La Chronique Agora

Peut-on, ou doit-on, faire confiance aux banques centrales ? (1/3)

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Les banques centrales sont-elles en mesure d’anticiper correctement l’inflation et d’ajuster leur politique monétaire en conséquence, malgré leurs erreurs de prévisions historiques ? 

Lorsque l’on évoque les politiques monétaires des banques centrales, les questions portent sur le fait de savoir comment les taux vont varier, et de combien ceux-ci vont-ils bouger dans un sens ou dans l’autre. En d’autres termes, la question majeure qui se pose est la suivante : va-t-on rentrer dans un cycle de durcissement du crédit (question d’hier) ou dans un cycle d’assouplissement du crédit (question d’aujourd’hui) ? 

Mais, la question principale doit plutôt être celle de savoir si l’on peut, ou si l’on doit faire confiance aux banques centrales (comme on peut se poser parfois la question au sujet des hommes politiques). La question n’est pas de délégitimer telle ou telle autorité, mais plutôt d’évaluer leur crédibilité.  

Une banque centrale est crédible si, quels que soient les chocs inflationnistes à court terme, elle parvient à être efficace dans ses prévisions.  

En anticipant correctement l’inflation (ce que l’on appelle l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire celle sur laquelle elle peut agir), elle prend alors les bonnes décisions :

Dès lors, on ne verrait pas apparaître les perturbations provoquées par une instabilité des anticipations d’inflation à moyen terme :

Nous verrons que l’histoire de la BCE (qui peut être divisée en 3 grandes périodes depuis 1999) est au contraire jalonnée d’erreurs de prévision quant à l’inflation future, et donc d’erreurs de politique monétaire. 

Première période : 1999-2011, des débuts de la BCE à la crise financière

Durant cette période, nous allons pouvoir juger de la crédibilité de la politique monétaire de la BCE. En effet, nous sommes (et surtout de 1999 à 2007) dans un monde de fonctionnement normal des marchés financiers (marchés monétaire et obligataire), et la politique monétaire fonctionne normalement via les MRO (main refinancing operations / opérations principales de refinancement) : les banques apportent en garantie du collatéral éligible (titres obligataires « correctement » notés, créances privées, etc.) et reçoivent sur un horizon court terme (1 semaine à 3 mois) de la liquidité au taux directeur de la banque centrale. 

Mais la BCE a dû à plusieurs reprises depuis 2007 se substituer au marché interbancaire en panne (crise de confiance entre banques), avec une politique de refinancement des banques visant à sécuriser leur liquidité. Ainsi, nous avons vu éclore les LTRO (long term refinancing operations) de maturité 6 mois, 1 an parallèlement aux classiques MRO de maturité inférieure à 3 mois. Il fallait alors prêter de plus en plus aux banques et de plus en plus souvent (les seuls MRO ne suffisant plus), mais aussi il fallait que ces prêts se fassent sur des durées de plus en plus « anormalement » longues. 

A l’époque, nous n’étions pas encore rentrés dans la période non conventionnelle avec les VLTRO pour les banques (very long term refinancing operations en 2011-2012), les TLTRO pour les banques (targeted long term refinancing operations à partir de 2014, et dont les dernières grosses échéances sont positionnées 2023-2024), sans parler des programmes de rachats d’actifs (quantitative easing à partir de début 2015). 

La fin de cette période va en tout cas être marquée par deux erreurs de diagnostic sur l’inflation et donc deux décisions complétement inappropriés de politique monétaire, réduisant à néant la fameuse crédibilité de la banque centrale européenne. 

Eté 2008 : erreur à la fois sur la croissance et l’inflation (erreurs de prévision ou/et de diagnostic sur la croissance et de prévision sur l’inflation)

Il y a tout d’abord une très mauvaise lecture du cycle économique mondial, puisque la BCE va monter absurdement ses taux directeurs en juillet 2008, alors que la Reserve Federale US les baisse depuis l’été 2007. 

Cette divergence s’appuie sur une appréciation erronée de l’inflation par la BCE. La remontée des taux directeurs est étrangement justifiée par une recrudescence de l’inflation liée aux prix des matières premières, alors que chacun sait qu’une banque centrale n’a jamais eu et n’aura jamais aucune action efficace en remontant les taux directeurs pour combattre cette inflation d’origine externe (sauf à imaginer des effets de second tour persistants et dégénérant en inflation salariale, ce qui est peu probable dans le contexte des marchés du travail de l’époque caractérisés par des taux de chômage élevés). 

Quoi qu’il en soit, la BCE fera machine arrière 3 mois plus tard en octobre 2008 dans le cadre d’une action concertée de baisse des taux par les banques centrales. Il s’agit alors de lutter contre les risques de réelle crise systémique bancaire et de dysfonctionnement des marchés interbancaires dans le prolongement de la faillite de Lehman Brothers. 

Printemps été 2011 : la BCE va se tromper avec une nouvelle erreur de diagnostic sur l’inflation dont la source est là encore provoquée par les matières premières 

Les effets de second tour seront évoqués par le président de l’époque Jean-Claude Trichet (l’orgueil de fin de mandat puisque celui-ci est prévu en novembre 2011). C’est bien mal diagnostiqué. En effet, le prélèvement sur le pouvoir d’achat de la hausse des prix de l’énergie fait dans le contexte de l’époque bien plus courir des risques de récession que des risques d’inflation par la demande. 

Nous verrons la suite de l’histoire dans le prochain article…

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