▪ Un homme met une unique balle dans un revolver et fait tourner le barillet. Il met le canon contre sa tempe. Appuie sur la détente. Rien ne se passe. Il fait tourner le barillet une nouvelle fois. Des badauds l’observent. Des spéculateurs parient sur ses chances de survie.
A nouveau, il appuie sur la détente. Clic. Pas d’explosion. Il refait tourner le barillet. Et à nouveau, les spéculateurs font des paris. Même si les probabilités sont exactement les mêmes, ils parient que la fin de partie est proche. Les paris vont de 6 contre 1 à 5 contre 1.
A nouveau, il appuie sur la détente, sans effet. La tension monte. Un autre tour. De nouveaux paris. On est à 4 contre 1.
Une fois encore il a de la chance. Les spéculateurs parient lourdement… Voyant une opportunité, il met son petit jeu sur YouTube. Tout internet est au courant. Notre homme touche trois dollar par publicité vue sur son site. Des millions de gens regardent… et beaucoup d’entre eux font des paris. Après trois essais sur un revolver à six coups, ils sont d’avis que sa chance ne va pas tarder à tourner. Ils sont à 3 contre 1.
Mais une fois encore il appuie sur la détente et rien ne se passe.
Les spéculateurs commencent à se poser des questions. Il est terriblement veinard. Trop veinard |
A présent, les spéculateurs commencent à se poser des questions. Il est terriblement veinard. Trop veinard. Peut-être que la balle n’était pas chargée. Peut-être qu’il y a un truc. Peut-être qu’il est protégé par l’intervention divine. Les paris restent à 3 contre 1 pour la cinquième tentative.
"Jusqu’où peut aller sa chance ?" se demandent les gens. Un autre tour. D’autres paris. Un autre coup… et toujours rien.
Cela continue encore sur plusieurs tentatives. Les spéculateurs commencent désormais à percevoir un schéma qu’ils ne parviennent pas tout à fait à expliquer. "Toujours la même chose" semble de plus en plus probable. Les paris changent. On pense désormais à 10 contre 1 que rien ne va arriver. Plus tard, on en est à 20 contre 1. "Toujours la même chose" semble inévitable.
Les gens intelligents ne savent pas quoi penser. Les gens idiots ne pensent pas du tout. Et un spéculateur rusé raisonne de la manière suivante :
"Les probabilités sont à chaque fois de 6 contre 1. Elles ne changent pas. Mais je perds de l’argent en pariant sur les probabilités. C’est-à-dire que j’ai perdu de l’argent en pariant rationnellement. C’est un fieffé veinard. Je vais arrêter de parier mathématiquement. Je vais parier sur sa chance. Mais même si les probabilités ne changent pas… je ne sais pas quand sa série gagnante prendra fin. Et d’ici là, je ne peux pas m’en tenir à mes paris perdants. Je vais me mettre de l’autre côté et gagner de l’argent jusqu’à ce que la chance tourne".
La fois suivante, l’individu met le canon sur sa tempe et se fait sauter la cervelle.
"Dommage", dit son comptable. "Il était en train de devenir riche".
Les marchés ont baissé. L’or demeure au-dessus des 1 200 $. Rien de très important. Mais tôt ou tard (comme nous le répétons), la balle chargée finira par partir.
▪ Dette, dette et dette
La dette étudiante en détresse, la dette mal investie des marchés émergents, la dette pétrolière, la dette des rachats d’actions d’entreprises, la dette des relances gouvernementales, la dette des ménages qui dépensent trop — rien de tout ça ne fournit un seul dollar productif. Sans plus de croissance réelle des revenus, ces dettes ne peuvent être payées. Elles finiront donc toutes par mal tourner.
Les retards de paiement concernent déjà 30% de la dette étudiante américaine |
Les retards de paiement concernent déjà 30% de la dette étudiante américaine. Ces crédits ont été contractés parce qu’on pensait que, grâce à l’éducation, les revenus augmenteraient assez pour les amortir. Cela n’a pas été le cas. Les revenus des jeunes diplômés américains ne cessent de baisser.
Comment des gens gagnant moins peuvent-ils payer plus pour rembourser la dette censée leur permettre d’engranger des revenus plus élevés ? On pourrait poser la même question à ceux qui ont acheté 500 milliards de dollars de dette subprime dans le secteur de l’énergie. Ou à ceux qui ont acheté 1 000 milliards de dollars de dette gouvernementale à la périphérie de la Zone euro. Ou encore à ceux qui ont "investi" dans 4 000 milliards de dollars de dette de marchés émergents. La réponse est partout la même : c’est impossible.
Les sondages montrent que la plupart des étudiants pensent que leur dette sera annulée. Pourquoi pas ? D’où vient-elle ? De la sueur du travailleur ? De la patience et de la persévérance de l’épargnant ? De l’intelligence et de la créativité de l’entrepreneur ?
Non… Elle est tombée du ciel comme de la manne, sur les justes comme sur les injustes… sans effort de la part des premiers ni préjugés contre les seconds. Mais enfin, vous ne comprenez pas ? C’est du bon sang de bonsoir d’argent gratuit !
Ce qui le rend extrêmement susceptible de disparaitre aussi facilement et rapidement qu’il est apparu.
Mais c’est encore à venir… et nous sommes cramponné à notre siège… comme tous les autres spectateurs curieux… pour voir comment le spectacle va tourner.
L’économie réelle ne semble pas justifier de cours aussi élevés sur les marchés boursiers. |
Les actions ont grimpé et grimpé, ces six dernières années, sans faire de pause. Votre correspondant a observé avec stupéfaction. Durant cette période, l’économie réelle, dans les pays développés, n’a pas cru de manière significative. Et les revenus réels ont chuté pour la plupart des gens. Pourquoi, dans ce cas, les entreprises auraient-elles autant de valeur supplémentaire ? Mathématiquement et logiquement, ça ne va pas. L’économie réelle ne semble pas justifier de cours aussi élevés sur les marchés boursiers.
Pourquoi des cours élevés ? Vous connaissez déjà la réponse. L’intervention des banques centrales. Elles offrent la seule chose qu’elles ont — plus de "liquidités", c’est-à-dire de dette.
Si on enlève l’Allemagne du tableau, quasiment toutes les économies développées ont suivi le même chemin : de la dette à plus de dette. Sans l’Allemagne, le monde développé a ajouté 50 000 milliards de dollars à sa charge de dette durant les huit premières années du 21ème siècle, le ratio dette/PIB passant de 260% à 390%. Durant les six années qui ont suivi, les ménages ont tenté de se débarrasser de leur fardeau d’endettement, mais les gouvernements et les entreprises ont emprunté plus que jamais. A présent, le ratio est de 415% — soit 15 000 milliards de plus, à quelques milliards près.
La logique, les mathématiques et l’expérience, tous nous disent qu’une surcharge de dette — qui n’est pas soutenue par une hausse des revenus réels — s’effondrera sur les têtes des gens qui se trouvent dessous. Mais comment ? Quand ? Sur qui ?
Nous aimerions bien le savoir, cher lecteur ; nous aimerions bien le savoir.