Si une valeur grimpe, c’est que le marché « sait quelque chose », disent certains : malheureusement, dans certains cas – comme GameStop par exemple – le marché… ne sait rien. Et ça fait mal.
Nous identifions actuellement une version plus modérée du scénario de GameStop chez Netflix, dont la capitalisation boursière est de 240 Mds$.
En gros, le marché estime que la valeur actuelle des futurs flux de trésorerie disponible, sur toute la durée de vie future de l’entreprise, est de 240 Mds$.
Voici quelques données subsidiaires :
Le taux d’actualisation utilisé pour calculer cette valeur réelle est, en gros, le taux de rendement annuel qu’espère obtenir un actionnaire à l’avenir. Vraisemblablement, la plupart des gens espèrent un rendement élevé sur l’action Netflix : disons qu’il est de 10% par an. Si c’est le cas, les futurs flux de trésorerie de Netflix devraient être réactualisés à 10%.
Les flux de trésorerie les plus lointains ne valent donc pas grand-chose aujourd’hui. Par exemple, un flux de trésorerie de 1 000 $ en 2041, réactualisé à 10%, ne vaut que 148,64 $, aujourd’hui.
On dit souvent que les évaluations des actions de croissance des grandes capitalisations sont justifiées par la faiblesse des taux d’intérêt. Soit. Disons que nous abaissions le taux d’actualisation de 10% à 3%, pour le flux de trésorerie de 2041. Sa valeur actuelle grimpe à 553,68 $.
Mais il ne faut pas oublier une chose…
En faisant chuter le taux d’actualisation à 3%, nous disons également que le taux de rendement annuel de l’action, à l’avenir, sera de 3%. Avec un rendement aussi bas, on ne dirait que c’est une bonne affaire, pour une entreprise ayant la maturité de Netflix et qui n’a pas encore généré des flux de trésorerie significatifs.
Un défi ardu
Pour que le détenteur à long terme d’actions Netflix obtienne un rendement décent à partir du cours d’aujourd’hui, il faudrait que l’entreprise fasse progresser le nombre de ses abonnés pendant de nombreuses années à venir et qu’elle fidélise sa clientèle existante, tout en ne dépensant pas démesurément sur les contenus (ce qui implique un nombre de « flops » réduit).
Sinon, l’entreprise n’offrira pas les flux de trésorerie qu’anticipe une valorisation de 240 Mds$.
Ce sera un défi ardu, car les grands groupes propriétaires des studios de Hollywood (dont Disney, NBC Universal, AT&T et Viacom) se lancent à fond dans les services de diffusions en streaming. Tous ont l’intention d’attirer des spectateurs prêts à payer environ 15 $ par mois.
Ces grands groupes attirent les spectateurs en faisant la publicité du prochain « blockbuster » qui sortira sur leurs services de streaming. Cela attire pendant un mois ou deux les « zappeurs », dont un faible pourcentage reste.
Il y a tellement de choix, dans l’univers du streaming, que cela va probablement produire une forte corrélation entre les dépenses consacrées aux contenus et la fidélisation des spectateurs.
Si c’est le cas, les estimations tablant sur une future manne de trésorerie disponible chez Netflix vont probablement décevoir. Netflix devra continuer à dépenser énormément sur ses contenus.
En outre, considérez les limites budgétaires réelles d’un ménage qui dépense en moyenne 50 $ à 70 $ par mois, pour trois ou quatre services de streaming, en plus des 100 $, environ, d’internet.
Ce serait exactement comme les anciens bouquets du câble… mais moins prévisible que le câble car le client peut résilier un abonnement de streaming en appuyant sur quelques touches de son téléphone.
Le problème, avec les FAANG…
Lors de la publication de ses résultats, en janvier, Netflix a sous-entendu que l’entreprise se rapprochait de l’autofinancement (c’est-à-dire que les clients, et non le marché des junk bonds, pourront financer les contenus, à l’avenir).
Par conséquent, Netflix envisage un programme de rachat d’actions. Voici la partie amusante : avec une capitalisation boursière de 240 Mds$, le ratio cours/flux de trésorerie disponible de l’action, en 2020, représente un maigre 0,80%. Voilà quel aurait été le rendement de Netflix, en 2020, si la société avait décidé de distribuer toute sa trésorerie disponible de 2020 sous forme de dividende.
Il est là, le problème, avec ces capitalisations boursières des FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google) qui s’élèvent à plusieurs centaines de milliers de milliards de dollars : le flux de trésorerie disponible qu’elles peuvent distribuer aux actionnaires n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, par rapport à leur colossales capitalisations.
« Pas de souci » affirment ceux qui sont haussiers sur les FAANG. « Tout cette trésorerie arrivera sur les futurs exercices. Attendez et vous verrez ! »
Les haussiers sont si convaincus que les « futurs exercices » se dérouleront de telle façon qu’ils sont prêts à payer en conséquence aujourd’hui.
Pourtant, la concurrence, la faiblesse économique, les risques réglementaires, l’augmentation des impôts sur les sociétés, la hausse des taux d’intérêt et les « disruptions » technologiques, pourraient tous réprimer les futurs flux de trésorerie disponible des FAANG.
« Le marché doit être au courant de quelque chose, pour faire grimper à ce point les FAANG », pourraient rétorquer les haussiers.
Mais comme le montre la bulle GameStop, parfois, le marché ne sait rien. Ou, pire encore, parfois le marché évolue de façon très destructrice, et gaspille les capitaux peu abondants.