La Chronique Agora

Une montgolfière de dette sponsorisée par la Fed

▪ Si les places européennes avaient clôturé quelques heures plus tard, elles auraient probablement fini à l’équilibre ou en hausse. Wall Street, de son côté, s’est empressé de combler son retard sur les places européennes (en hausse de 0,6% lundi) et reprendre sa course aux records annuels ou historiques.

Dès que les places européennes ont clôturé (en repli de 0,35% à 0,6%), un magnifique algorithme haussier a été activé à Wall Street. Il a propulsé les indices américains vers de nouveaux records annuels ou historiques par le biais d’un canal haussier d’une régularité « robotique ».

Ou, pour décrire autrement le caractère purement mécanique, du scénario, on aurait cru observer l’ascension d’un funiculaire ou encore l’une des arêtes de la pyramide de Khéops.

▪ D’après les stratèges, les indices en ont encore sous le pied
Le Russell 2000 a inscrit un nouveau plus haut absolu à 899 points. Le Dow Transportation, pour sa part, s’est affiché à 5 757,5 points — contre 5 550 lors du précédent sommet d’avril 2011 et 5 450 en mai 2008.

Mais avec des taux zéro, les stratèges vous affirment en choeur que les indices ont encore du potentiel puisque les actions ne se payent pas cher. Elles sont certes sur de nouveaux plus hauts, elles affichent certes des multiples vertigineux… mais oubliez ça, puisque par rapport aux T-Bonds elles offrent un rendement très avantageux.

Bon, ce ne sont plus les rendements de 2007… mais par rapport à zéro, 2% c’est toujours mieux que rien, et vu le climat de confiance actuel, les acheteurs ne risquent rien.

Vous l’avez compris, plus c’est cher, plus c’est déconnecté de la conjoncture prévisible à 12 ou 18 mois, moins vous risquez de perdre votre argent. Les cours ne peuvent pas rebaisser puisque les banques centrales inondent les marchés de liquidités en quantité illimitée.

Nous évoluons bel et bien dans l’une de ces phases bénies où les cours n’ont aucune possibilité de rebaisser (les dot.com ne le pouvaient pas au printemps 2000, les prix de l’immobilier ne le pouvaient pas au printemps 2007) car ils surfent sur la magie d’une nouvelle nouvelle économie.

▪ Faisons tourner les planches à billets
Cette nouvelle économie, c’est celle que nous propose le Japon avec un objectif d’inflation minimum de 2% ou la Fed avec un objectif de taux de chômage plancher de 6,5%. De l’argent sera imprimé en quantité illimitée jusqu’à ce que l’économie réelle se plie aux exigences des banquiers centraux.

Mais pourquoi diable n’y avait-on pas songé avant ?

Pourquoi la BCE ne se fixe-t-elle pas un objectif de croissance de 3,5% au lieu d’attendre bêtement que l’Espagne lui demande de faire tourner la planche à billets ?

Pourquoi la Fed n’imprime-t-elle pas 26 000 milliards de dollars et on n’en parle plus, la dette américaine sera éteinte ?

Après tout, l’endettement japonais s’élève à 225% du PIB et les créanciers (peu importe qu’ils soient majoritairement nippons) ont confiance.

Les Etats-Unis ne sont endettés officiellement qu’à 100% de leur PIB, c’est-à-dire pas plus que le Royaume-Uni et bien moins que l’Italie. Il existe une marge fabuleuse pour faire tourner la planche à billets sans que personne ne bronche.

Le plus drôle, c’est que les Européens seront obligés d’acheter ces T-Bonds à tour de bras s’ils veulent éviter que l’euro ne grimpe au-delà des 1,50 face au dollar.

Face au yen, la bataille semble déjà perdue : l’euro vient de s’envoler de 20% en deux mois et M. Shinzo Abe trouve que le yen est encore surévalué.

Quelques membres de la Bundesbank se sont émus mardi matin, mais les marchés se sont empressés d’oublier leurs jérémiades. De toute façon, plus personne ne les écoute depuis que Mario Draghi a promis de sauver l’euro.

On se demande dans ces conditions pourquoi Paris a consolidé au final de -0,59% (dans des volumes ridicules de 2,34 milliards d’euros), effaçant ainsi ses gains de la veille.

▪ Les marchés européens restent optimistes (on se demande bien pourquoi)
Pas de quoi faire douter les optimistes puisque le CAC 40 se maintient bien au-dessus de l’ex-résistance des 3 730 points.

Pas de véritable pression à la baisse sur l’ensemble des places européennes qui ne cédaient que 0,35% — grâce à Milan qui progresse de 0,5% et malgré Francfort qui lâche 0,7% ; un comble vu l’envolée de 24 points de l’indice ZEW, revenu au plus haut depuis mai 2010 à 31,4 points.

A noter que Madrid (-0,4%) n’a pas profité non plus du succès de l’émission obligataire de la fin de la matinée. En effet, un emprunt syndiqué de sept milliards d’euros à 10 ans a été couvert 3,5 fois… au-delà de toutes les espérances, grâce à un « appétit pour le risque » qui fait son grand retour. Mais qu’est ce qui coince ?

Serait-ce la déception causée par le recul des ventes de logements anciens pour décembre aux Etats-Unis ? Elles étaient attendues en légère hausse à 5,1 millions mais sont ressorties à 4,95 millions, en repli de 1%. Un chiffre qui contraste avec le boom apparent des mises en chantier de logements neufs en décembre.

La surprise du jour demeurait l’indice ZEW du sentiment économique en Allemagne : il explose littéralement à la hausse — de 24,6 points, à 31,5, son plus haut niveau depuis mai 2010.

Les milieux d’affaire allemands calquent comme d’habitude leur optimisme sur celui de la Bourse de Francfort qui anticipe une forte croissance en fin d’année.

Ce scénario est loin d’être corroboré par les prévisions de la Bundesbank, qui se montre beaucoup plus circonspecte.

De plus, la chute du yen favorise la commercialisation de nombreux produits japonais qui — en dehors des voitures haut de gamme — rentrent en concurrence frontale avec ceux fabriqués en Allemagne… donc aucun souci à se faire !

N’allez surtout pas supposer que le DAX en Allemagne ou le Dow Transportation présentent toutes les caractéristiques d’une bulle. Une bulle c’est quand tout le monde est haussier (nous y sommes) et quand tous les intervenants courent après le papier. Mais voyez les volumes, il n’y a pratiquement pas d’acheteurs, sauf les banques qui travaillent en étroite collaboration avec la Fed !

Alors il n’y a techniquement pas de bulle ; c’est juste une montgolfière portant les initiales de la Fed sur ses flancs.

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