L’économie de Trump est assise sur les pentes d’un volcan de dettes qui gronde. Et sur les pentes de ce Vésuve se dresse toute la structure du capital américain, surévaluée, surexploitée et en attente d’une correction.
La semaine dernière, nous avons examiné les probabilités de voir un véritable retournement de situation aux Etats-Unis. Nombreux sont ceux qui l’attendent. Beaucoup l’espèrent. Et nombreux sont ceux qui pensent que Donald Trump est l’homme de la situation.
Dans le meilleur des cas, nous pourrions assister à un boom solide, comme celui déclenché par Ronald Reagan en 1980, qui a duré 40 ans. Mais s’il y a un « meilleur scénario », il y a aussi un « pire scénario » ; aujourd’hui, nous allons tenter d’en déterminer les contours.
Quoi que l’on puisse dire de lui, M. Trump est une sorte de Moïse peu plausible. Il a peut-être l’ambition de séparer les eaux de la mer Rouge, mais le fait est qu’il ne sait pas où se trouve la mer Rouge. Un vrai réformateur, comme Javier Milei en Argentine par exemple, sait où il va. « Pas un centime de déficit », a déclaré Milei. Et il est sincère : il est allé jusqu’à brandir une tronçonneuse pour appuyer son point de vue.
Les propositions politiques de Trump sont un mélange incohérent de fantasmes, de sophismes et de fraudes (tarifs douaniers, réductions d’impôts, guerre, déportations). Et son équipe, ou du moins ce que nous en avons aperçu jusqu’à présent, ressemble à une bande indisciplinée de bons, de brutes et de véritables truands.
Jusqu’à quel point cette équipe hétéroclite se rapprochera-t-elle de l’objectif du Make America Great Again ? Nous n’en savons rien. Tout est possible.
Mais notre principal problème n’est pas le MAGA. Nous serions heureux de voir un gouvernement plus petit, un déficit réduit et une politique étrangère moins conflictuelle (et moins coûteuse). Si Moïse a libéré les Israélites du joug égyptien, cela n’a pas été une promenade de santé. Il a fallu dix plaies pour que Pharaon les abandonne… et encore quarante ans d’errance dans le désert avant d’atteindre la terre promise (où ils ont massacré les autochtones pour se l’approprier…).
Ce que nous voulons dire, c’est que même avec Moïse en tête de file, il y a eu de grandes pertes en cours de route.
L’un des titres les plus spectaculaires du week-end a été celui de USA Today : « Trump hérite de l’économie la plus forte depuis 50 ans ».
Ça alors ! Trump n’est pas du tout l’héritier d’une économie forte. Il va débuter son mandat avec une population active qui peine à suivre l’inflation, et des actifs dont le prix est le plus élevé de l’Histoire. Et contrairement à Reagan, qui est entré en fonction avec une économie construite sur un terrain solide de faible endettement et de faibles prix des actifs, l’économie de Trump est assise sur les pentes d’un volcan grondant de la dette (36 000 milliards de dollars de dette publique… 8 000 milliards de dollars de sa propre initiative). Et sur les pentes de ce Vésuve se dresse l’ensemble de la structure du capital américain – surévalué, trop étendu et en passe d’être corrigé.
Donald Trump n’a pas supprimé une seule agence gouvernementale… En fait, il en a ajouté une. Il s’agit du Department of Government Efficiency (DOGE), ou le département de l’efficacité gouvernementale, qui utilise le même nom loufoque que la cryptomonnaie. M. Ramaswamy, co-chef du DOGE aux côtés d’Elon Musk, suggère que l’un de ses premiers objectifs sera « d’éliminer le département de l’Education ».
Excellente idée. Mais cela montre à quel point le système américain est devenu dysfonctionnel. Le ministère de l’Education a été créé par le Congrès, censé refléter la volonté du « peuple ». Il aurait été supprimé il y a des années si les autorités fédérales s’intéressaient un tant soit peu à l’efficacité.
La crypto DOGE n’a pas non plus de valeur ou d’utilité évidente. Mais elle s’échangeait à 10 cents en septembre, et la semaine dernière, elle a dépassé les 40 cents – soit une hausse de 300% en moins de deux mois. Et voici un autre titre du week-end, de CoinDesk :
« Le DOGE grimpe de plus de 100% au cours de la semaine écoulée, les traders fixent un objectif de prix de 1 $. »
Mais le DOGE n’est pas le seul à faire la fête.
Quelle que soit la mesure choisie, les actions américaines sont proches de sommets historiques. Ce mois-ci, le Dow Jones a franchi la barre des 44 000 points. Le S&P 500 a franchi la ligne des 6 000 points. Sur la base de son ratio cours/bénéfice, le S&P n’a jamais été aussi cher. Par rapport aux obligations (ce que l’on appelle la prime de risque des actions), les actions sont également plus chères que jamais.
Au cours des douze derniers mois, le nombre d’ETF facilitant l’achat et la vente d’actions a approximativement doublé.
Warren Buffett, qui est probablement le plus grand investisseur en actions de tous les temps, se retire. Il vend de grandes entreprises – Apple et Bank of America, par exemple – et se procure des liquidités. Il dispose à présent de 325 milliards de dollars.
Tôt ou tard, les coulées de lave du crédit vont rencontrer la froide réalité de la hausse des taux d’intérêt. Lorsque cela se produira, les actions, les obligations et l’immobilier seront probablement enterrés, comme à Pompéi.
Certains investisseurs encaisseront une grande perte. Ce n’est pas grave. Les marchés corrigent tout le temps. Mais nous ne faisons pas de prédictions. Nous nous contentons d’envisager le pire des scénarios. Et ce pourrait être bien pire qu’une simple liquidation du marché.