande Dérégulation des années 1980 : on peut utiliser les marchés boursiers comme espaces de destruction de l’écume spéculative à condition que les institutions structurelles ne s’y trouvent pas piégées.

Cela a bien fonctionné, sauf pour le point faible du système mondial, la Grande-Bretagne.

De la « bulle de tout » à la « bulle de presque tout »

Ceci impose de préparer assez rapidement le pivot, car les matelas et amortisseurs commencent à être entamés. Heureusement, l’inflation vient à la rescousse, elle chute brutalement et, finalement, vient reconstituer la crédibilité des banques centrales. Elle était bien temporaire, n’est-ce pas !

Même en laissant de côté pour l’instant la question de l’inflation résiduelle future, la question de son niveau absolu, et que l’on se contente de se congratuler avec des chiffres séquentiels, en fait, rien n’est résolu !

La question qui reste en suspens dans le processus engagé est celle de l’immobilier : c’est un paquebot lourd. Il prend l’eau, et l’expérience de l’Histoire montre que, souvent, il crée de mauvaises surprises pour les apprentis sorciers. La pesanteur de l’immobilier n’est pas comparable à la légèreté frivole des bulles financières.

La triste réalité est que des centaines de millions de gens sans méfiance ont perdu une partie de leur sécurité financière et qu’ils sont menacés d’en perdre encore beaucoup plus avec la chute des prix immobiliers si le pivot des taux ne vient pas rapidement.

Les classes moyennes n’avaient nullement imaginé qu’elles étaient sur le point d’être frappées par le triple coup dur de l’effondrement des Bourses, du renchérissement du crédit et de l’inflation galopante des prix à la consommation.

Pour les classes moyennes, toutes ces dernières années n’ont été qu’une grande illusion. Une illusion qui sera complétée par les hausses d’impôts et la dégradation des versements et des conditions des retraites.

A suivre…

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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