La Chronique Agora

Du peuple souverain au peuple administré

De la révolution à l’absurde administratif, retour sur la lente métamorphose d’un idéal en mirage.

L’idée derrière la création des Etats-Unis fut un véritable novus ordo seclorum pour le Nouveau Monde. Un programme entièrement novateur… une idée si révolutionnaire que peu de gens la comprenaient, et encore moins étaient prêts à lui donner sa chance.

En réalité, pourtant, le principe était d’une grande simplicité : soit les gens se gouvernent eux-mêmes, soit quelqu’un d’autre les gouverne. Se gouverner soi-même signifiait contrôler son propre argent – de l’argent réel, c’est-à-dire une monnaie qui indiquait réellement la valeur des choses et que chacun pouvait utiliser pour rechercher le bonheur à sa manière.

Mais des générations de dirigeants, de Tippecanoe à la Seconde Guerre mondiale et au-delà, avaient une tout autre vision. Les Pères fondateurs avaient pourtant mis en garde contre cette dérive. Et aujourd’hui, après plus de cent ans d’escroqueries et de cupidité bipartites, les autorités fédérales – et leur président – font pratiquement ce qu’ils veulent. A cet égard, Donald Trump est le summum du sumo : il exerce plus de poids que n’importe quel autre président dans l’histoire des Etats-Unis.

C’est lui qui distribue les chèques « stimmie » ou « dividendes », ou encore les nouveaux « comptes Trump », qui, selon le secrétaire au Trésor Scott Bessent, « rendront les jeunes riches ». Il fait pression sur la Fed pour qu’elle baisse les taux d’intérêt. De sa propre initiative, il bouleverse l’ensemble du système commercial mondial afin de déterminer comment vous dépensez votre argent… pour quoi… et à quel prix.

Sans aucune urgence pour le justifier, il a déployé des soldats armés dans les rues et envoyé des hommes masqués arrêter des gens et les emmener.

Et il ne s’arrête pas aux frontières américaines. Il prétend dicter sa conduite au monde entier. Il menace l’Inde de droits de douane pour avoir acheté du pétrole russe. Il menace le Brésil de sanctions – et même son procureur – pour avoir poursuivi son ami Bolsonaro. Il menace le Canada de droits de douane pour avoir cité Ronald Reagan. Et il bombarde sans pitié des gens qu’il ne connaît pas, dans des pays où il n’est jamais allé, pour des raisons qu’il ne prend même pas le temps de comprendre. Altitude Post rapporte :

« Les Etats-Unis doublent leurs frappes aériennes en Somalie en 2025 et enregistrent leur 100e frappe de l’année »

Nulle part dans la Constitution américaine un tel pouvoir exécutif n’est envisagé. Le président est censé « appliquer fidèlement » les lois du pays, non les inventer au fil de l’eau.

Quant au pauvre citoyen opprimé, on ne peut plus prétendre qu’il se gouverne lui-même. Des milliers de fonctionnaires, petits et grands, lui dictent sa conduite. En ce sens, M. Trump nous a rendu service : plus personne ne devrait se faire d’illusions. L’Amérique n’est pas si différente des autres nations. Parfois, c’est une « ville brillante sur une colline ». Parfois, c’est un trou à rats.

Un petit exemple.

Nous avons acheté un terrain près de notre ferme. La vieille maison qui s’y trouve est en ruine depuis trente-cinq ans. Peu après l’achat, le gouvernement nous a informés que cette maison abandonnée constituait un « danger » et que nous devions la démolir sous vingt jours.

« D’accord, nous allons la démolir », avons-nous répondu.

« Mais attendez, a dit la gentille personne représentant le gouvernement local. Il vous faudra un permis. Et j’ai bien peur que nous manquions un peu de personnel… et avec les vacances, cela risque de prendre du temps. Nous devrons aussi envoyer des inspecteurs pour vérifier la présence d’amiante et déterminer si vous devez installer une barrière anti-érosion. »

« Combien de temps cela prendra-t-il ? »

« Trois à six mois. »

« Je croyais que c’était un danger pour la sécurité. »

« Ça l’est, mais nous devons nous assurer que vous le démontez en toute sécurité. »

« Ah… »

Oui, cher lecteur… l’époque où nous nous gouvernions nous-mêmes est révolue depuis longtemps. Aujourd’hui, nous sommes malmenés par une joyeuse bande d’escrocs, de clowns et d’incompétents.

Et toute cette expérience – un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple – n’a tenu que grâce à un coup de chance inespéré. Les Français et les Britanniques se battaient aux quatre coins du monde. Le marquis de Lafayette harcelait les troupes britanniques à Yorktown, en Virginie. Puis le comte de Grasse fit venir la flotte française depuis les Antilles et encercla Cornwallis, le coupant de ses approvisionnements. Une colonne française menée par le vicomte de Deux-Ponts se rua sur les positions britanniques. Le bombardement du siège, assuré par des canons et des artilleurs français, s’ensuivit. Cornwallis comprit rapidement la gravité de sa situation et demanda la paix.

L’accord qui en résulta ne fut ni un traité de New York, ni une paix de Poughkeepsie. Ce fut le traité de Paris – conclu entre Français et Britanniques, et non entre Américains.

A peine un tiers des colons soutenait la Révolution. Un autre tiers s’y opposait activement. Les plus intelligents, peut-être, restèrent à l’écart. Ils devaient pressentir dès le départ que c’était une cause perdue.

Aujourd’hui, nous voyons à quel point l’idée fondatrice était naïve. Il existe peu de différences observables entre la vie et les libertés des Américains et celles des Français, des Allemands ou des Britanniques. Tous font la queue pour toucher des aides gouvernementales, recyclent leurs déchets, paient leurs impôts et avancent tant bien que mal, avec l’Etat fédéral solidement accroché à leur dos.

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