La Chronique Agora

L'or : un vrai placement "collector"

▪ J’ai le sentiment d’être un des personnages du Désert des Tartares. J’espère seulement ne pas finir comme eux… Vous vous souvenez, ces militaires sont dans un fort dans le désert. Ils guettent une invasion.

Le temps passe et rien ne se passe, tout le monde se lasse.

Jusqu’au moment où l’invasion survient. Violente, sanguinaire, mortelle. Mais à force d’être trop prêts, les veilleurs du fort ne le sont plus au jour J.

Les marchés sont mon Désert des Tartares

▪ Quelques signes, dans la lumière trouble de l’horizon

« La hausse du dollar signale que les actions peuvent chuter », dit une dépêche Bloomberg. « La corrélation inverse entre les marchés actions américains et la parité du dollar suggère qu’une hausse de la devise peut provoquer une chute des actions dans les trois prochains mois, selon Myles Zyblock, directeur de la stratégie de RBC Capital Markets », poursuit la dépêche qui comporte un très joli graphe du Dollar Index vs le S&P, graphe que je vous épargne car il n’apporte strictement rien.

Ces gens-là sont certainement de grands financiers (qui suis-je, humble vermisseau pour en douter) mais ils devraient suivre un enseignement complémentaire de physique élémentaire. Ceci devrait leur permettre de ne pas confondre la cause et ses effets.

Pour Bloomberg :

Cause : le dollar monte.

Effet : les marchés actions baissent.

Relation de cause à effet : comme le dollar monte, les gens préfèrent le billet vert plutôt que des actions qu’ils vont vendre.

Selon l’humble vermisseau qui écrit ces lignes :

Cause : le dollar s’imprimait à volonté mais le Fed dit que ça va être fini.

Effet : les marchés actions baissent.

Relation de cause à effet : comme il n’y a plus d’argent imprimé avec lequel jouer, les gens ne vont plus acheter d’actions.

Notons cependant que fait incroyable, inouï, extraordinaire, surprenant, renversant, deux maillons de l’industrie financière (Bloomberg et RBC) nous disent que les actions vont baisser. Mais nulle horde vendeuse ne déferle depuis ce point de l’horizon. Quittons Bloomberg pour un nouveau balayage de notre horizon.

La dernière note de Carmignac gestion « perspectives économiques et stratégies d’investissement pour le second trimestre 2011 » mentionne dans son tableau des Etats-Unis : « fort heureusement les appels à de moindres stimuli de la part des autorités pourront être contrariés ».

Edouard Carmignac & co. n’aime pas l’idée qu’on arrête d’imprimer de l’argent. Ce n’est pas bon pour les actions, donc ce n’est pas bon pour les sociétés de gestion. Peu lui importe que les actions montent avec du faux argent imprimé par des faux-monnayeurs officiels.

C’est là où nos intérêts (investisseur particulier versus investisseur institutionnel) divergent. La partie de l’humble vermisseau client de Carmignac a certes intérêt à ce que les actions montent. Mais l’autre partie de l’humble vermisseau est lésée par la hausse des prix que provoque cet afflux d’argent imprimé à partir de rien.

Ce que dit aussi cette note : « les risques se concentrent dans l’univers développés » — et elle prône les « investissements défensifs ». C’est une autre alerte baissière d’un investisseur institutionnel. Mais rien ne bouge à l’horizon. Nulle horde vendeuse ne surgit du désert des Tartares.

Tout ceci n’est que mirage dans la lumière trouble de l’horizon.

Je chemine sur mes faibles remparts de pisé et je me serine « cash is king, cash is king, cash is king »… Ma collègue Isabelle Mouilleseaux me rejoint dans mon tour de garde et me souffle « les rois ont besoin d’or ».

Mon regard se porte sur la une du Financial Times de ce vendredi 20 mai et que vois-je ? Des bustes de Mao en or !

Le voilà, LE placement. Il ne vous a pas échappé qu’à chaque fois que l’or repassait sous les 1 500 $ l’once, c’était fugacement. La Chine se renforce sur l’or à la baisse dès que les cours fléchissent. Le pays est devenu maintenant le plus grand marché de l’or d’investissement, devant l’Inde.

▪ Londres et le Comex brassent du papier

Un buste de Mao en or, un vrai placement : la valeur or + la valeur collector. Quelle improbable association. La note de Carmignac prône toujours les investissements en pays émergents. Nous voilà réconciliés. Qu’il vienne donc, le Tartare, me le piquer mon Mao en or… Je l’attends de pied ferme.

 

[Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par les investissements « tangibles » et c’est ce qu’elle met chaque semaine au service des abonnés de L’Investisseur Or & Matières. Elle est rédactrice en chef du magazine MoneyWeek, et analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances.]

Première parution dans la Quotidienne de MoneyWeek du 20/05/2011.

 

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