Les autorités sont en train de commettre un crime qui ne laisse aucune trace. Mieux encore : on accuse de faux coupables, et les victimes – les contribuables – se laissent dépouiller sans protester…
Le bon côté de l’inflation – du moins du point de vue des autorités – c’est qu’elle ne laisse pas d’empreintes.
Le dollar actuel, par exemple, ne vaut que trois cents du dollar pré-1971. La faute à qui ? Qui a volé 97 cents sur chaque dollar ?
Une simple manœuvre technique… ou pas
Les gens pensaient que le passage à un nouveau dollar en 1971 n’était qu’une manœuvre « technique ». Ils le pensent encore aujourd’hui. Mais il y avait une énorme différence. L’ancien dollar était un rabat-joie. Les autorités ne pouvaient pas beaucoup s’amuser avec lui. Le nouveau, en revanche, était comme une poupée gonflable : prêt à tout.
Ensuite, lorsque la première vague d’inflation des prix à la consommation a frappé, dans les années 1970, peu de gens ont compris ce qu’il se passait. Ils pensaient que c’était un tour de passe-passe du côté des Arabes. Mais comme nous l’avons vu lors de précédents épisodes (ici et ici), le premier choc pétrolier n’a fait que remettre le prix réel là où il était avant que les autorités américaines ne commencent à faire tourner la planche à billets.
Les investisseurs n’ont pas réalisé qu’on était en train de leur faire les poches. En nouveaux dollars, le Dow Jones a tout juste stagné durant les années 1970. Mais dans les faits, il a perdu 92% de sa valeur réelle.
Aujourd’hui encore, vous êtes apparemment le seul – avec nous – à réaliser comment l’impression monétaire et la politique de taux ultra-bas de la Réserve fédérale (entre 2009 et 2015) ont mis quelque 20 000 Mds$ dans les poches des plus riches Américains.
La plupart des gens n’ont rien eu. En termes relatifs, les pauvres sont devenus plus pauvres tandis que les riches devenaient plus riches. Les 50% d’Américains au bas de l’échelle sont en fait 30% plus pauvres aujourd’hui qu’ils l’étaient en 1999 – même en utilisant le calculateur d’inflation bidon des autorités.
Mais est-ce qu’on accuse les vrais coupables ? Non. On blâme les Mexicains et les Chinois.
Est-ce que les gens votent pour quelqu’un qui s’engage à mettre fin à l’inflation… ou quelqu’un qui souhaite l’augmenter ?
Peu importe que l’inflation aille dans les marchés de capitaux ou l’économie de consommation : elle fonctionne de la même manière, comme un voleur dans la nuit. Et se déroule en ce moment ce qui est probablement le plus grand cambriolage de l’Histoire…
Crime de rue
Milton avait tort au sujet de l’inflation. C’est « toujours et partout un phénomène monétaire », a-t-il dit. Mais il passe à côté du sujet. Une étoile filante est un phénomène. Idem pour le syndrome du côlon irritable ; on ne sait pas avec certitude ce qui le cause.
L’inflation, elle, n’est pas plus un « phénomène » qu’une agression de rue ; elle est conçue pour une seule raison – faire passer la richesse de certaines personnes vers d’autres personnes. C’est une méthode qui permet aux autorités – et à leurs clients, compères et parasites – d’obtenir plus que ce que les contribuables sont prêts à leur donner.
S’ils tentaient de soutenir leurs gabegies et programmes crétins uniquement par la taxation directe, il y aurait bien vite des foules en colère devant le Capitole, avec du goudron bouillant et des sacs de plumes.
Mais l’inflation ?
A la Chronique, nous faisons un grand nombre de suppositions – toujours en tentant de relier les points. Nous y sommes depuis si longtemps que nous avons probablement eu tort sur la plupart des choses… et le reste ne saurait tarder.
En revanche, il y a une chose sur laquelle nous avons probablement raison : l’inflation. Lorsque la Fed a annoncé, lors de sa réunion de décembre 2015, qu’elle allait mettre fin à l’augmentation de la masse monétaire et « normaliser » sa politique, nous savions que c’était des bobards. Pourquoi ?
Avec ses taux ultra-bas et ses programmes d’assouplissement quantitatif (QE), la Fed a créé une atmosphère de serre chaude. Le programme de QE à lui seul a refilé quelque 3 600 Mds$ de nouvel argent aux gros investisseurs.
C’était comme si une personne très riche, dans une petite ville, faisait une offre sur toutes les maisons à vendre. Les prix ont grimpé. Tout le monde pense s’être enrichi. Mais supprimez l’acheteur irréfléchi, et le marché s’ajusterait rapidement aux pressions de l’offre et de la demande normales. Les prix reviendraient eux aussi à la « normale ».
Avec la chute des prix, l’« effet richesse » s’inverserait, devenant un « effet richesse négatif ». L’économie entrerait en récession.
N’éteignez pas le chauffage
Soit on continue d’injecter de l’air chaud dans la serre… soir les orchidées meurent. Greenspan, Bernanke, Yellen et désormais Powell – tous ont laissé le radiateur allumé.
Le dernier président de la Fed ayant éteint le chauffage, c’est Paul Volcker, récemment décédé. Il a vu le piège « l’inflation ou la mort ». Pour y échapper en 1980, il a augmenté le taux directeur de la Fed à 20%, supprimé le flux d’air chaud et ouvert les fenêtres, causant la pire récession américaine depuis la Grande dépression.
Naturellement, les politiciens, les économistes et la presse ont hurlé et gémi. Une foule a même brûlé l’effigie de Volcker sur les marches du Capitole. Mais l’inflation est rapidement retombée, de près de 14% en 1980 à 3,2% seulement en 1983.
Quarante ans se sont écoulés depuis Volcker et son traitement de choc. Sur cette période, la dette fédérale américaine est passée de moins de 1 000 Mds$ à plus de 23 000 Mds$.
Le Dow Jones, lui aussi, est passé de moins de 1 000 points à plus de 29 000. Et les gens prêts à soutenir un banquier central honnête – les conservateurs budgétaires traditionnels et Ronald Reagan – ont disparu…
… A peu près au moment où les républicains ont réalisé que, dans un monde de fausse monnaie, « les déficits n’ont pas d’importance ».
De nos jours, les pontes de la Fed sont prêts à suivre le mouvement, et sont décrits par la presse grand public comme étant ceux qui ont « sauvé le monde » (Greenspan), ou encore des « héros » ayant eu « le courage d’agir » (Bernanke).
Quant au président américain actuel, il ne s’inquiète pas de limiter l’inflation. Il en veut plus. Voici les commentaires du commandant en chef sur le bref accès de prudence de la Fed :
« C’était n’importe quoi quand ils ont augmenté les taux. Une grosse erreur. Et ils l’admettent. Ils l’admettent. J’avais raison. Je ne veux pas avoir raison, mais j’avais raison. »
A suivre…