La Chronique Agora

Lettre à Mme Nancy Pelosi, à l’occasion du cinquième anniversaire de la crise

▪ Comme prévu, Ben Bernanke ne va pas réduire les engagements de la Fed durant les derniers mois de son mandat. Trop risqué. Mieux vaut prendre du bon temps !

Le Dow a grimpé suite à son annonce. De même pour l’or, qui a pris 56 $ en une journée. Nous espérons que M. Obama a suivi notre conseil.

Les journaux sont pleins de rétrospectives sur la faillite de Lehman et ce qu’elle signifiait. Nous avons la nôtre. Cinq ans après que la crise financière a fait la une des journaux… il est incroyable de voir la quantité de fantasmes, d’illusions et de vanités qui s’est accumulée autour de l’événement.

Nancy Pelosi, qui était à l’époque présidente de la Chambre des représentants, raconte qu’elle a appelé Henry Paulson à 15h le 18 septembre 2008. Elle lui a demandé de venir le lendemain pour lui expliquer ce qui se passait.

Le titre de son article dans Etats-Unis Today nous dit que c’était "le jour où j’ai entendu que notre économie pourrait s’effondrer".

Le texte n’est pas clair ; veut-elle dire qu’elle a appris qu’une économie pouvait s’effondrer un jour… ou bien a-t-elle appris que l’économie pourrait s’effondrer ce jour-là. Peu importe. C’est ridicule dans les deux cas. Les économies ne s’effondrent pas. Elles font exactement ce qu’elles veulent quand elles le veulent.

Les banques centrales ne parviennent pas à les améliorer. Les politiciens ne parviennent pas à les comprendre. Et personne ne parvient à les apprécier.

A 17h, Mme Pelosi avait réuni les plus grands ratés de la ville — dont Paulson et Ben Bernanke. Paulson a expliqué ce qu’il avait vu, comme l’aurait fait tout aveugle. Ensuite, elle s’est tournée vers l’homme qui avait permis la plus grande bulle financière de l’histoire — toujours dans le brouillard — et lui a demandé ce qu’il en pensait. Naturellement, il a complètement mal compris les événements qui se déroulaient devant lui. Il a pris le dégonflement de la bulle pour la disparition d’une économie.

"Si nous n’agissons pas immédiatement, nous n’aurons plus d’économie d’ici lundi", a-t-il dit.

Où pensait-il que l’économie allait aller ? Aussi idiot soit-il de penser qu’une économie de 16 000 milliards de dollars pouvait "s’effondrer", il était parfaitement insensé de croire qu’elle s’évanouirait dans la nature.

▪ Il aurait fallu laisser la grande correction se produire
Mais ces charlatans ont néanmoins travaillé main dans la main pour éviter une issue qui ne pouvait pas se produire…

… tout en pervertissant une issue qui était en train de se produire, la transformant en une débâcle tordue et grotesque. En septembre 2008, l’économie mondiale en avait assez de la bulle de crédit des autorités. Les entreprises avaient vidé trop de verres. Elles avaient les jambes tremblantes, les idées confuses. Elles se sont effondrées. Une grande correction avait commencé. Il aurait fallu la laisser continuer. Il aurait fallu lui permettre d’emporter avec elle les mauvaises dettes et de réduire les bonnes. Il aurait fallu lui laisser faire son travail.

Au lieu de ça, les autorités ont sorti 700 milliards de dollars en vitesse et les ont répartis parmi leurs amis et soutiens de campagne. Les taux d’intérêt ont été réduits à zéro… et jusqu’à 23 000 milliards de dollars de garanties de crédit ont été mobilisés pour les risque-tout de Wall Street.

Cette séquence d’erreurs et de corruption a été accueillie par la presse et par ceux qui l’avaient perpétrée avec des hourras… et des bonus. Même aujourd’hui, cinq ans après, Bernanke, Paulson et Pelosi considèrent que c’était un gigantesque triomphe pendant lequel ils se sont alliés pour sauver l’économie américaine… et le monde entier.

Mais attendez. Quelque chose a mal tourné sur la route de la reprise. Nous venons d’envoyer à Mme Pelosi l’e-mail suivant :

"Chère Mme Pelosi",

"Je suis à Baltimore, dans votre ville natale, que j’apprécie beaucoup".

"Le temps est magnifique, je vous remercie. Mais j’ai une question concernant votre article dans Etats-Unis Today. Vous vous tapez si fort dans le dos que j’ai eu peur que vous vous démettiez l’épaule. J’espère que vous allez bien."

"Dans la mesure où vous pensez que vos efforts pour secourir l’économie américaine en 2008 étaient un tel succès, j’ai pensé que vous pourriez répondre à l’article en première page du Financial Times mercredi : ‘La famille américaine moyenne gagne désormais moins, en termes réels, qu’en 1989, après que les revenus des ménages ont chuté pour la cinquième année consécutive’…"

"Voici ma question : quelle sorte de reprise est-ce quand les revenus baissent tous les ans ? Quelle sorte de reprise engendre des revenus plus bas qu’ils l’étaient 24 ans auparavant ? Comment une économie de consommation peut-elle espérer se développer alors que ses consommateurs ont de moins en moins d’argent à dépenser ?"

"Je sais que vous êtes très occupée. Je proposerai donc une réponse moi-même. N’est-il pas possible que l’économie américaine ne coure aucun danger de s’effondrer ou de disparaître ? N’est-il pas possible qu’elle ait simplement été en train d’apurer la gigantesque montagne de dette qui avait été accumulée au cours du demi-siècle précédent ? Et n’est-il pas possible qu’en interrompant la correction, vous ayez aussi mis fin au processus de guérison… laissant les Américains avec une économie surchargée de dettes… une croissance faible… peu d’emplois… et peu de réelle prospérité ?"

"J’espère que vous accorderez un peu d’attention à ces questions… et la prochaine fois que vous êtes à Baltimore, faites-moi signe — nous irons dîner au Prime Rib, au coin de la rue".

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile