Par Sylvain Mathon (*)
D’exceptionnelles propriétés catalytiques
Les métaux dont nous parlons, je l’ai dit, possèdent d’exceptionnelles propriétés catalytiques — entendez qu’ils favorisent les réactions chimiques. Platine, palladium et rhodium sont une composante indispensable des équipements dépolluants inventés par General Motors dans les années 70.
Le principe du pot catalytique est assez simple : on fait passer les gaz d’échappement dans une structure en nid d’abeille tapissée de ces métaux, afin de provoquer l’oxydation ou la réduction des éléments les plus toxiques (monoxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés, oxydes d’azote) et d’accroître la performance de la combustion. Certes, ça ne diminue en rien les émissions de CO2… Mais ça permet, à l’embouchure du conduit d’échappement, d’obtenir un air nettement plus respirable !
Le cours du palladium est étroitement corrélé à celui du platine : il peut se substituer à lui dans un certain nombre d’applications industrielles — et comme on les trouve en général ensemble dans la nature, quand l’un se raréfie, l’autre suit le mouvement.
Le marché automobile en Asie explose
Rappelons l’évolution de l’industrie automobile mondiale : pour 2006, le marché automobile chinois s’inscrit en hausse de… 34%, avec 4,2 millions de ventes.
On n’arrêtera pas comme cela l’appétit des nouvelles classes d’accédants au rêve automobile… En même temps, les émergents vont devoir se préoccuper très vite de ces considérations environnementales qui sont, pour l’instant, le cadet de leurs soucis.
Bref, le pot catalytique a de l’avenir dans les émergents. C’est une bonne nouvelle pour le platine, et plus encore, sans doute, pour son cousin moins connu, mais tout aussi indispensable : le palladium. Car face à la rareté du platine, les nouvelles générations de pots catalytiques utilisent de plus en plus le palladium. Les cours de ces deux métaux ne sont pas près de redescendre…
A condition, bien entendu, qu’il n’y ait pas de détente de l’offre mondiale face à cette demande irrésistible. C’est ce dont les opérateurs ne sont pas tout à fait sûrs… et c’est ce qui alimente les spéculations sur ce marché.
Laissez-moi vous initier aux fondamentaux de l’offre PGM et vous parler d’un des secrets d’état les mieux gardés de toute la Russie…
Des millions de tonnes ont été secrètement cachées par la Russie !
Où trouve-t-on des PGM ? Oubliez les rivières équatoriennes qui ont livré depuis longtemps leurs trésors. Aujourd’hui l’essentiel des réserves se concentre dans une poignée de pays. En tête de liste, et de très loin : l’Afrique du Sud, avec 75% des ressources mondiales et la Russie, pour 15%. Les gisements russes sont situés dans l’Oural et surtout en Sibérie du Nord, autour des fabuleuses mines de nickel de Norilsk, découvertes dans les années 1960.
Une telle concentration appâte évidemment les spéculateurs. Au moindre problème local — par exemple, ces délestages à répétition de la compagnie d’électricité Eskom, qui mettent en ce moment les mines sud-africaines en chômage technique –, les cours s’envolent…
L’inconnue ? La taille des réserves russes
Il reste cependant une inconnue — et de taille. C’est le niveau actuel des réserves russes. Même si l’Afrique du Sud détient les gisements les plus prometteurs, c’est en Sibérie que, historiquement, l’exploitation a été la plus intensive. Aux heures glorieuses de son aventure industrielle, l’URSS a extrait et accumulé des milliers de tonnes de platine et de palladium — et poursuivi cette activité tout au long des années 1970.
Après la chute du Mur, alors que le marché des pots catalytiques était en plein essor, la fédération, en quête de capitaux, a renversé la vapeur. Tout comme il bradait son uranium militaire, le pays s’est mis à écouler sur les marchés mondiaux une partie croissante de ses réserves. Dans le même temps, la Russie maintenait la production courante à travers sa société d’état Norilsk Nickel, leader mondial, qui a le monopole national de ces ressources. Cet afflux d’offre a provoqué une baisse marquée sur les cours du platine et du palladium.
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora
(*) Globe-trotter invétéré et analyste averti, Sylvain Mathon, est un peu "notre" Jim Rogers… Après avoir travaillé durant dix ans au service de grandes salles de marché, il met depuis février 2007 toute son expertise en matière de finances et de matières premières au service des investisseurs individuels dans le cadre de Matières à Profits, une lettre consacrée exclusivement aux ressources naturelles… et à tous les moyens d’en profiter. Il intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières.