La Chronique Agora

Petit cocktail (Molotov) en terrasse

Emeutes et inflation. Paris et Buenos Aires. Telles sont nos destinations futures. Mieux vaut apprendre à vivre dans ces conditions.

Nous commençons par le compte-rendu d’un ami à Paris :

« Nous faisions un petit tour samedi, lorsque nous avons tourné au coin de la rue pour nous trouver nez à nez avec un camion de police pris à partie par… euh… des combattants de la liberté, ou des manifestants, ou des idiots n’ayant rien de mieux à faire (je ne suis pas sûr de la catégorie à laquelle ils appartenaient)…

 Je me suis approché pour prendre une photo et à ce moment-là, la police est arrivée à toute vitesse derrière moi ; la foule s’est éparpillée, mais pas avant que quelqu’un n’ait lancé ce qui semblait être un cocktail Molotov sur le camion saccagé. »

Apparemment, les gilets jaunes se révoltent contre un nouvel impôt sur le diesel.

Mais comme le rapporte notre ami, « à ce stade, plus personne ne sait contre quoi ils manifestent ».

L’inflation à 50%

Pendant ce temps… en Argentine… MercoPress rapporte :

« Inflation argentine en février : 3,8%, et 51% en 12 mois.

 L’inflation a augmenté de 3,8% en février, selon l’Institut argentin de statistiques et de recensement (INDEC), tandis que le président Mauricio Macri s’efforce de faire baisser les prix avant des élections nationales importantes cette année.

 Cette augmentation marque le deuxième mois consécutif d’accélération de l’inflation ; elle met en relief les défis qui attendent les dirigeants argentins, lesquels se battent pour enrayer le déclin du peso, freiner l’inflation et sortir le pays de la récession. […] L’augmentation de l’inflation en février, la plus importante depuis octobre, a porté l’inflation à 6,8% à ce jour pour 2019, et l’inflation sur 12 mois glissants était de 51,3%, selon l’INDEC.

 Nourris par un peso faible, les prix à la consommation en Argentine ont augmenté de 47,6% en 2018, le taux annuel le plus élevé de ces trois dernières décennies selon les analystes, heurtant de plein fouet les consommateurs alors que la croissance des salaires ne suit pas le rythme.

 Plus tôt dans le mois, les économistes ont remonté leurs prévisions d’inflation en 2019 à 31,9%, contre leur précédente estimation de 29,0% ».

Vous ne vivez pas en Argentine (ni même à Paris, éventuellement), vous dites-vous ? C’est bien là le problème : ce sera peut-être bientôt le cas. Voici donc une observation et une prédiction.

Vandalisme et pillage

D’abord, ce n’est pas aussi affreux que ça. Beaucoup de Parisiens n’avaient pas la moindre idée que vandalisme et pillage avaient lieu au cœur de la ville.

Et ici, dans la province de Salta, en Argentine, même avec une inflation à 50%, la vie continue. Notre steak était délicieux hier soir (le dîner pour six, avec deux bouteilles de vin, n’a coûté que 120 $). Notre chambre d’hôtel est propre. La circulation est fluide. 50% d’inflation, ce n’est pas la fin du monde. C’est un défi – mais cela crée des opportunités en plus des désastres.

Ensuite, nous suggérons une petite visite dans les deux endroits.

A Paris, on peut ainsi apprendre à éviter les foules violentes et en colère. En Argentine, on peut apprendre à éviter les prix en hausse.

Nous prédisons que ces deux compétences seront utiles un peu partout dans les temps qui viennent – qu’il s’agisse des quais parisiens ou de Puerto Madera, en passant par Washington et la Californie.

Les raisons de la violence à Paris sont obscures et largement incompréhensibles – même pour les Parisiens. Tournons-nous donc vers l’Argentine.

Comment le pays en est-il arrivé à 50% d’inflation ? Ses banquiers centraux et politiciens ne sont pas plus idiots que leurs homologues américains. Ses politiciens savent comment obtenir des voix. Et les initiés savent aussi bien que toutes les élites un peu partout comment obtenir des sièges en première classe. Qu’est-ce qui a mal tourné ?

Mission de base : escroquer la majorité

Le gouvernement, comme nous l’avons noté à plusieurs reprises, représente beaucoup de choses pour beaucoup de gens. C’est une source de pouvoir pour certains. Une source de protection pour beaucoup. Il prétend empêcher les avions de se rentrer dedans, et s’assure qu’un gallon est bien un gallon et non un litre.

Certains pensent qu’il stimule l’innovation… et d’autres sont d’avis qu’il guide l’économie. Mais toutes ces choses ou presque ne sont que collatérales à sa mission de base : fournir à quelques-uns le moyen d’escroquer la majorité.

Impôts, taxes douanières, réglementation – ce sont tous des moyens de transférer la richesse et le pouvoir de l’individu moyen vers les élites qui contrôlent le gouvernement.

Il y a toutefois une tendance inévitable (partiellement nourrie par la concurrence parmi les initiés eux-mêmes) à en faire trop.

Au lieu de se satisfaire de ce qu’ils ont pu extraire grâce à une taxation honnête, les initiés empruntent à l’avenir. Ensuite, ils faussent le système financier – en réduisant les taux d’intérêt, par exemple… pour faciliter le financement de leurs déficits.

Bientôt, tout le monde est profondément endetté. Le système arrive alors à un « pic de la dette » : l’économie ne produit plus assez de revenus pour payer les intérêts.

Toutes les dettes doivent être remboursées, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre – par le débiteur, par le créancier… ou par quelqu’un d’autre. Il n’y a pas d’exceptions.

Dans le cas de la dette gouvernementale, il n’est pas question que le débiteur paie. Les autorités n’ont pas d’argent. Elles parlent de « relance » et de « se désendetter par la croissance ».

Mais lorsque la dette augmente deux fois plus rapidement que le PIB, comme elle le fait aux Etats-Unis depuis 30 ans, « se désendetter par la croissance » n’est pas une option. Par ailleurs, à mesure que le fardeau s’alourdit (ainsi que les signaux de prix bidon qui l’ont créé et les magouilles financières crétines qui l’accompagnent), la croissance du PIB baisse, elle n’augmente pas.

La croissance réelle actuelle américaine n’est que la moitié de ce qu’elle était il y a 30 ans… et pourrait être en fait à zéro. Non, la réduction d’impôts de Trump n’y a pas changé grand’chose. Les derniers chiffres nous disent que les tendances de l’ère Obama se poursuivent comme avant… en pire.

Le déficit commercial, par exemple, était de 531 Mds$ durant la dernière année Obama. A présent, il approche des 900 Mds$. L’industrie est toujours sous son niveau d’il y a 12 ans.

Les réductions d’impôts ont donné un petit coup de pouce aux ventes, mais ces dernières reviennent aussi à la normale. Les ventes de maisons individuelles ont chuté depuis que DJT a pris son poste ; elles sont de retour à leurs niveaux de 1991… avec le ratio ménages/ventes de maison le plus bas jamais enregistré.

L’emploi s’est effondré en février (c’est peut-être un simple couac, cependant). La croissance du PIB américain pour ce trimestre semble stagner.

En d’autres termes… il n’y a aucune chance que les autorités américaines remboursent leur dette avec une augmentation des recettes fiscales. Alors qui va le faire ?

Bienvenue en Argentine…

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile