La Chronique Agora

L’affaire « Peanut » : quand un écureuil menace la campagne démocrate

Les chances de victoire démocrate pourraient-elles être réduites à… « Peanut » ?

L’affaire « Peanut », c’est l’histoire d’une « anecdote » – presque ridicule, voire indécente quand on la compare aux drames et aux pertes humaines quotidiennes au Proche-Orient ou en Ukraine –, mais qui est pourtant devenue un phénomène viral et un vrai coup de théâtre médiatique qui vient peut-être de faire basculer l’élection américaine.

Beaucoup de commentateurs ont d’abord traité l’affaire « Peanut » (et Fred) avec beaucoup de condescendance, parce que constituant la preuve que la campagne électorale vole très bas (sous-entendu, au niveau où l’a enfoncée Donald Trump).

Et puis au fil des heures, l’euthanasie absurde de l’écureuil « Peanut » (et de Fred, le raton-laveur) s’est transformée en un véritable de raz de marée sur les réseaux, comme si cela cristallisait soudain le ressentiment transpartisant de la population à l’encontre d’une administration aux dérives orwelliennes.

Revenons à l’origine de l’affaire…

Les autorités démocrates de l’Etat de New York, agissant en réponse à une plainte provenant d’une voisine (paranoïaque ou jalouse, qui s’est empressée, vu la tournure des événements, d’effacer toutes ses traces sur Internet), ont mandaté une escouade de gros bras (six personnes) du Department of Environment & Conservation (l’équivalent de nos autorités vétérinaires).

Cette brigade de choc a investi l’appartement d’un « instagrammeur » ayant des centaines de milliers de followers et rendu célèbre par ses vidéos joyeuses le mettant en scène avec son écureuil domestique (Peanut, recueilli après la perte de sa mère) et un jeune raton laveur (Fred, lui aussi orphelin).

Problème, ces deux espèces sont considérées comme « sauvages » et il est illégal de les détenir comme animaux domestiques… Alors, même si les relâcher dans la nature les condamne à une mort certaine, la loi est dure, mais c’est la loi.

Le détenteur de ces animaux – qui a fait l’objet d’une dénonciation sans laquelle rien ne serait passé – a donc été considéré comme en infraction et traité tel un délinquant. Son appartement a été retourné de fond en comble comme celui d’un trafiquant d’armes, et les deux animaux – qui ne présentaient aucun risque apparent pour le voisinage – ont été capturés, puis rapidement euthanasiés au motif d’être potentiellement porteurs de la rage.

Mais si la « sécurité » des citoyens vis-à-vis de la rage constitue un enjeu majeur, alors les autorités sanitaires new-yorkaises semblent beaucoup moins zélées lorsqu’il s’agit de faire appliquer l’obligation du port de la muselière en extérieur pour des chiens d’attaque (des centaines de personnes mordues et défigurées chaque année, combien par des écureuils domestiqués ?) ou d’éliminer les hordes de rats – susceptibles de mordre adultes et enfants – qui croisent la route des New-Yorkais 24h/24 et 365 jours par an.

Sitôt l’euthanasie – absurde bien que « légale » – des deux animaux rendue publique, une volée de bois vert s’est abattue sur l’administration démocrate, et pas seulement celle de New York.

Elle se voit reprocher son laxisme militant sur ce qui passe à ses frontières, une absence d’initiative pour restaurer un semblant de sécurité dans les Etats faisant face à un afflux migratoire, le laisser-faire en matière d’addiction au Fentanyl, alors qu’elle se livre symétriquement à des abus de pouvoir constants dans le domaine sanitaire et démontre une obsession de contrôler jusqu’à l’espace intime de la population qui bosse et paye ses impôts… et beaucoup de monde partage la consternation et le ressenti du propriétaire de Peanut et Fred.

Mais l’affaire a pris en quelques heures un caractère encore plus singulier : alors que les médias grand public ont pris l’habitude de faire silence sur tout ce qui peut apparaître embarrassant pour la campagne de Kamala Harris, l’euthanasie de Peanut et de Fred a été repris à la volée par CNN, ABC, NBC, Associated Press, le New York Times, etc. (Du coup, impossible de faire l’impasse pour les autres médias nationaux.) Et les commentaires ne sont pas tendres pour l’administration démocrate de l’Etat de New York.

Mais ce n’est pas terminé, et le plus choquant est à venir : Kamala Harris a rappelé que « la loi s’applique à tout le monde et que la propriété privée – son petit espace personnel – n’est pas un sanctuaire inviolable par les autorités ».

Kamala a parfaitement raison… mais les Américains s’imaginaient que cela visait les trafiquants de drogue, d’armes ou pire, d’être humains – pas un citoyen lambda qui a recueilli un écureuil, qui serait mort sans sa protection.

Pour résumer, l’affaire Peanut est un désastre absolu en termes d’image pour l’administration démocrate. Le rappel à la loi de Kamala Harris et son manque d’empathie sont perçus comme un sabordage de sa campagne à 72h du vote. Après la bourde de Biden sur les « déchets » qui votent Trump mardi dernier, peut-être venons nous d’entendre sonner le glas des espoirs démocrates.

En effet, les sondages étaient tellement négatifs jeudi pour Kamala que de généreux parieurs démocrates ont déposé de grosses mises sur son nom pour faire remonter brutalement – à la verticale, en réalité – sa cote sur le principal site de paris en ligne (sur les résultats de l’élection).

Immédiatement, tous les médias pro-démocrates se sont empressés de relayer ce petit miracle… et puis catastrophe, le lendemain, l’affaire Peanut enflammait la toile.

Mais n’allons pas tirer de conclusions trop hâtives, car les démocrates peuvent encore dégainer un atout surprise qui retournerait l’opinion en leur faveur… ou Donald Trump et son entourage peuvent encore commettre, par excès de confiance, une bourde qui leur aliènera des millions de votants.

Mais avouez que l’une ou l’autre proposition de cette alternative semble peu probable.

Ce qui semble en revanche très vraisemblable aux yeux des marchés, c’est que le résultat des élections apparaisse très serré, puis immédiatement contesté pour des soupçons d’irrégularités ou de fraude dans de nombreux Etats clés (swing states) par les deux camps en présence, cette fois (et pas seulement par les républicains, comme en 2020).

Wall Street a connu un accès de nervosité jeudi. Vendredi, nous apprenions que Jeff Bezos venait de céder 1,5% du capital d’Amazon qu’il détenait (pour 3,05 Mds$), tandis que Warren Buffett venait de porter son matelas de liquidités à un montant record de 325 Mds$, en cédant encore 14,3 millions d’actions Apple au 3e trimestre (1/4 de la position), ce qui porte à 100 millions le nombre de titres vendus au cours de quatre trimestres consécutifs, soit 22 Mds$ de liquidités au cours actuel.

Cela fait beaucoup d’argent retiré du marché par des initiés… S’ils ne connaissent pas le résultat du scrutin de mardi soir, ils savent en revanche que Wall Street a horreur de l’incertitude, et que vendre à 1% ou 2% des sommets historiques n’a jamais appauvri personne.

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