La Chronique Agora

La mort de Boucle d’or

Goldilocks

Beaucoup d’analystes envisagent un scénario optimiste, avec une économie « ni trop chaude, ni trop froide », à la Boucle d’or… mais il se pourrait bien que leurs souhaits soient contrariés.

Je prétends que Goldilocks, Boucle d’or, est en train de mourir, non de la volonté et de l’action des hommes mais en vertu de ses contradictions internes, endogènes. Ces contradictions font que la disjonction entre le réel – conflictuel et limité – et le monétaire/financier – infini, sans limite, éternel – va bientôt se terminer.

La disjonction va cesser, le réel va faire son retour et la pyramide de papiers, de signes, de promesses va s’effondrer.

Bien sûr, ce sera à l’échelle de l’Histoire, pas demain. Cependant, les contradictions qui sont en train de creuser comme la célèbre taupe, ces contradictions sont indépassables. La rareté est là, nos limites existent ; il n’y a pas de magicien, il n’y a que des usurpateurs, des menteurs et des illusionnistes : à long terme, il n’y a pas de couverture possible, no hedge.

Alors maintenant, revenons aux formulations et rentrons dans l’imaginaire de l’idéologie dominante.

Compte tenu des taux d’endettement élevés actuels, des risques du côté de l’offre et des politiques monétaires et budgétaires ultra-accommodantes, le scénario « rose » actuellement intégré aux marchés financiers pourrait s’avérer être une chimère.

A moyen terme, divers chocs d’offre négatifs persistants pourraient transformer la légère stagflation actuelle en un cas grave.

Quatre scénarios possibles

Comment l’économie et les marchés mondiaux évolueront-ils au cours de la prochaine année ? Quatre scénarios, détaillés par l’économiste Nouriel Roubini, pourraient suivre la « légère stagflation » des derniers mois.

La reprise du premier semestre 2021 a fait place récemment à un ralentissement marqué de la croissance et à une flambée de l’inflation bien au-dessus de l’objectif de 2% des banques centrales, en raison des effets du variant Delta, des goulets d’étranglement de l’offre sur les marchés des biens et du travail, et des pénuries de certains produits, intrants intermédiaires, produits finis et main-d’œuvre.

Les rendements obligataires ont chuté au cours des derniers mois et la récente correction des marchés boursiers a été modeste jusqu’à présent, reflétant peut-être l’espoir que la légère stagflation se révélera temporaire.

Les quatre scénarios dépendent de l’accélération ou du ralentissement de la croissance et du fait que l’inflation reste durablement plus élevée ou ralentit.

Les analystes boursiers et la plupart des décideurs anticipent un scénario Boucle d’or : une croissance plus forte et une inflation modérée, conformément à l’objectif de 2% des banques centrales. Selon ce point de vue, le récent épisode de stagflation est largement dû à l’impact du variant Delta. Une fois qu’il s’estompera, les goulots d’étranglement de l’approvisionnement le seront également, à condition que de nouvelles variantes virulentes n’apparaissent pas.

La croissance s’accélérerait alors, tandis que l’inflation diminuerait.

Inflation et surchauffe

Pour les marchés, cela représenterait une reprise des perspectives de « reflation boursière » du début de l’année, alors qu’on espérait qu’une croissance plus forte soutiendrait des bénéfices plus élevés et des cours boursiers encore plus élevés.

Dans ce scénario optimiste, l’inflation se calmerait, maintenant les anticipations d’inflation ancrées autour de 2%, les rendements obligataires augmenteraient progressivement parallèlement aux taux d’intérêt réels, et les banques centrales seraient en mesure de réduire l’assouplissement quantitatif sans ébranler les marchés boursiers ou obligataires.

Dans les actions, il y aurait une rotation des Etats-Unis vers les marchés étrangers (Europe, Japon et marchés émergents) et des valeurs de croissance, technologiques et défensives vers les valeurs cycliques et de valeur.

Le deuxième scénario implique une « surchauffe ». Ici, la croissance s’accélérerait à mesure que les goulets d’étranglement de l’offre seraient levés, mais l’inflation resterait obstinément plus élevée, car ses causes ne seraient pas temporaires.

L’épargne non dépensée et la demande refoulée étant déjà élevées, la poursuite de politiques monétaires et budgétaires ultra-accommodantes stimulerait encore plus la demande globale. La croissance qui en résulterait serait associée à une inflation persistante au-dessus de l’objectif, réfutant la croyance des banques centrales selon laquelle les hausses de prix ne sont que temporaires.

La réponse du marché à une telle surchauffe dépendrait alors de la réaction des banques centrales.

Si les décideurs politiques restent en retrait, les marchés boursiers pourraient continuer à monter pendant un certain temps, car les rendements obligataires réels restent faibles. Mais l’augmentation des anticipations d’inflation qui s’ensuivrait finirait par faire monter les rendements obligataires nominaux et même réels, car les primes de risque d’inflation augmenteraient, forçant une correction sévère des actions.

Alternativement, si les banques centrales deviennent bellicistes et commencent à lutter contre l’inflation, les taux réels augmenteraient, faisant grimper les rendements obligataires et, encore une fois, forçant une plus grande correction des actions.

Nous verrons demain les autres scénarios.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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