▪ Il n’y a pas grand’chose à dire sur les marchés financiers. Et les choses semblent s’être calmées dans notre bonne ville de Baltimore, maintenant que la Garde nationale est intervenue.
Nous revenons donc à notre exploration du Monde Merveilleux de la Fed.
Hier, nous avons examiné la déflation de dette qui menace. Lorsqu’on utilise plus de liquidités qu’il ne s’en crée, un assèchement se produit.
Ce sont les liquidités — l’argent disponible pour acheter des actions et des obligations — qui soutiennent les prix des actifs. Or actuellement, les liquidités proviennent des autorités et de leur système bancaire. Leurs politiques d’argent facile, dans les années 90 et 2000, ont engendré un gigantesque flux de fonds dans les marchés de capitaux US — qui a causé la bulle du Nasdaq en 1999 et les bulles financière et immobilière de 2007.
Maintenant que le QE a pris fin aux Etats-Unis, les choses commencent à avoir l’air un peu fatigué |
Lorsque ces bulles ont éclaté, les ménages ont ralenti leur consommation. Puis les autorités sont arrivées avec le QE 1, 2 et 3 — pour environ 3 500 milliards de dollars — afin que tout continue à circuler. Mais maintenant que le QE a pris fin aux Etats-Unis, les choses commencent à avoir l’air un peu fatigué.
Et si l’économiste Richard Duncan a raison, au prochain trimestre, la liquidité nette sera substantiellement négative. C’est à ce moment-là que nous verrons la fleur de Wall Street se jaunir et se flétrir.
Mais attendez… Les autorités ont-elles une nappe phréatique de cash et de crédit encore intacte qu’ils puissent assécher ? Les taux d’intérêt sont déjà à leur plus bas historique. Pourraient-ils baisser encore ? Tout à fait.
▪ Des questions cruciales…
Demandez à votre épouse ou époux : "que me donnes-tu si je t’embrasse ?" Si la réponse est "rien", vous avez établi la valeur de votre baiser — zéro.
Mais supposez que la réponse soit : "si tu sors la poubelle, peut-être que je te laisserai m’embrasser".
Ici, la valeur de votre baiser est encore inférieure — sous le zéro. Vous devez lui ajouter quelque chose pour le rendre acceptable.
De même, il semble que ceux qui prêtent au Japon, à la Suisse, à l’Allemagne et à de nombreux autres pays doivent ajouter quelque chose à leur argent chaque année pour persuader les gouvernements de l’accepter.
Comment peut-on simultanément n’avoir aucune valeur… tout en valant quelque chose ? |
Nous avons déjà été décontenancé par les taux zéro. Même avec un verre de trop… ou privé d’oxygène… nous n’arrivons toujours pas à leur trouver un sens. Comment peut-on simultanément n’avoir aucune valeur… tout en valant quelque chose ? L’argent vaut quelque chose, n’est-ce pas ? Alors comment peut-il être prêté pour rien, ou moins ?
Peut-il que les débuts du christianisme nous aideront à comprendre. Les pères de l’Eglise étaient confrontés à leurs propres énigmes — la nature de Jésus, par exemple. Etait-il un homme ? Dieu ? Ou les deux ? Comment pouvait-il être à la fois le fils de Dieu et Dieu lui-même ? Un peu bizarre, non ?
Le sujet a généré de longues discussions et pas mal de massacres divers et variés. En fin de compte, la question n’a jamais été résolue de manière convaincante. Au lieu de ça, on est arrivé à une entente commode, les catholiques déclarant au Concile de Nicée que Jésus et Dieu étaient d’une seule et même substance. Comment le savaient-ils, voilà qui n’a jamais été expliqué.
▪ Le monde à l’envers
Nous ne comprendrons donc probablement jamais non plus la véritable nature des rendements négatifs de la dette. Vaut-elle quelque chose ? Ou rien ? Prenons un exemple. Quel est le rendement réel sur une obligation du gouvernement japonais à 10 ans ? En d’autres termes : si vous prêtez de l’argent au gouvernement japonais — qui contrôle la troisième économie mondiale — combien d’intérêt gagnez-vous. Moins 2%, telle est la réponse.
Est-ce que nous avons bien compris ? La valeur de l’argent prêté est inférieure à zéro ? Donc si vous avez 1 000 milliards de dollars de JGB (obligations gouvernementales japonaises)… que valent-ils vraiment ?
Eh bien, si vous deviez rembourser un prêt à 2%, vous n’auriez pas un actif, mais un passif. Un portefeuille de JGB ne serait-il donc pas lui aussi considéré comme un passif, et non un actif ? Et si c’est un passif pour vous, est-ce que ce ne serait pas un actif pour le gouvernement japonais ? Remettons les choses dans l’ordre : l’emprunteur obtient un actif. Le prêteur obtient un passif. Dans quel genre d’univers est-ce que ce genre de chose arrive ?
Dans un monde d’intérêts négatifs, l’argent n’a pas de signification… pas de réalité |
Dans un monde d’intérêts négatifs, l’argent n’a pas de signification… pas de réalité. On pourrait construire des automobiles qui n’avancent pas… des avions qui ne volent pas… ou des ordinateurs qui ne calculent rien. Cela ne ferait aucune différence. Parce qu’on pourrait rester éternellement en activité.
Quoi ? Vous ne pourriez pas vendre vos produits ? Vous ne pourriez pas payer les intérêts sur votre dette ? Ha ha… au taux zéro, vous pourriez les payer éternellement pour moins que le coût d’un timbre.
Comment ? Vous n’êtes pas solvable ? Mais c’est bien l’idée. Dans un monde à taux zéro, ça ne fait aucune différence. Vos baisers en valent bien d’autres — ils sont tous tout aussi froids. Vous pouvez toujours payer vos dettes en empruntant — et en quantité infinie — et payer tout ce que vous voulez.
Les lecteurs attentifs auront bien entendu réalisé que nous ne vivons pas dans un monde à intérêt zéro. Nous vivons dans le véritable monde de chair et de sang. Nous vivons dans un monde où le cash, le crédit et les baisers comptent encore. Et dans ce monde réel, on doit encore payer pour ce qu’on veut.
Mais petit à petit, jour après jour, le monde dans lequel nous vivons se fait plus étrange — grâce à ce système monétaire bizarre. Et petit à petit, plus le monde financier devient étrange, plus les gens veulent détenir du cash, sonnant et trébuchant (en quelque sorte), pour s’en protéger.