Dans l’accumulation de dettes, dans la réduction des réserves stratégiques, dans les bulles boursières…
Comment sait-on qu’on est allés trop loin en économie ?
Je dirais que c’est que l’on a conscience d’avoir franchi les limites et comme il ne se passe rien, puis encore rien, puis toujours rien, on finit par se convaincre que « cette fois, c’est différent ».
Et incontestablement, ça l’est, à de multiples égards.
Emprunts, crédits et autres dettes…
Difficile d’établir une hiérarchie des situations les plus vertigineuses : si l’on prend pour hypothèse que la consommation reste le cœur de l’économie, le franchissement des 1 250 Mds$ d’encours de carte crédit aux Etats-Unis (de l’argent facturé entre 20 et 23%) et l’effondrement symétrique du taux d’épargne (3,5%, soit exactement la moitié du taux moyen de 7% de 2010 à 2020) ont de quoi donner des sueurs froides.
En parallèle, l’encours du crédit revolving dans le pays dépasse de 15% le PIB de l’Arabie saoudite. Pas moins de 45 millions d’Américains (étudiant ou ex-étudiants) doivent 1 610 Mds$ (pratiquement le PIB de la Corée du Sud) à leur banque pour leurs frais de scolarité… et les paiements reprennent ce mois-ci.
Les crédits auto représentent une charge moyenne de 400 $/mois (neuf et occasion). Pour un véhicule 100% électrique neuf avec une autonomie correcte (plus de 400 km), il faut compter le double. Jamais ce poste de dépense dans le budget des ménages n’a été aussi élevé depuis que la statistique existe.
Mais que dire de ce ratio qui semble complètement irréel (hors d’un pays du tiers monde avec une anomalie majeure de répartition des richesses) : 90% des Canadiens des provinces anglophones ne peuvent plus obtenir un crédit immobilier, du fait de revenus trop faibles et de taux trop élevés.
Cela ne s’était jamais produit dans l’histoire « moderne » (disons les 150 dernières années) : seuls 10% de la population canadienne sont encore éligibles à un prêt hypothécaire.
Pour la moitié des ménages canadiens, le coût du crédit aspire déjà 40% et plus des revenus : se nourrir et se déplacer devient une équation insoluble, à moins de sacrifier tout le reste (loisirs, habillement, voyages, abonnements divers).
Attention au prix du pétrole
Mais revenons aux Etats Unis avec cette statistique également historique : à 340 millions de barils de brut, les réserves de pétrole des Etats-Unis sont au plus bas depuis… 40 ans.
Alors que ces réserves représentaient 92 jours de « sécurité » en mai 2020, le stock ne représentait plus que 46 jours le 7 septembre – contre une moyenne de 75 jours depuis 2014.
Washington avait annoncé commencer à reconstituer ses réserves lorsque le baril de WTI s’approcherait des 70 $. Problème : il flirte à présent avec les 90 $.
Et, pour ne négliger aucune facette des principaux déterminants de la finance (après l’énergie, les taux, les dettes, la bulle immobilière), nous ne pouvions omettre d’évoquer la parité yuan/dollar. En effet, la devise chinoise vient d’inscrire un « plus bas » de 16 ans à 7,3500 pour 1 $. Le billet vert confirme ainsi le franchissement de la résistance des 7,325 de fin octobre 2022.
Mais le record le plus ébouriffant, c’est peut-être ce ratio Nasdaq 100/Russell 2000, qui vient de pulvériser un record historique de 8,3. Même lors de la crise de la bulle Internet de 2001, ce ratio avait culminé à 8,1 et, pour mémoire, début 2020, lors d’un précédent record du Nasdaq pré-pandémique, le même ratio n’était que de 5,1.
L’ultra-concentration des achats des investisseurs sur sept valeurs liées de près ou de loin à « l’IA-mania » explique ce plus grand déséquilibre historique jamais observé.
Mais, pour les marchés, plus nous recensons de déséquilibres, plus il apparaît dangereux de tenter de les corriger, d’où l’impression qu’il n’existe pas d’autre forme de sécurité relative que la « fuite en avant ».