La Chronique Agora

Les petits pas de la Fed

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Les investisseurs se font pincer, les spéculateurs continuent de viser la lune et tout est calme en mer d’Irlande…

L’actualité qui a le plus marqué la semaine dernière, relatée par CNBC :

 « La Fed augmente les taux d’un quart de point et prévoit des augmentations ‘continues’.

Conformément aux attentes du marché, le FOMC, qui fixe les taux, a augmenté le taux des fed funds de 0,25 point de pourcentage. Cela le porte à une fourchette cible de 4,5% à 4,75%, son niveau le plus élevé depuis octobre 2007.

Il s’agit de la huitième hausse d’une série d’augmentation ayant débuté en mars 2022. En soi, ce taux détermine ce que les banques se facturent entre elles pour les emprunts au jour le jour, mais il se répercute également sur de nombreux produits de crédits à la consommation.

La Fed vise à faire baisser l’inflation qui, malgré des signes récents de ralentissement, est toujours proche de son niveau le plus élevé depuis le début des années 1980. »

De petits pas de bébé

Nous sommes arrivés au terminal d’Irish Ferries à Cherbourg en fin de journée.

Nous craignions que la mer soit trop agitée ; 17 heures, c’est long, lorsque l’on a le mal de mer. Il s’est avéré que l’Atlantique, au-delà de Land’s End en Cornouailles, était un peu agité, mais la mer d’Irlande relativement calme. Nous avons pu travailler sans être malade.

L’Irlande est peut-être le seul pays dont les héros sont des écrivains et des poètes – Joyce et Yeats – et non des brutes et des tueurs. Notre ferry s’appelle donc le W.B. Yeats. On y trouve des citations du grand poète sur les murs… et des éléments dont les noms sont tirés de ses poèmes. Il y a le bar « Wild Swans »… et le restaurant « Lady Gregory ».

Mais il n’y a presque personne sur le bateau, à part nous. Le restaurant est fermé. Quelques camionneurs traînent au bar. Ce n’est pas la saison pour voyager entre l’Irlande et le continent. En hiver, la mer peut changer d’humeur brusquement.

Mais ce n’est pas notre sujet du jour. Commençons par constater que les « investisseurs » se sont remis bien vite d’une chute de 500 points du Dow, après l’annonce par la Fed de sa hausse des taux. Mais pourquoi ? Comment des taux d’intérêt plus élevés pourraient-ils augmenter la valeur des actions ? Pourquoi la promesse de la Fed de continuer à augmenter les taux aurait-elle un impact positif sur les bénéfices des entreprises ? Pourquoi les « investisseurs » achètent-ils des actions, plutôt que de les vendre ?

Oh, cher lecteur… vous posez bien trop de questions !

Mais merci, nous souhaitions avoir l’occasion d’y répondre. Le seul véritable investissement est celui où vous participez à la création de revenus réels. Une entreprise doit produire des biens ou des services et les vendre en réalisant un bénéfice. L’investisseur reçoit une partie de ce gain.

Coupé en trois

Tout le reste n’est que spéculation… jeu… vol. Parfois, les gens spéculent sur une action. Les exemples les plus extrêmes sont probablement ceux qui ont acheté des actions « memes », c’est-à-dire de sociétés qui ne pouvaient jamais valoir autant que leur capitalisation boursière, dans l’espoir que d’autres spéculateurs les achètent aussi. Parfois, ils ont gagné de l’argent, mais, le plus souvent, ils l’ont perdu.

Un autre exemple extrême a été l’envolée du marché des cryptomonnaies. Les cryptos – hors de certaines affaires louches qui promettaient des versements d’« intérêts » – n’ont jamais été destinées à gagner de l’argent. Elles ne produisent rien. Certaines ont bien fourni un service (par exemple en aidant les gens à effectuer des transactions financières)… mais les gains sont minuscules. Pour l’essentiel, les cryptos sont de pures spéculations. Sur un total de près de 3 000 Mds$ de capitalisation boursière au sommet, il n’en reste qu’un tiers (environ 1 000 Mds$).

Alors que les spéculateurs jouent sur des actions individuelles, il arrive que l’ensemble du marché devienne « spéculatif ». C’est ce qui est arrivé à Wall Street au XXIe siècle. Dans les années 1980 et 1990, les analystes ont remarqué que les actions semblaient monter de façon constante. Ils ont commencé à proclamer la vertu des « actions à long terme ». L’idée était que « le marché » monte toujours… et qu’il suffit donc à l’investisseur de placer son argent dans un ETF pour gagner de l’argent.

Bien sûr, nous avons vu que cela n’était pas vrai. En termes d’argent réel – l’or – les actions ne valent pas plus aujourd’hui qu’il y a 98 ans. Pourtant, la spéculation sur les actions peut être payante… tant que les actions sont en hausse. Selon nous, les actions ont augmenté principalement pour les bonnes raisons – une économie en expansion – de 1982 au milieu des années 90. Puis il y a eu l’explosion spéculative des dot-com, suivie d’une nouvelle flambée des cours. Mais après 1999, les actions ont augmenté pour de mauvaises raisons : la Fed manipulait le marché.

Changement radical à venir

De nombreux investisseurs ont vite oublié ce que voulait dire « investir ». La Fed faisait baisser les taux d’intérêt et poussait les actions à la hausse. C’est tout ce qu’ils avaient à savoir. Les bénéfices réels des entreprises ont augmenté… mais juste autant que l’augmentation de la production réelle. Les actions, par contre, se sont envolées… en 2021, les prix étaient trois fois plus élevés qu’en 1999. La spéculation a porté ses fruits.

Et maintenant, les « investisseurs » sont tellement habitués à voir un marché en hausse… tellement habitués à ce que la Fed fasse grimper les prix… qu’ils pensent qu’elle doit les aider même lorsqu’elle augmente les taux. Mais un changement majeur s’est produit. La tendance primaire va dans l’autre sens – vers une hausse des taux d’intérêt et une baisse des prix des actifs. Spéculer sur la hausse des prix ne risque pas d’être payant.

« L’inflation diminue », se disent les spéculateurs. « La Fed assouplit sa politique. La voie est libre à nouveau. »

Mais les taux d’intérêt continuent d’augmenter, bien que plus lentement. Et chaque augmentation – aussi minime soit-elle – pèse sur les ménages, les entreprises et le gouvernement lui-même.  Les consommateurs ont moins d’argent à dépenser. Les revenus des entreprises diminuent en raison de l’augmentation du coût du service de la dette ; les bénéfices chutent. Et le gouvernement américain est de plus en plus désespéré.

Les spéculateurs peuvent acheter. Les investisseurs vendent.

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