La Chronique Agora

Plus de créations d'emploi sans un bon mode d'emploi

** La semaine qui s’achève a été caractérisée par la faiblesse des volumes échangés (2,6 milliards d’euros vendredi et moins de 2,8 milliards d’euros en moyenne sur les six premières séances de l’année) et par une consolidation somme toute modeste du marché parisien (-1,5%). Le bilan depuis le 1er janvier demeure donc positif de 2,5% : un contraste saisissant avec le début de l’année 2008 puisque le CAC 40 chutait déjà 3,5% au bout de six jours de cotations.

La liste des valeurs préférées des investisseurs nous donne probablement une bonne indication sur le top 10 des titres présentant le meilleur potentiel de hausse à court terme à Paris si la tendance demeurait positive tout au long du premier trimestre 2009.

Le CAC 40 a été soutenu du 5 au 9 janvier par la progression de Peugeot (+10,7%) puis de Lafarge (+9,6%), du tandem Bouygues et EADS (+8,1%) ainsi que de Vallourec (+7,1%). La vague de rachats à bon compte englobe les constructeurs automobiles, les valeurs du secteur énergie (avec EDF à +4,3% et Vallourec déjà cité) mais aussi des titres comme BNP Paribas (+4,4% après +8,5% le 2 janvier) ou ArcelorMittal (+6,9% après +10% le 2 janvier).

Les grands perdants cette année demeurent GDF Suez (-6%), LVMH (-3,7%) et AXA qui a perdu 2,6% suite à une chute de 9,4% la semaine passée et de 2,5% ce vendredi. PPR, quant à lui, chutait de 8,6% depuis le 5 janvier.

** Une page du calendrier a été tournée le 31 décembre mais la toile de fond économique demeure identique, voire encore plus sombre, avec l’accroissement des pressions déflationnistes et une succession de plans de licenciements.

Les indices boursiers ont encaissé une cascade de chiffres souvent qualifiés de catastrophiques avec un aplomb qui détonne par rapport au troisième trimestre 2008.

Il fut une époque pas si lointaine où l’annonce de la perte de plus 1,5 million d’emplois en un seul trimestre (le dernier de l’année 2008, soit plus que pour l’ensemble l’année 2007 ou des neuf premiers mois de l’année 2008) aurait provoqué une mini tornade baissière sur les marchés.

Mais après 40% de repli en moyenne l’année dernière, les actions semblent avoir épuisé leur "potentiel de vulnérabilité" ; si la Bourse de Paris a cédé jusqu’à 1,75%, les pertes de la fin de l’après-midi se trouvaient réduites des deux tiers à quelques secondes de la clôture.

Le CAC 40 est en effet revenu tester la même zone de support que jeudi (3 271 points vendredi contre 3 269 points jeudi) mais termine au contact du seuil des 3 300 points à 3 299,5 points, soit -0,75%.

La semaine s’achève donc sur une consolidation globale de 1,5% tandis que l’Euro Stoxx 50 (-1,2% ce vendredi) recule au total de près de 2%.

L’influence négative de Wall Street — le Dow perdait d’entrée de jeu 1,1% et le Nasdaq 2% — s’est donc trouvée atténuée, probablement grâce à la progression du dollar (+1,4%) face à l’euro (à 1,35000).

Une place européenne apparaissait cependant très en retrait du peloton. Il s’agit de Francfort qui décroche de 2% dans le sillage des valeurs bancaires ainsi que de Siemens, RWE (-4%) et Volkswagen (-5%).

** Les investisseurs attendaient en début d’après-midi la publication du rapport sur l’emploi américain. Economistes et analystes prévoyaient 525 000 pertes d’emplois le mois dernier, avec un taux de chômage de l’ordre de 7%.

