Un peu de sagesse classique pour nos lecteurs ouverts d’esprit…
« Que ces vérités se gravent bien dans ton esprit, et la nature aussitôt t’apparaîtra libre, affranchie de maîtres superbes, gouvernant elle-même son empire sans contrainte et sans l’aide des dieux. »
~ De rerum natura, Lucrèce
Sur les étagères de la bibliothèque de Jefferson à Monticello se trouvaient cinq exemplaires écornés d’un livre extraordinaire écrit il y a plus de 2 000 ans. Pas la Bible, pas l’Iliade… ni l’Odyssée.
C’est un livre qui a fasciné et inspiré de nombreux penseurs pendant 70 générations… Copernic, Galilée, Spinoza, Newton, Locke, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Hume, Franklin, Wallace… et bien d’autres.
Directement ou indirectement, Adam Smith s’en est inspiré pour rédiger la Richesse des nations… et encore plus pour la Théorie des sentiments moraux. Erasmus Darwin, grand-père de Charles Darwin, l’a utilisé comme modèle pour sa poésie, transmettant des idées qui ont changé le monde intellectuel occidental. Tout ce que la nature fait, pour paraphraser la citation ci-dessus, elle le fait par elle-même. C’est ce que Darwin a tenté de démontrer dans l’Origine des espèces. Plus récemment, Steven Pinker s’est appuyé fortement sur cette idée dans son ouvrage populaire La Part d’ange en nous.
Et, ce qui est plus important pour nous, il nous aide à comprendre pourquoi la Fed ne peut pas vraiment contrôler l’inflation.
Montagne de dette
Ceci est, après tout, une chronique orientée sur l’argent. Même si nos pensées et interrogations peuvent s’étendre à des domaines plus larges, nous essayons de garder un œil sur ce qu’il se passe dans le monde de la finance… et de comprendre les liens entre d’un côté les tendances et événements du moment et, de l’autre, les mouvements sociétaux plus profonds et de long terme.
Si vous ne suivez que la presse mainstream, vous aurez une vision très déformée de ce qu’il se passe vraiment. Par exemple, voici un article publié par Markets Insider récemment :
« 5 fausses idées reçues concernant la montagne de dette américaine de 32 000 Mds$. »
Nous l’avons lu en diagonale, ne voulant pas perdre de temps, mais épris d’une forme de curiosité malgré tout ; la presse financière mainstream est plus à même de transmettre des idées reçues que de les éradiquer. Et, bien entendu, l’article en question était un pot-pourri de fausses informations : la dette n’est pas si élevée que cela… elle n’a pas besoin d’être remboursée… ce n’est pas si mauvais pour l’économie… il n’y a pas de crise à venir… et tout le monde fait pareil.
Voici l’idée centrale de l’article :
« La montagne de dette américaine de 32 000 Mds$ n’est pas si épouvantable qu’il n’y paraît. »
Ils ont raison ! La situation est bien pire que ce qu’elle paraît être.
Premièrement, l’auteur nous explique que le fait de payer des intérêts sur cette dette est un jeu d’enfant :
« L’an dernier, les intérêts sur la dette ont coûté seulement 395 Mds$, d’après le bureau de la gestion et du budget. C’est environ 1% du PIB de l’an dernier. »
Une vague d’emprunts
Eh bien… oui… c’était le cas avec les taux d’intérêts les plus bas jamais observés en 5 000 ans. L’essentiel pour comprendre la dette est de réaliser que les taux proches de zéro (grâce aux interventions de la Fed) ont incité des emprunteurs à se charger de plus de dettes qu’ils ne pouvaient en porter. Mais, quand les taux d’intérêt reviennent à des niveaux normaux… ce qu’ils font toujours… il y a des problèmes.
Et c’est déjà en train de se produire. Il y a deux ans, les autorités américaines pouvaient émettre des milliers de milliards de dollars de dette nouvelle à un taux remarquablement bas sur 2 ans, de 0,22%. Ce taux a dépassé les 5% récemment… c’est-à-dire qu’il est déjà 20 fois plus élevé. Et le Trésor américain a besoin de refinancer 7 600 Mds$ de vieille dette, en plus d’un montant estimé de 2 000 Mds$ de dette nouvelle, durant les 12 prochains mois.
Cette vague d’emprunts par le gouvernement va certainement pousser les taux d’intérêts à rester aussi hauts plus longtemps… et ce, même si l’inflation retombe. Elle permettra aussi de garantir que des capitaux d’investissement iront dans les caisses de l’Etat, plutôt que pour des entreprises privées créatrices de richesses.
Il n’y a qu’une quantité limitée de temps, de travail, d’énergie… et de capital… disponible. S’ils sont utilisés pour construire des usines et fournir des services, ils augmentent notre richesse. Mais s’ils sont consommés ou gaspillés dans des « investissements » sans issue, ils sont simplement perdus.
Les « investissements sans issue » sont la spécialité des autorités. Guerres… armes… espionnage… combattre la pauvreté et les drogues… encourager les gens à ne pas travailler… lancer une agence chargée de ci… un comité chargé de ça – des ressources sont jetées par les fenêtres, le taux de croissance du PIB chute… moins de produits et services sont vendus, tandis que la demande augmente. Résultat : plus d’inflation.
Voici Bloomberg qui se penche sur le problème :
« Les responsables politiques et observateurs de la Fed prêtent désormais plus attention à un nouvel argument, qui affirme que les banques centrales doivent prendre en compte ce que leurs actions signifient pour le côté ‘offre’ de l’économie. Des taux trop élevés pourraient en effet affaiblir la lutte contre l’inflation, en étouffant les avantages d’une offre croissante – avantages qui sont seulement en train d’apparaître. »
Oui, cher lecteur, vous pouvez obtenir des hausses de prix des deux côtés de l’économie : une demande en hausse, ou une offre en baisse. Et le gouvernement nous propose les deux.
Alors… revenons au livre que nous évoquions plus haut.
Texte originel
Cet ouvrage n’est pas sorti de nulle part. Il avait des prédécesseurs… des avant-gardes et des éclaireurs. Il a été précédé par deux célèbres philosophes grecs, Epicure et Démocrite. Ce dernier a introduit une forme rudimentaire de la théorie atomique ; aucun des écrits d’Epicure n’est parvenu jusqu’à nous, mais il insistait sur le « ici et maintenant » et comment en profiter…
Le livre auquel nous faisons référence a été écrit par un Romain, pas par un Grec, et il l’a été durant une période unique de l’Histoire. Rome avait conquis la Grèce suite à la bataille de Corinthe, en 146 av. J.-C, et ce livre a été écrit 100 ans plus tard ; il représente une fenêtre sur l’histoire, comme l’a dit Flaubert : « Les dieux n’étant plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été. »
Seuls ? Livrés à nous-même ? Sans la Fed pour nous sauver ?