L’économie américaine a de nouveau supprimé 524 000 emplois en décembre, ce qui porte à 2,6 millions le nombre de postes supprimés aux Etats-Unis sur l’ensemble de l’année, un record depuis 1945. Le taux de chômage est donc remonté à 7,2% (l’économie américaine a détruit des emplois sur chacun des 12 mois de l’année 2008).

Une centaine de milliers d’emplois supplémentaires ont été perdus au mois d’octobre (soit 423 000 après recalcul), et la barre des 500 000 avait effectivement été allègrement franchie au mois de novembre — le total initial est augmenté de 51 000 à 584 000.

Toujours aux Etats-Unis, les stocks des grossistes ont diminué de 0,6% pour atteindre 435 milliards de dollars aux Etats-Unis au mois novembre, a annoncé vendredi le département du Commerce. Sur un an, ils ont progressé de 6,3%.

** En attendant, les nouvelles économiques de ce côté-ci de l’Atlantique ne sont guère réjouissantes. En France, la production industrielle a chuté de 2,4% au mois de novembre par rapport à octobre. Hors énergie et IAA, la baisse est de 3,1%, après un repli de 4,4% entre septembre et octobre.

De même, le niveau de la production industrielle britannique a reculé de 2,7% en rythme séquentiel lors du trimestre clos fin novembre. La production sur les trois mois a diminué de 3,3% dans le secteur manufacturier.

La production industrielle en Allemagne a plongé de 3,1% au mois de novembre. Ce nouveau repli intervient après une contraction de 1,8% de la production industrielle en octobre, chiffre révisé d’une première estimation de -2,1%.

** La semaine sera placée sous le signe des premières publications de résultats trimestriels ; les analystes s’attendent à une série de profit warning concernant le premier semestre, voire l’ensemble de l’année 2009.

Des scénarios particulièrement négatifs sont déjà "dans les cours" et certains investisseurs pourraient être tentés de miser sur l’efficacité, au moins partielle, des plans de relance… et en particulier celui de Barack Obama, que ce dernier a détaillé jeudi. Il mobilisera entre 800 milliards de dollars et 1 000 milliards de dollars, un record absolu en la matière dans l’histoire du capitalisme qui le place loin devant le new deal keynésien des années 1933 à 1939.

Il ne faudrait justement pas oublier que l’économie n’est pas une machine qui obéit à des stimulations électriques comme des ions dans un tube cathodique ou, pour faire plus moderne, ne réagit pas comme un plasma entre deux plaques de verre présentant d’infimes différence de charges, lesquels restituent l’image originale à la moindre sollicitation du pouce sur la télécommande.

Il ne suffit pas d’injecter des centaines de milliards dans l’économie, il faut aussi le faire en ayant un projet mobilisateur. Il faut promouvoir, pour une période suffisamment longue (disons une génération), l’instauration d’un nouveau modèle social moins inégalitaire dans la répartition des richesses, plus respectueux de l’environnement, le seul capable — dans l’esprit du nouveau président américain — de restaurer la confiance en l’avenir et susceptible de fédérer les énergies.

Mais cela ne marchera pas si les banques occidentales, inondées de liquidités par la Fed, le Trésor américain, la BCE, la Banque d’Angleterre, de Bruxelles et de Bercy (liste non exhaustive), s’acharnent à torpiller les efforts des gouvernements en n’accordant pas les crédits aux emprunteurs solvables parce que leur priorité demeure la restauration de leur bilan et l’éradication de toute activité présentant un soupçon de risque.

Après des sanctions boursières de 70% à 95%, cela a-t-il encore un sens de chercher à sauver les apparences aux yeux de quelques (très gros) actionnaires tout en plongeant l’ensemble de la population dans un climat de récession, créant ainsi un schéma de credit crunch déflationniste et auto-réalisateur ?

Pendant que les sherpas de l’économie mondiale tentent de restaurer l’emploi, il ne faudrait pas que la sphère financière — qui leur avait échappé depuis une décennie — détruise… le mode d’emploi.

Philippe Béchade,
Paris

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